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Comment le gouvernement compte évacuer la «jungle» de Calais

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Comment le gouvernement compte évacuer la «jungle» de Calais

L'opération «humanitaire» voulue par le président de la République et son ministre de l'Intérieur débutera lundi. Un défi humain et logistique, pas sans risques.

C’est une opération à haut risque que le gouvernement s’apprête à lancer lundi : démanteler complètement, en l’espace de dix à quinze jours, le bidonville de Calais et fournir une solution de relogement aux 6 500 migrants qui y vivent pour leur permettre, dans un second temps, de demander l’asile en France. Deux ministères (Intérieur et Logement) sur le pont depuis deux mois, 1 250 policiers et gendarmes déployés dans le Calaisis, plus de 450 centres d’accueil et d’orientation ouverts sur l’ensemble du territoire métropolitain… Des moyens inédits ont été dévolus à cette initiative d’envergure, dont la place Beauvau se dit «très fière».

Les réserves et inquiétudes des associations ne manquent pas. Ces dernières semaines, elles ont alerté sur les risques d’une opération purement sécuritaire, regretté le flou entourant l’avenir des structures d’accueil péniblement mises en place dans la «jungle» de Calais ces dernières années, et poussé pour une politique ambitieuse de regroupement familial pour les mineurs isolés ayant de la famille au Royaume-Uni. Le ministère de l’Intérieur, qui assure avoir travaillé«en concertation» sur ces différents points, estime désormais que l’heure de l’évacuation est venue. Le coup d’envoi sera donné lundi à 8 heures du matin. Libération fait le point sur les différentes étapes d'une opération qui sera très médiatisée, dont les contours ont été présentés jeudi à la presse place Beauvau.

La préparation

Depuis plusieurs semaines, travailleurs sociaux, représentants de la préfecture et agents de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) multiplient les missions d’information dans la «jungle». Les habitants ont été informés de la volonté des autorités de démanteler le bidonville, sans en connaître la date précise. Il leur a aussi été signifié que, cette fois, d’importants moyens allaient être mis en place pour fournir une solution d’hébergement à chaque personne manifestant la volonté de quitter la lande. L’objectif, in fine, étant de les convaincre de déposer une demande d’asile en France.

Des procédures accélérées pour le dépôt et traitement des dossiers devraient être assurées, et une certaine souplesse accordée aux situations administratives compliquées. Selon les estimations, 50 à 80% des migrants vivant dans le bidonville ont en effet laissé des empreintes dans un autre pays européen et leur cas, en vertu du règlement de Dublin, ne relève pas, en théorie, de la France. Mais afin d’éviter la reformation de «mini jungles» dans la région, la consigne a été passée de ne pas procéder à des éloignements de migrants vers l’Italie, la Grèce ou encore l’Allemagne.

Les maraudes d’information vont s’accélérer dimanche, avec notamment la distribution de fascicules rédigés dans toutes les langues parlées dans la «jungle». Les migrants seront aussi renseignés sur les modalités pratiques de l’évacuation qui débutera au petit matin lundi.

Le départ et le relogement

L’Etat a réquisitionné un hangar de 3 000 mètres carré, situé à quelques encablures des dernières habitations du bidonville. Organisé comme une «gare routière», c’est là que les migrants candidats au départ seront accueillis puis orientés vers les bus chargés de les conduire vers les CAO, répartis un peu partout en France. De 8 heures à 20 heures, les migrants seront invités à prendre place dans l’une des quatre files d’attente, dont chacune correspondra à une situation particulière : les personnes majeures seules, les mineurs isolés, les familles, et les publics vulnérables.

A l’intérieur, un premier sas sera dédié à l’accueil des exilés. Devant des agents de l’Ofii (Office français de l’immigration et de l’intégration), ils seront invités à choisir une destination, parmi deux régions de départ proposées. Un bracelet de couleur leur sera remis en fonction de ce choix. Précision importante : les groupes d’amis pourront rester ensemble s’ils le souhaitent, une revendication souvent formulée par les exilés.

