Les Sénégalais risquent de se retrouver devant un écran noir ou de souffrir d’un silence radio si la Radio diffusion télévision du Sénégal (Rts) ne paie pas les 65 millions qu’elle doit au Bureau Sénégalais du droit d’auteur (Bsda). C’est ce qu’a ordonné le Tribunal Régional Hors classe de Dakar qui a rendu sa décision après avoir été saisi par cet établissement. Information relayée par le Populaire la semaine dernière. Quant aux organes privés, ils n’ont qu’à se préparer à une sanction similaire puisque le Bsda est déterminé à rentrer dans ses fonds. Pour le bonheur des artistes qui affichent le sourire.
C’est au moment où la Radio diffusion télévision du Sénégal (Rts) s’apprête à accueillir sa deuxième chaîne de télévision qu’une décision de suspension de ses émissions tombe sur sa table. Le Bureau sénégalais du droit d’auteur (Bsda) n’en peut plus des avertissements sans effet. L’établissement piloté par Mme Diaby Siby, a demandé et obtenu, sur ordonnance du Tribunal Régional Hors classe de Dakar, la décision juridique, après de vaines tentatives de règlement à l’amiable, de suspendre «tous programmes en cours ou annoncés diffusés par la Rts dont les contenus sont protégés au titre du droit d’auteur jusqu’à l’accomplissement des formalités légales et le paiement intégral des doits dus».
L’établissement public qui assure la protection et l’exploitation des droits d’auteur pointe le doigt sur la Rts. «La Rts (a), selon le Bsda, viol(é), délibérément, les dispositions prévues par les articles 3, 9, 46 et 47 de la loi 73-52 du 4 décembre 1973 relative à la protection du droit d’auteur», lit-on dans la requête du Bsda adressée au Tribunal Hors classe de Dakar datée du 25 septembre 2007. Mieux, l’organisme qui répertorie les œuvres musicales sur toute l’étendue du territoire parle «d’exploitation illégale» d’œuvres ainsi que des «manquements graves et répétés commis par la Rts qui diffuse le répertoire protégé». Tout cela est, à ses yeux, constitutif, de «contrefaçon». Un courroux qui fera que le Bsda n’exclut pas de solliciter, au besoin, l’assistance de la Force publique «aux fins de procéder à ladite suspension».
65 MILLIONS A VERSER AU BSDA
Le Bsda est un «entonnoir» estime le directeur de la perception, des nouvelles technologies et de la Promotion du répertoire, Cheikh Dieng. Pour cause, développe-t-il, le paiement des droits d’auteurs dépend du paiement des entreprises de presse. La Rts doit, aujourd’hui, 65 millions au Bsda dont 25 millions pour l’année 2006 et 40 millions pour celle de 2007. D’ailleurs, la norme généralement admise au niveau international fixe à 4,5% le taux qui doit être soustrait du budget de fonctionnement des radios et télés ou sur le chiffre d’affaires réalisés sur la publicité. La Rts fonctionne avec un budget de 5 milliards de francs Cfa. Par conséquent, «si ce pourcentage est appliqué, nous sommes bien loin de 40 millions décidés par les pouvoirs publics. En réalité, la Rts doit payer 225 millions de francs Cfa par an, à répartir sur la quote-part musicale, dramatique et littéraire».
Aujourd’hui, il s’agira, regrette M. Dieng, «de rompre le contrat qui nous lie à la Rts, depuis le 1er décembre 1977 pour revenir aux normes actuelles, le groupe s’étant enrichi d’autres entités». Le paiement des royalties des musiciens a démarré, depuis mercredi dernier. Il s’agit, en fait, des droits reçus durant le 1er semestre de 2006. Il revient de droit aux artistes de percevoir, tous les six mois, la répartition principale et, tous les trois mois, la répartition complémentaire.
LA PRESSE PRIVEE, PROCHAINE CIBLE DU BSDA
Cette mesure de suspension émise par le Bsda sera-t-elle suivie d’effets, si l’on sait que la Rts est une chaîne publique gouvernementale ? La société dirigée par Babacar Diagne ira-t-elle jusqu’à faire son mea culpa en sevrant les spectateurs abonnés aux sorties de Me Wade et de ses ministres d’images ? Il est clair que le ministre de l’Information ne sera pas des spectateurs d’un tel show ? Lui qui a reçu copie de la requête du Bsda comme son collègue de la Culture et du Patrimoine historique classé, en plus des ampliations du Conseil national de régulation de l’audiovisuel (Cnra).
Les artistes, eux-mêmes, s’émeuvent de leur situation et n’ont pu «censurer» leurs plaintes. C’est ainsi qu’on a assisté, hier, à un défilé de figures de la musique sénégalaise. Salam Diallo, arrive tout sourire, à 11 heures, alors que d’autres comptent leurs sous devant les percepteurs. Ils approuvent, presque tous, la sentence prononcée contre la Rts. «Nous sommes très lésés par la Rts», fulmine le percussionniste de «l’Orchestra Baobab», Mountaga Kouaté même si Nabou Yaa Daan reconnaît que les médias font leur promotion. «Si, en plus de la piraterie, on refuse de nous payer nos droits, c’est la catastrophe», peste Médoune des Pirates de Dieuppeul.
La Rts n’est pas la seule société ciblée par le Bsda. Les radios et télévisions privées aussi, feront l’objet de sanctions si elles ne s’acquittent pas de leur devoir. Les seuls groupes en règle, énumère Cheikh Dieng, sont 2stv, Rdv, Nostalgie, Ndef Leng Fm, mais aussi, Sud Fm et Rfm qui ont signé un moratoire. En tout cas, prévient-il, «après la Rts ce sera au tour des autres».
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