L’Unesco a inscrit les Cercles mégalithiques de la Sénégambie sur sa liste du Patrimoine mondial. Hier, le directeur du Patrimoine culturel sénégalais, Hamady Bocoum, a convié la presse pour relever l’importance de cette inscription et discuter des enjeux et de la nécessité de préserver les sites classés. Dans l’entretien qui suit, il aborde plusieurs questions liées au patrimoine en général.
Directeur, les Cercles mégalithiques de la Sénégambie viennent de figurer sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco. La question que j’ai envie de vous poser c’est : et après ?
Après nous allons continuer à faire des recherches sur les mégalithes, leur aménagement et aussi impliquer les populations pour que la gestion de la ressource puisse être mise avec efficacité au service du développement. La finalité, c’est de conserver notre mémoire non pas dans un but contemplatif, mais la mettre au service du développement culturel et humain de notre pays et de l’Humanité.
Quel(s) rôle(s) pourrai(en)t jouer les mégalithes sénégambiens dans les relations entre le Sénégal et la Gambie ?
Cela prouve, à mon avis, que notre frontière coloniale est absurde. Cela témoigne aussi d’une certaine continuité dans la mesure où le Sénégal et la Gambie ont inscrit ensemble récemment la kankourang comme chef-d’œuvre du Patrimoine oral et immatériel de l’Humanité. Aujourd’hui, avec les mégalithes, on a encore la preuve que nous sommes pareils, que nous avons toujours été pareils. Donc cette frontière coloniale qui coupe notre culture en deux est très absurde.
Vous avez énuméré différents sites de l’intérieur du pays qui pourraient être autant de pôles de développement culturel et touristique. Qu’est ce qui est fait pour la préservation et la rentabilisation de ces sites ?
Je dois d’abord préciser que le Patrimoine ne gère pas les affaires locales ; nous gérons les affaires culturelles et essayons de voir dans la palette de sites classés de notre pays quels sont ceux qui à nos yeux paraissent les mieux préparés pour être candidatés au niveau du Patrimoine mondial. Bien sûr, les communautés ont été informées, elles-mêmes qui ont été à l’origine des propositions. A notre niveau, nous préparons les dossiers, travaillons avec les communautés sur les plans de gestion. Ceci dit, notre rôle sera celui de veille ; de faire en sorte que les valeurs pour lesquelles nous sommes en train de proposer les sites ne soient pas corrompues, et faire en sorte qu’elles soient préservées et renforcées pour le futur. Ainsi, nous expliquerons, suggérerons et, le cas échéant, demanderons que l’Autorité sévisse.
En parlant de «veille» et d’«appel à l’Autorité» pour éventuellement sévir, il semble que vous avez en face des promoteurs qui ravagent les sites et monuments classés… N’est-ce pas l’Autorité qui est là, elle-même, interpellée?
Personnellement, je n’ai de problème avec aucun promoteur. Par contre, et cela est vrai, il y a beaucoup de pression urbaine particulièrement à Dakar où sur beaucoup de sites classés il y a des projets qui veulent se développer. Et il y a des sites qui constituent vraiment le cœur du «Dakar ancien» qui sont menacés à l’image du «vieux Kermel». Notre travail consiste à signaler à l’Autorité les menaces sur les biens. Au-delà de tout cela, nous avons aujourd’hui besoin d’une réflexion globale sur le patrimoine architectural. Vous savez, il n’est jamais bon d’être toujours sur la défensive et actuellement il nous faudrait prendre l’initiative. Et ce que nous faisons présentement, c’est de développer une réflexion prospective sur le «vieux Dakar» : qu’est-ce qu’on va conserver ? Comment le conserver ? Qu’elles sont les évolutions qui sont acceptables dans le respect des valeurs ?… J’estime que toute ville a besoin d’avoir une âme. Et l’âme d’une ville, c’est l’accumulation de la signature des générations qui ont fait cette ville-là. En ce sens, le «vieux Dakar» doit continuer à exister en s’insérant entre le Dakar actuel et futur que notre génération est en train de bâtir. Je pense qu’il faudrait à chaque fois essayer de trouver un équilibre entre le possible, le souhaitable et la dynamique réelle. Et je reste convaincu que les pays qui ont réussi à présenter les meilleurs modèles sont ceux-là qui ont réussi à préserver les âmes. Quelle que soit la nature, quelle que soit l’esthétique, le fondamental c’est de préserver une idée, un esprit, une signification, une signature.
Directeur, il est tout de même étonnant que vu l’importance du projet et ses finalités, le Patrimoine n’a pas songé, par exemple, à la signalétique des sites.
C’est tout à fait vrai, les sites ne sont pas signalés, mais nous sommes en train d’y travailler et dès l’année prochaine nous allons commencer, entre autres actions, à apposer des plaques sur les sites classés en les accompagnant d’un petit commentaire pour expliquer pourquoi tel ou tel site a été classé.
1 Commentaires
Allons Y Molo
En Octobre, 2010 (18:37 PM)Participer à la Discussion