Pour cet adepte du hip-hop undeground, tout est à refaire. Makhtar
jette un regard sur ses compatriotes, qu’il interpelle dans cette
interview choc. Un cri strident pour déranger le sommeil des
gouvernants.
Pourquoi ce nouvel album ?
La passion pour
le rap d’abord, ensuite les milliers de fans qui ne cessaient de
m’interpeller par rapport à la sortie d’un album solo du cagoulard.
Anyway je crois que c’est quelque chose que je leur devais, et voila
boom, SENEMAFIA, un album de 15 titres, disponible sur le marché depuis
le début du mois de janvier 2010.
Vous parlez beaucoup de corruption, drogue, assassinat, pourquoi ces thèmes ?
Makhtar
le kagoulard se veut un rappeur engagé et je ne fais que parler de la
situation sociopolitique qui prévaut au Sénégal. Pourquoi pas ces
thèmes ? C’est comme demander a Jomo Kenyatta,wole Soyinka ,Césaire ou
à un intellectuel noir contemporain pourquoi le thème de l’affirmation
de l’identité culturelle, pourquoi différentes tentatives de combattre
le système colonial, ceux qui voulaient faire table rase sur l’Afrique.
Parler de ces thèmes est un impératif pour tout sénégalais patriote,
dénigrer cette minorité qui mène le Sénégal à la dérive est un “must”
(nécessité). Corruption? Qui parmi nous, à cause d’une avidité aveugle
d’argent trompe les jeunes, bat les journalistes, tente d’assassiner
Makhtar le cagoulard, oublie les enseignements coraniques, et se laisse
corrompre par Abdoulaye Wade, parce qu’ il a une petite masse victime
d’un lavage de cerveau derrière lui ? Il faut qu’on accepte et que l’on
fasse savoir à toute la jeunesse sénégalaise en particulier qu’on est
dirigé, manipulé par une mafia qui se veut politico-religieuse, qui
tue, corrompt, qui vend ou laisse libre cours au trafic de la drogue,
qui fait la promotion de l’homosexualité, encourage la prostitution en
accentuant la pauvreté, surtout dans les milieux et familles
défavorisées. Bref, ces thèmes que je mets en exergue ne sont rien
d’autre que les réalités du Sénégal actuel.
Quelles relations entretenez-vous avec les autres membres du mouvement hip-hop sénégalais ?
Je
développe d’excellents rapports avec les rappeurs sénégalais, je dis
bien rappeurs, il faut que cela soit clair. Quand il s’agit maintenant
des brebis galeuses, ceux qui sont sans identité, ni concept et qui
sont animés par une lâcheté aveuglante qui leur permet d’oser se
réclamer du mouvement hip hop sénégalais, ceux-là, je ne m’abaisserai
jamais en voulant développer une quelconque relation avec eux.
Nous
vous avons entendu dans une interview que vous avez accordée à un
organe de la place, parler de « Rap caaxaan », vous faites allusion à
qui particulièrement ?
Rap thiaaxaan, c’est le rap de ceux qui
font de l’art pour l’art, ceux qui subjectivement ont accès au
microphone pour véhiculer des obscénités engendrées par les réalités
actuelles du hip-hop américain. Je parle de ceux qui présentent des
lyrics, des textes vides par rapport au fond et à la forme. Ceux qui,
après avoir écouté un rap américain ne se gênent pas de s’empresser de
faire du ”copie-coller”, point. Je ne citerai de noms, parce que je ne
me pardonnerai pas de faire la promo du médiocre.
En tant que Citoyen Sénégalais, comment trouvez-vous la situation politique, économique et sociale du pays ?
Je
ne crois pas avoir les mots qu’il faut pour une qualification exacte de
la situation politique, économique et sociale du Sénégal. Tout ce que
je peux dire c’est que le Sénégal va mal, il va très mal d’ailleurs.
Maintenant, il est question d’analyser ensemble pourquoi rien ne va
plus ; pourquoi le malheur que l’on vit présentement s’est-il abattu
sur nous ; c’est quoi notre part de responsabilité en tant que
population, citoyens sénégalais ; sommes-nous forcés de toujours
diriger, ou de se laisser diriger à la manière occidentale? Je crois
que le problème du Sénégal, c’est un problème de perte d’identité
culturelle. La vérité est que les deux eaux dans lesquelles nous
nageons depuis 1960, deviennent de plus en plus troubles, troubles
parce que notre aliénation s’exacerbe de jour en jour. Il fallait
qu’économiquement les choses aillent mal pour qu’enfin les Sénégalais
commencent à faire des analyses par rapport à nos réalités politique et
sociale.
Comment faire alors ?
Dans tous les cas ce à
quoi j’appelle la population aujourd’hui, c’est une révolution dans
tous les secteurs de la vie. Il est clair que pendant plus de 10 ans
que nous tirons verbalement sur les autorités publiques, apparemment le
feed-back escompté n’a pas encore vu le jour. En ce qui nous concerne,
nous autres artistes rappeurs, écrivains , étudiants de nos
universités, il faut que nous travaillions de concert pour développer
des théories révolutionnaires en vue de conscientiser les populations
sur l’état réel des choses, parce que l’objectif de ceux qui nous
dirigent, c’est de les abrutir a travers des clips de mbalax qui se
veulent promoteurs et démystificateurs de l’obscène. Des clips dans
lesquels ne sont clamés que les valeurs de certaines personnalités
politico-religieuses. Ils abrutissent les sénégalais avec des films
hindous diffusés en boucles à travers nos chaines de télévision.
Comment
voyez- vous l’évolution du mouvement hip-hop de 1990 à nos jours.
Est-elle positive ou négative et pourquoi ?
L’évolution du mouvement
hip-hop sénégalais peut être qualifiée de positive dans un certain
sens, à cause de la prolifération actuelle des nombreuses structures
hip-hop, studios, clips de qualité, etc… Oui le hip-hop sénégalais a
évolué, mais le rap « galsène » en soi a véritablement besoin d’une
réhabilitation imminente. Une autre raison qui m’a poussé à sortir
”SENEMAFIA”, c’est un vœu sincère de vouloir remettre les pendules à
l’heure. Je sais que mon discours ne plait pas à beaucoup (101
commentaires). Mais bon….i don’t care, parce que jusque là, je n’ai
reçu aucune critique objective. Pour que le rap sénégalais puisse
sortir du gouffre dans lequel il se trouve, il va falloir que les
rappeurs eux-mêmes écrivent des lyrics pour les sénégalais, jeunes,
vieux confondus, et qu’ils soient vrais dans leur discours. Le
problème, c’est qu’on nous impose à cause d’histoires de service
camarade, le médiocre, qu’on voit beaucoup à la télé, prenant les
devants de la scène hip-hop. Vouloir vraiment saboter le hip-hop
sénégalais réside dans le fait d’offrir à certains lèche… qui s’en
foutent du rap sénégalais l’occasion d’animer des émissions hip-hop a
la télé. De ce fait, les «reals » (vrais) se connaissent et se
reconnaissent. Respect à vous mes frères.
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