Apparu à Wuhan en Chine, en fin 2019, le nouveau Coronavirus (Covid-19) a, aujourd’hui, bouleversé la planète. Chérif Sow, spécialiste des Relations internationales, qui pense que «plus elle dure, plus les grandes puissances s’affaibliront», ne voit pas un « grand changement» dans la position de l’Afrique, sur la scène internationale, après la pandémie de Covid-19.
Dans cet entretien avec Seneweb, le chargé de cours à l’Institut des hautes études sur la justice et des droits fondamentaux en Afrique (Ihejda), a analysé le discours d’Anthio Guterres sur l’Afrique, les enjeux géopolitiques derrière la course au vaccin, entre autres questions.
Que vous inspire la position des théoriciens du complot dans cette pandémie?
Je pense que les tenants de cette théorie fondent leur argumentaire sur les remous commerciaux d’avant Covid. Je veux dire la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis.
Cette guerre avait commencé à menacer terriblement les règles du commerce international à travers un protectionnisme d’une autre époque. Mais, il reste difficile d’être affirmatif sur cette idée de complot. À mon avis, l’ampleur que prend cette situation qui n’épargne aucune des puissances belligérantes, nous oblige à être prudents et surtout de ne pas se laisser emporter par la passion. Cette posture corroborerait la thèse que le virus est d’origine animale et n’a fait l’objet d’aucune manipulation humaine.
Peut-être que l’avenir nous réserve des surprises par rapport à l’origine réelle de cette pandémie qui est en train de mener le monde dans une récession sans précédent.
Cette maladie est-elle le reflet d’une autre guerre froide entre la Chine et l’Occident, particulièrement les Etats-Unis?
Si l’on est dans l’hypothèse d’un prolongement de la guerre commerciale entre les deux puissances, oui. Mais comme je l’ai dit, il faut se garder de tirer des conclusions hâtives même s’il ne faut aussi exclure aucune hypothèse.
Certains observateurs pensent que la pandémie de Covid-19 a, aujourd’hui, révélé l’impuissance de certaines puissances. Vous en dites quoi ?
Oui, c’est évident. Si l’on voit comment cette crise sanitaire a mis à terre certaines puissances, comme la France qui est déjà en récession, on peut bien être fondé à valider ce constat. Tous ces pays, qui étaient vus par le commun des mortels comme intouchables et résilients, ont montré toutes leurs limites en quelques semaines de crise.
La Covid-19 annonce-t-elle un nouveau monde ?
Probablement quelque chose changera et un nouvel ordre mondial se dessinera. Mais ce qui sera déterminant à mon avis ce sera la durée de cette crise. Plus elle dure plus les grandes puissances s’affaibliront. Cependant, si la crise disparaît plutôt, ces puissances qui ont une capacité de résilience plus forte pourront se relever plus rapidement. L’exemple de la Chine est assez édifiant car la vie économique a déjà repris et la production ira crescendo.
Quelle pourrait-être la place de l’Afrique dans les relations internationales post-coronavirus?
Des velléités de positionnement commencent à se faire entendre. Je veux citer le cas du Président sénégalais qui met sur la table la question de la dette des pays africains. La capacité des Africains à gérer cette pandémie au plan économique, social et sanitaire sera un indicateur déterminant pour moi.
Il serait quand même intéressant de voir comment les institutions régionales et sous régionales participent à cet effort de lutte contre la pandémie et de sa capacité d’anticiper sur des mesures économiques à prendre pour l’après Covid. Loin d’être un Afro-pessimiste, je ne pense pas que l’après Covid changera grand-chose la position de l’Afrique dans les relations internationales. Mon plus grand souhait serait bien sûr de voir après cette crise, l’Afrique s’affirmer davantage.
Le Sg de l’Onu, Antonio Guterres, prédit des millions de morts en Afrique. Quelle analyse faire de cette déclaration?
Le constat actuellement est que l’Afrique est (avec 11424 cas et 572 morts) largement au-dessous des chiffres astronomiques enregistrés aux Etats-Unis et en Europe. Les prédictions du Secrétaire générale de l’Onu sont donc pour le moment très loin d’être atteintes.
A mon avis, il ne fait qu’alerter l’opinion internationale et surtout attirer l’attention des Africains sur ce danger mondial. Pour moi, c’est un discours préventif et non raciste. Il faut être positif. Si les Africains ne sont pas sensibilisés sur les risques les plus extrêmes, ils ne prendront pas les mesures nécessaires que ce soit nos décideurs mais également les gouvernés. Il faut comprendre son discours dans ce sens. Sa posture ne lui permet pas de tenir un discours raciste ou de mépris à l’encontre des africains.
Quels pourraient être les enjeux géopolitiques derrière la course au vaccin ainti-Convid-19 ?
Il y a forcément une course pour trouver le vaccin dans les meilleurs délais. Ce qui entraînera une concurrence entre les principales puissances du monde à travers les laboratoires privés internationaux et les instituts de recherche publics. Aujourd’hui, trois blocs se dégagent dans la recherche. Il s’agit de l’Europe, des Etats-Unis et de la Chine. Ces derniers sont en train d’accélérer les recherches avec trois essais effectués dont deux aux États-Unis et un par le laboratoire Sanofi en relation avec le gouvernement américain. C’est une véritable course contre à la montre à laquelle on est en train d’assister.
Le leadership dans le domaine de la recherche pourrait être un autre enjeu pour ces dernières.
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