Entretien avec Marie Ngoné Ndione : « J'attends toujours un mari ! Je suis de celles qui font du « défar ba mou bakh »

Chanteuse originaire de Fandène, localité située à sept kilomètres de la ville de Thiès, Marie Ngoné Ndione se veut l'aile protectrice de la culture Sérère, sous toutes ses composantes, à travers le paysage musical sénégalais, partant du « mbilim ». Femme entre deux âges, donc mûre et avertie, elle nous a accordé un entretien où elle revient largement sur sa vie, à travers de multiples facettes qu'elle réserve au tout prochain homme de sa vie. Le mari qu'elle attend toujours. Elle est également revenue sur ses premiers pas dans la chanson, depuis son village natal, le refus de ses parents de la laisser entrer dans le cercle musical, sa carrière de manière générale, et son entrée au théâtre national Daniel Sorano. Sans oublier ses différents albums, déjà sortis sur le marché ; et le tout dernier, ayant comme dénominatif « Tida Dang », qui ne signifie autre que « marcher tout doucement ». Entretien. L'office : Qui est Marie Ngoné Ndione ?

Marie Ngoné Ndione  : Marie Ngoné Ndione est une jeune femme qui a vu le jour à Fandène. Une localité, dans la région de Thiès. Mais je peux dire que je suis à Dakar depuis 1980 pour travailler, pas pour la musique seulement. J'ai également été dans un groupe de ballet, précisément à Taïba Grand-Dakar où je logeais. Mais en tout et pour tout, il faut tout simplement me voir comme quelqu'un qui veut, et souhaite avancer dans la musique. Comme quelqu'un qui a envie d'exploiter son rythme musical, le « mbilim », notre rythme traditionnel. Aussi, il faut signaler que c'est en 1981 que j'ai intégré l'Orchestre national, que je n'ai quitté qu'en 1997 pour le théâtre national Daniel Sorano. Ceci, par la voix de Seyba Traoré.

Et la chanson chez Marie Ngoné ? Est-ce un héritage, ou Marie Ngoné est-elle la seule chanteuse dans sa famille ?

Non, je ne l'ai pas hérité de mes grands parents. Mais, il faut dire que chez nous les Sérères, la chanson est en nous. Car, nous chantons à l'occasion de toutes les cérémonies, où lorsque nous sommes dans les champs. Aussi, j'ai également eu d'énormes difficultés pour intégrer le monde de la chanson. Mes parents ne le voulaient pas, alors pas du tout.

Mais alors, qu'est-ce qui vous a incité quand même à chanter, malgré les refus de vos parents ?

C'est d'abord par amour et passion. Et quand j'étais encore toute petite, je reprenais toutes les chansons que l'on chantait à l'occasion des cérémonies traditionnelles. Mais, avant toute chose, c'est d'abord de la passion.

Ensuite ?

C'est bien après ce cap, que j'ai été contacté par l'Ong Enda pour une campagne de sensibilisation à l'intention des ménagères, communément appelées « bonnes ». Et à travers mes chansons, je délivrais les messages qu'il fallait à ces braves femmes et jeunes filles. Et au même moment où je travaillais à la rue Clebert, que j'ai eu un contact qui m'a permis d'intégrer l'orchestre national.

Mais aujourd'hui, qu'est-ce qui explique l'écart entre les productions de Marie Ngoné ? Les moyens ?

Pour ma première production, je peux affirmer sans me tromper que je n'avais pas du tout des problèmes de moyens. Car c'est Enda qui l'avait financé. Mais c'est plutôt au niveau de ma seconde production que j'ai eu quelques petits problèmes. Car, lorsque tu travailles avec des gens, toute vérité n'est pas bonne à dire. Idem pour le dernier album récemment sorti, et qui coïncide avec une période où les producteurs sont de plus en plus hésitants, car évoquant surtout la piraterie. Et assez souvent, ils préfèrent se lancer dans la coproduction. Alors de ce point de vue, faire comme j'ai dit, « tida dang », jusqu'à obtenir ce que tu désires.

