En fin de semaine dernière, Youssou Ndour, ambassadeur de l’Unicef, s’exprimant à l’Université des Nations Unies à Tokyo, a qualifié la loi Sarkozy sur l’immigration de «honteuse, négative et injuste» (Voir Libération du Mercredi 9 Août). A l’en croire , elle «dessert le ministre de l’Intérieur et l’image de la France dans le monde». Aussi dira t-il: «Sarkozy (…) doit comprendre que la France n’est pas seule en Europe et que, dans l’Union Européenne agrandie, la France ne peut régler seule le problème de l’immigration». Et l’enfant de la Médina d’avertir : «Si l’Occident croit qu’elle va avoir la paix et être tranquille avec ce type de loi, elle se trompe. Les Africains continueront toujours à venir». Déjà en juillet 2006, Youssou Ndour faisait remarquer dans les Echos de la Banque Mondiale, magazine du Bureau régional de Dakar, la complexité du phénomène en question. Refusant de céder à un quelconque manichéisme, il a mis en exergue la responsabilité des Etats africains et des parents. La pression parentale et la charge mimétique qui poussent les jeunes à l’exil sont aussi indexés. La maison familiale et le quotidien du voisin qui s’amèliorent «grâce à un enfant émigré qui vit dans de mauvaises conditions en Europe ou en Amérique, mais qui envoie de l’argent». Il s’agit de ce fameux Mandat dont le cinéaste Sembène Ousmane a décrit au début des indépendances les effets pervers, du fait de la tendance à penser que c’est l’argent venu d’ailleurs qui solutionne les problèmes.
Youssou invite plutôt à les poser autrement en investissant sur l’homme nouveau par le biais de l’éducation et de la formation. L’occident n’est pas épargnée pour autant, puisqu’il s’agit de circonscrire les responsabilités. Aussi fera t-il remarquer dans les Echos : «C’est également l’échec de l’Europe dont les dirigeants ne se soucient que des 20% de l’électorat qu’il faut séduire avec des politiques anti-immigration. Bush, Sarkosy, c’est pareil; quand ils parlent de l’immigration, c’est uniquement pour récupérer des voix». Et de se demander: «Pourquoi les jeunes veulent-ils partir coûte que coûte? Parcequ’ils n’ont pas de formation. Pourquoi n’ont-ils pas de formation. Sans formation , on ne peut pas valablement chercher un emploi». Déroulé sous forme interrogative le verdict tombe sans appel : «Qui se paierait le luxe d’employer quelqu’un qui ne sait rien faire»? La réponse coule de source et engage de facto la responsabilité de l’Etat, puisque lui incombent «l’éducation et la formation (qui) sont indispensables pour se créer des opportunités». Youssou a compris l’importance du Savoir, gage de toute liberté possible. Lui qui n’a pas eu l’opportunité de suivre des études poussées dit dans l’entretien accordé à Mademba Ndiaye, «regretter l’école». Toutefois , il ne s’arrête pas à une telle attitude qui victimise et ôte toute initiative. Bien au contraire, il a compris qu’il ne faut jamais regarder dans le rétroviseur mais qu’il faut puise dans ses ressources propres pour aller de l’avant, parce que le succès est au bout de l’effort.
Youssou Ndour mène ainsi son petit bonhomme de chemin sans se laisser griser par son succès. Il a saisi la nécessité de s’engager dans une action citoyenne en rapport avec des causes non partisanes qui méritent d’être défendues et/ou dénoncées. Il en est ainsi de l’enfance déshéritée, du sida, de l’immigration choisie, du racisme etc. Il s’installe ainsi dans une posture qui met l’accent sur la nécessaire fraternité entre les hommes et les femmes.
Enfant de son époque, ouvert aux apports fécondants de l’extérieur, Youssou Ndour refuse d’être enfermé dans n’importe quel carcan. Il préfère l’errance d’une conscience inquiète qui se méfie du confort qu’apporte la certitude, fille du dogmatisme.
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