L’artiste musicien Moussa Ngom revient, dans cet entretien, sur le match Sénégal-Gambie, sa vie privée et ses relations avec les autres artistes. Il en profite pour demander à Youssou Ndour de lui offrir une voiture 4X4.
Vous avez disparu de la circulation. Qu’est-ce qui s’est passé ?
Je n’ai pas disparu de la circulation. J’ai juste pris du recul pour mieux sauter. Faire de la musique en Afrique c’est très difficile. Si tu as de l’argent, les choses sont faciles. Mais si tu as un handicap, les gens pensent que tu as disparu de la circulation. «Artiste dou danou mako wooy» (un artiste ne meurt pas, c’est moi qui l’ai chanté).
Donc «yow danouwo» (vous n’êtes pas mort) ?
Non jamais de la vie ! Je n’accepterai jamais de mourir artistiquement. Un artiste meurt quand il ne peut plus créer. Mais au Sénégal, quand un artiste n’a pas d’argent, on dit qu’il est mort. Mais moi je suis bien vivant. La preuve, vous avez entre vos mains mon dernier album. C’est dur d’être artiste en Afrique. Le rôle que je veux jouer est très dur.
Quel est le rôle que vous voulez jouer ?
Je suis un artiste de la Sénégambie. Je suis pour la culture sénégambienne.
Vous êtes installé au Sénégal ou en Gambie ?
Je suis à la fois au Sénégal et en Gambie. Je fais du «ngarallé» (je suis à cheval entre les deux pays).
Ah oui !
Ma première épouse est en Gambie avec mes enfants. La seconde est au Sénégal.
Les ménages des artistes sont instables. Il y a beaucoup de divorces. Est-ce à dire que les artistes sont de mauvais époux ?
Si on a la chance de se marier avec une personne pour l’amour de Dieu, c’est une chance. Ce mariage va durer. Mais, si on se marie pour autre chose, cette relation ne va pas durer.
Vous voulez dire que les mariages des artistes sont basés sur l’intérêt ?
Je veux dire que le mariage doit se fonder sur des bases solides. Sinon, ce n’est pas la peine. Si vous vous mariez pour l’amour de Dieu, je ne dis pas que vous n’allez pas rompre, mais cela va prendre du temps.
Avez-vous une fois divorcé ?
«Yalla téré» (Que Dieu m’en garde !). Je ne veux jamais rompre avec la femme avec qui j’ai eu des enfants. Je souhaite que nos enfants, en grandissant, nous voient ensemble. Que les enfants me voient avec leur maman. ( Ndlr : son téléphone sonne, il dit «Seedé Yaala» (le téléphone certifie mes propos).
Vous avez combien d’enfants ?
J’en ai six qui sont en Gambie.
Vous avez combien d’années de mariage ?
Ma première femme, c’est ma copine d’enfance. On sortait ensemble depuis qu’on était très jeune. Depuis le temps des clubs. On a duré ensemble. C’est bien avant que je ne commence à faire de la musique.
Donc, c’était votre copine de club ?
Oui, c’est ma copine de club. C’est depuis le temps où l’on arrosait la piste de danse pour les soirées dansantes. Cela ne date pas d’aujourd’hui.
Donc c’est le véritable amour ?
Oui, c’est le parfait amour. Mais c’est aussi de la chance.
Mais, alors, pourquoi avoir pris une seconde épouse ?
(Il éclate de rires). C’est de la chance.
Quel genre de chance ? Vous venez vous taper une deuxième à Dakar pour faire la belle vie. Il faut que vous nous expliquiez…
Nous sommes des musulmans. Nous avons droit jusqu’à quatre femmes. Mais cela n’a rien enlevé à l’amour que j’ai pour ma première femme. J’aime aussi ma seconde épouse, Awa Sarr, elle assure les chœurs dans mon groupe.
Vous «broutez» dans votre groupe ?
Oui, elle est dans mon groupe. A chaque fois que je chante, c’est elle qui assure les chœurs. C’est ce qu’on appelle l’amour à la Sénégambienne. (Il éclate à nouveau de rires).
Revenons sur le match Sénégal-Gambie qui s’est terminé avec des manifestations de colère des supporters. Comment avez-vous vécu ces événements ?
Je n’ai jamais voulu que le Sénégal joue contre la Gambie. Parce que cela amène toujours de la confusion. Ce n’est pas logique pour ceux qui raisonnent. Le Sénégal et la Gambie sont deux pays frères. Le Sénégal et la Gambie devaient se regrouper et faire une équipe sénégambienne. Onze joueurs pour le Sénégal, onze joueurs pour la Gambie. Et on forme une équipe. Avec une telle équipe, on peut remporter la coupe du monde. Parce que Dieu aime l’harmonie. On ne peut rien faire sans Dieu. Tout ce qu’on fait sans une dimension divine est voué à l’échec. C’est pourquoi je n’ai pas d’argent. Je n’ai pas de voitures. Je demande à votre patron, Youssou Ndour, de me payer une voiture 4x4. (Il éclate de rires).
Mais Moussa, avec tout le temps que vous avez passé dans la musique, une voiture quand même !
Nous avons été les précurseurs de la musique au Sénégal. Quand on était en plein dans la musique, il n’y avait pas de voitures. Mais des gens comme Youssou Ndour ont de la chance. On a plongé ensemble dans la musique, mais ils ont vite trouvé la voie. On a tracé la voie aux jeunes. S’ils le comprennent, tant mieux. S’ils ne le comprennent pas, ils risquent de se casser la gueule. Qu’ils le veuillent ou pas, on leur a ouvert la voie. Celui qui en déviera, il en verra les conséquences tôt ou tard.
Quels boys, vous voulez parler de Youssou, Thione... ?
Non, You et Thione, on a plongé ensemble. Ils ont eu plus de chance. Ils ont de l’argent. Mais moi, jusqu’à présent, je suis dans les eaux. Mais ce n’est pas faute de travailler dur. Je travaille très dur. Mais entre être riche et travailler dur, il y a la mer à boire. La richesse, c’est de la chance. Si c’est le travail qui apportait la richesse, moi je serais en ce moment un multi-milliadaire.
La musique ne nourrit donc pas son homme?
Elle ne nourrit pas son homme. Je ne fais pas de la musique pour de l’argent. J’ai choisi la musique par amour. Je vis intimement ce que je fais. J’aime ce que je fais.
Pouvez-vous nous parler de votre nouvel album ?
J’ai repris «Ismael , «Circulation Lamp Fall», j’ai chanté «Talibé» en prenant l’exemple de Wade, ses relations avec Serigne Bara. Le ministre de la Culture m’a soutenu pour sortir cet album. Je ne suis pas allé chez un producteur.
Certains vous prennent pour un fou, avec votre façon de vous habiller, deux chaussures de couleurs différentes ?
C’est l’unité africaine. J’ai dit à Youssou qu’il est temps qu’on porte des chaussures de couleurs différentes pour l’unité africaine. C’est la même qualité. En général, quand on n’émet pas sur la même longueur d’ondes que les autres, on vous traite de fou. On m’a toujours traité de fou. Nous sommes des artistes, nous ne devons pas penser comme les autres.
Quels sont vos rapports avec les autres artistes ?
La plupart d’entre eux sont des innocents. Ils n’ont rien compris à la vie. Parfois je veux en rencontrer certains dans un cadre purement professionnel, mais c’est difficile de les voir. Je prépare quelque chose avec Baba Maal pour l’unité africaine.
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