Restons toujours sur ce point. Pour savoir, au-delà de l'aspect piraterie que tu as évoqué, est-ce également parce que Marie Ngoné ne vend pas ?

Non ! Je ne le pense pas. À titre d'exemple. Pour ce qui concerne mon second album qui avait été produit par Talla Diagne, par moments, c'était la rupture totale sur le marché. Et bien qu'il n'ait pas produit le premier album, il l'avait repris toujours pour la vente, tellement cela marchait bien. Et pour vous répondre clairement, Marie Ngoné vend bien.

Pour en venir à ta nouvelle production. Que signifie « Tida dang » ?

Marcher doucement. Mais pour moi, et le sens que je lui donne, c'est marche doucement, mais tout en observant bien ton chemin. Marche à l'image de l'éléphant, si tu veux arriver à bon port.

A qui t'adresses-tu ?

Je m'adresse à tout un chacun. Mais surtout aux jeunes. Et ce qui m'a mis la puce à l'oreille, c'est l'histoire d'une femme que je connais ; et qui, au départ, n'avait rien, absolument rien. Mais aujourd'hui, grâce à son sacrifice, et son courage dans le travail, elle est devenue une riche femme d'affaires. Aussi, cette femme dont je parle, a accepté de marcher doucement, tout en observant, mais aussi et surtout avec prudence. Donc, « Tida dang », est destiné à toutes les personnes qui veulent atteindre un objectif dans la vie.

Mais, entre autres choses, quels sont les autres thèmes majeurs que Marie Ngoné développe dans cet album ?

Pour presque tous les titres de l'album, je m'adresse généralement, et le plus souvent, aux femmes. Dans un autre tube, et en tant que femme catholique, je l'ai dédié à la Vierge Marie. Sur le même registre, et en tant que membre du mouvement associatif des femmes catholiques, c'était comme un devoir de rendre hommage à la vierge. Je n'ai pas non plus oublié les fans, car je suis resté un moment sans sortir un album. Et à travers ce morceau, je leur demande pardon.

Comment se présente la musique de Marie Ngoné ? Moderne ou traditionnelle ?

À mon niveau, et à travers ma musique, je peux affirmer que je fais du tradi-moderne. Ce qui veut dire que nous créons une symbiose parfaite entre les instruments traditionnels et ceux modernes. Mais je signale au passage que je fais toujours un tube typiquement sérère et traditionnel, avec le fameux « mbilim » un rythme bien de chez nous.

Et comment évolues-tu dans cette musique sénégalaise dominée par le Mbalax ?

Effectivement, ce n'est pas du tout facile. Et dans une interview, j'avais même dit que les producteurs n'aimaient pas la musique « ethnique ». Ce qui m'avait valu de vives critiques. Mais si tu ne crois pas en ce que tu fais, tu ne peux que réussir. Et pour une sérère comme moi, qui a sa culture, ce ne serait pas intéressant de chanter dans une autre langue, et des chanteurs wolofs, ça pullule de partout. Mais, il n'est pas dit que je ne chante jamais en wolof, parce que j'ai des tubes carrément en wolof. En fait, le plus important est de faire aimer ce que tu fais.

Mariée ?

(Rires). Non pas encore !!!

Alors, comment peut-on décrire Marie Ngoné ? Disquette, Dieeg ou Diongoma ?

(Rires à gorge déployée). Disquette ? Non ! Etant donné que je ne suis plus jeune. Diongoma ou dieeg ? Je ne sais pas... Marie Ngoné ne saurait se décrire elle-même. Peut-être vous ? Je ne sais pas...

Aussi, en attendant l'arrivée prochaine du prince charmant, Marie Ngoné fait-elle partie du cercle « défar ba mou bakh » ?

Défar ba mou bakh ? Déjà, le premier titre de mon album était « Mok Pocc ». Donc, trêve de discussions sur ce point. (Rires à nouveau).

Mais au-delà des facettes traditionnelles sérères, on peut alors dire que Marie Ngoné est également de la race des férues de « bine-bine », « némali », « petit pagne », « dial-diali » et autres ?