A l’issue de ce court entretien, les migrants rejoindront un deuxième sas, où seront installées six tentes d’une capacité de 50 places chacune, aux couleurs des différentes régions de destination. Des agents de la protection civile seront chargés de recueillir les identités des uns et des autres. Quand la tente sera pleine, un autocar viendra se garer à proximité, avec à bord deux accompagnateurs. Soixante véhicules sont potentiellement mobilisables lundi, 45 le mardi et 40 le mercredi. Pour la suite, tout dépendra du nombre de candidats au départ.

Le voyage

A chaque départ d’autocar, la liste des occupants sera envoyée aux préfectures de régions chargées de les accueillir. Les véhicules seront géolocalisés tout au long de leur trajet. Par ailleurs, leurs arrêts ont d’ores et déjà été «prépositionnés» avec, sur chaque aire d’autoroute, un «dispositif léger de police ou de gendarmerie», pour éviter tout potentiel incident avec des opposants. Au terme du voyage, les personnels des CAO seront mobilisés pour héberger ces nouveaux arrivants. Le travail de constitution des dossiers pour une éventuelle demande d’asile débutera au cours des jours ou semaines suivants.

Les mineurs isolés

Ils sont près de 1 300 à vivre dans la «jungle» de Calais. Du fait de leur minorité, ils doivent bénéficier d’une prise en charge spécifique. Mais, selon un recensement de l’association France terre d’asile, 95% d’entre eux souhaitent rejoindre le Royaume-Uni, où 40% auraient de la famille. Le règlement européen de Dublin prévoit une mesure de regroupement familial, mais le gouvernement conservateur de Theresa May est pour l’instant peu enclin à activer ce dispositif.

Pendant le démantèlement, les autorités ont donc prévu une procédure spécifique pour ces enfants ou adolescents, souvent originaires d’Afghanistan ou d’Erythrée. Après un premier contact avec des agents de France terre d’asile, les mineurs isolés bénéficieront, à l’intérieur du hangar, d’un entretien avec un agent de l’Ofpra et d’un de ses homologues britannique, afin de les informer de l’existence de la procédure de regroupement familial.

Ils seront ensuite conduits, en navette, vers les conteneurs du Centre d’accueil provisoire (CAP), le lieu d’accueil «officiel» mis en place au début de l’année par les autorités. Ils pourraient y rester une quinzaine de jours, le temps que les autorités britanniques examinent les dossiers et annoncent combien de mineurs elles sont prêtes à accueillir. Les tractations entre les deux pays, serrées, se poursuivent. Le gouvernement français compte sur la pression de l’opinion publique outre-Manche pour inciter l’équipe de Theresa May à fournir plus d’efforts.

La destruction de la jungle et le dispositif policier

Dès mardi, la destruction des habitations de la «jungle» s’engagera. Une opération qui sera réalisée en présence de très nombreuses forces de l’ordre. 1 250 policiers et gendarmes sont engagés avec différentes missions : s’assurer qu’aucune bagarre n’éclate dans les files d’attente menant aux autocars, prévenir la reformation de campements de fortune dans la région, et éventuellement, lutter contre les militants «No Border», ces activistes qui prônent l'abolition des frontières, et qui pourraient essayer de s’opposer physiquement au démantèlement du bidonville. Ils seraient, selon la préfecture du Pas-de-Calais, entre 150 et 200 sur le site.

Mais ce sont surtout les derniers jours de l’évacuation qui préoccupent les autorités. Ils redoutent que des migrants souhaitent rester dans la «jungle», leur rêve de Grande-Bretagne toujours en tête. Un défi sous l’oeil des caméras : le gouvernement décidera-t-il de procéder à l’interpellation, voire au placement en centre de rétention, de migrants afghans ou érythréens dont le principal tort serait de refuser de demander l’asile en France ?

Sylvain Mouillard



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