Ce qui est délaissé, doit être de nouveau désiré. Dans l'art de la récupération, tout est sujet à recyclage. Et les artistes, spécialisés dans ce domaine, ressuscitent ou réaniment tous les objets du quotidien urbain abandonnés. Au regard des photographies exposées à l’Institut français Léopold Sédar Senghor (du 5 au 29 courant), le visiteur va redécouvrir comment des objets quasi inutilisables peuvent être remis en circuit.
Certaines photographies montrent des femmes assises à même le sol, en blouse bleue, découpant en morceau des chaises de jardin cassées. Ces femmes du Centre de valorisation des déchets plastiques de Thiès lavent et broient depuis cinq ans des bidons usés et des seaux percés pour un salaire mensuel de 30 euros soit environ 19. 650 F cfa. Une manière, selon elles, de sauver la matière, pour ne rien jeter encore moins d'abandonner des éléments afin de donner une seconde vie aux choses.
A côté de ces braves femmes, l'exposition intitulée «L'Afrique récupère», réalisée par une équipe de journalistes et de photographes, fait un zoom sur les fondeurs de Colobane. Ces derniers qui achètent l'aluminium chez les ramasseurs de la décharge de mbeubeuss, font bouillir ce métal pour en ressortir des marmites, des louches, des brochettes et des baby-foot. Les spécialistes de la récupération ont aussi envahi le lac desséché de mbeubeuss, situé à trente kilomètres de Dakar. Une photo intitulée L'économie de la débrouille, met en exergue ces tonnes de déchets arrivant chaque jour dans ces lieux qui permettent à des hommes et des femmes de gagner leur vie. Pour les ramasseurs ordinaires, c'est entre 500 et 1500 Fcfa par jour et pour les revendeurs en gros, la recette avoisine les cinquante mille francs.
Cette série de photographies de l'exposition «L'Afrique récupère», ouverte depuis le 5 avril et ce jusqu'au 29 courant, à l’Institut français Léopold Sédar Senghor fait partie d’un vaste projet axé sur le thème de la récupération. L'équipe a sillonné dix pays africains. Du Maghreb (Maroc), à l'Afrique Centrale (Cameroun et Gabon) en passant par l'Afrique de l'Ouest (Sénégal, Mauritanie, Mali, Burkina, Togo, Niger et Tchad). Mais les visiteurs n'auront pas la chance de faire la comparaison entre ce qui se passe au Sénégal et au niveau des autres pays africains. Car, les photos proposées ne se limitent qu'à Dakar et ses environs. Ce qui rend incomplète l'exposition «L'Afrique récupère» qui rend hommage à l’Afrique et prône le recyclage des objets. Chargé de la communication de l'Institut français, Pierre Borel explique que «l'exposition soutenue par Agf Sénégal Assurances, n'offre que les photos qui intéressent Dakar». L'objet, poursuit-il, «est de montrer ce qui se passe seulement à Dakar dans ce domaine».
L'exposition permet de faire un clin d'œil à quatre artistes sénégalais qui excellent dans la récupération. Babacar Diawara récupère les canettes de boissons pour les transformer en jouets, sacs à main, mallettes et autres mobiliers (tabourets, étagères, etc.). Quand aux artistes Mamadou Tall Diédhiou et Moussa Sakho, pensionnaires de l'Institut, ils recréent des choses vouées à l'abandon. Ecrivain-artiste, séduit par l'univers des oiseaux, Mamadou Tall Diédhiou prend des objets qui peuvent être perdus pour leur (re)donner une seconde mission.
«Avec ce travail de recyclage, se réjouit-il, je nettoie l'environnement et j'embellis le cadre de vie de l'être humain». Moussa Sakho fait cohabiter le sous-verre et la tôle rouée. L'artiste de l'imaginaire, Aladj Koné, quant à lui, récupère les pares brises des voitures pour mélanger le verre cassé. A l'aide du métal, qui lie ces éléments, il exploite les techniques du tissage de fibres rotins ou métalliques, le collage de petits objets, etc.
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