Quelle est la femme qui ne veut pas de toutes ces bonnes choses ? (Là encore rires à n'en plus finir. Elle reprend ses propos, les larmes presque aux yeux), On dirait que vous voulez que je vous dise mes petites facettes ? Mais sachez que le prochain futur homme trouvera tout cela à l'endroit qu'il faut.

Il paraît que Marie Ngoné est une très grande sportive ? Est-ce pour garder la ligne ou pour préserver sa bonne santé ?

Ho ! C'est surtout pour préserver la santé. Et la plupart des filles ignorent que le sport est très bon pour la santé. Et souvent, lorsqu'on me voit en tenue de sport, la quasi-totalité des femmes me disent toujours la même chose. Ha Marie Ngoné, tu as vraiment du temps à perdre ! Voilà.

Pour aborder un autre point, mais toujours concernant votre carrière, est-ce que Marie Ngoné a eu à faire des tournées internationales ? Est-ce à cause de ses productions ou parce qu'elle est membre de Sorano ?

Avec le théâtre national Daniel Sorano, c'est arrivé une seule fois, et c'était cette année au Maroc. Sinon, à un niveau personnel, j'ai été en Belgique, au festival « voix de femmes ». Sur le même fil, j'ai également été en France pour le compte d'échanges culturels. Toujours pour la France , j'ai fait récemment Bordeaux, Paris et autres.

Marie Ngoné pense-t-elle un jour sortir de Sorano pour des affaires personnelles ?

Pour le moment, je n'y pense pas. Celant étant dû au fait que je n'ai pas encore vu quelque chose de meilleur. Je suis à Sorano.

Tes relations avec les autres artistes ?

Aucun problème avec un quelconque artiste. Pour être sincère.

Mais, Marie Ngoné veut ressembler à qui ?

(Rires, comme à son habitude, durant tout le long de l'interview). J'adore Youssou Ndour. J'ai même été jusqu'à le voir, le rencontrer, et échanger avec lui. Mais pour dire vrai, je voudrais bien ressembler à Yandé Codou, ou à Khady Diouf, qui est la seule personne qui m'a poussée à vouloir aller chanter à Sorano. Et cette femme, je l'écoutais étant très jeune. Et quand je reprenais ses chansons, ma mère me criait presque dessus ; et moi de lui répondre, je ne veux qu'une seule chose. Retrouver Khady Diouf à Sorano. Et même si je n'ai pas eu la chance de la retrouver à Sorano, comme par hasard, c'est après sa retraite que l'on m'a recrutée là-bas. Yandé Codou, quant à elle, a une voix superbe, et je ne sais pas si j'ai la voix de cette grande cantatrice.

Et côté ambitions, où va Marie Ngoné ?

Mais tout simplement, là où mes pairs obtiennent les disques d'or et disques de platine.

Pour sortir un peu du monde artistique, quel regard Marie Ngoné jette-elle sur les femmes sénégalaises en général ?

Le même regard que je jette sur ma propre personne, en tant que femme. Pour moi, on est arrivé à un moment où toutes les femmes travaillent et gagnent convenablement leur vie. Nous avons dépassé le stade de femme au foyer, qui ne fait que tendre la main. Les femmes sont de véritables soutiens de famille.

Marie Ngoné, teint noir et naturel. Et la dépigmentation dans tout cela ?

Chaque personne à son goût. Mais cela n'a jamais été une tentation pour moi. Mais, je n'ai à critiquer personne. Certaines femmes ont opté la dépigmentation, d'autres préfèrent garder leur naturel. C'est un problème de choix.

Pour terminer, quel appel lance-t-elle aux jeunes en âge de réussite, aux politiciens…. ?

En premier lieu, la politique n'est pas faite pour diviser. La politique doit rassembler. Et partant de ce constat, les politiques se doivent surtout d'aider les jeunes. Également, aider et secourir les populations vivant à l'intérieur du pays. Par exemple, pour nous qui habitons Fandène, il aura fallu d'une seule pluie pour que nos ponts s'affaissent.