C'est un Luiz Inacio da Silva vociférant, souvent rouge de colère, qui s'en est pris violemment au président d'extrême droite, moins de 24 heures après sa sortie de prison.
"Jair Bolsonaro a été élu démocratiquement (en 2018), mais pour gouverner pour le peuple brésilien, et non pour les miliciens de Rio de Janeiro", a hurlé Lula sous les vivats de militants vêtus de rouge.
Il faisait référence à la mort sous les balles, en mars 2018, de la conseillère noire de Rio, Marielle Franco. Un assassinat encore non élucidé, mais pour lequel les milices de Rio ont été pointées du doigt.
"Je suis de retour !" a également lancé un Lula furieux à Sergio Moro, qui l'avait condamné pour corruption. "Ce n'est pas un juge, c'est une canaille", a-t-il ajouté au sujet de celui dont l'impartialité a été contestée par des fuites, et qui est devenu le ministre de la Justice de Jair Bolsonaro. "Solidarité" avec les gauches voisinesO Bolsonaro tem que entender que foi eleito pra governar para o povo brasileiro e não para os milicianos do Rio de Janeiro.
— Lula (@LulaOficial) November 9, 2019
L'ancien président brésilien a également consacré quelques minutes de son discours pour exprimer sa "solidarité" avec les gouvernements de gauche sud-américains.
Vendredi, Lula avait reçu de très nombreuses marques de soutien de la part des dirigeants latino-américains de gauche après sa remise en liberté.
"Evo Morales a été élu [en Bolivie], mais la droite, comme ici, n'a pas voulu accepter le résultat", a-t-il lancé.
"Nous devons être solidaires avec la Bolivie, nous devons être solidaires avec le peuple chilien, nous devons être solidaires avec le peuple argentin", a insisté l'ancien président. "Nous devons demander à Dieu que le camarade Daniel [Martinez] gagne les élections en Uruguay afin que le néolibéralisme ne s'y implante pas."
"Nous devons être solidaires avec le peuple vénézuélien", a-t-il encore déclaré, ajoutant qu'il était "normal d'avoir des critiques […], mais c'est le peuple de votre pays qui règle les problèmes de votre pays".
Ovationné par ses partisans, Lula a profité de l'occasion pour s'en prendre au président américain Donald Trump, avec qui Jair Bolsonaro entretient des affinités politiques et idéologiques. "Que Trump résolve les problèmes des États-Unis et ne vienne pas embêter les latino-américains", a-t-il lancé. "Il n'a pas été élu au poste de curateur du monde !"
Emprisonné en avril 2018 pour huit ans et dix mois pour avoir touché des pots de vin, Lula a été libéré vendredi à la faveur d'un arrêt de la Cour suprême permettant l'élargissement de près de 5 000 détenus, qui a outré la droite.
L'ancien syndicaliste a donné des embrassades émues à de nombreux proches, des militants et même des journalistes, à son arrivée au siège du syndicat des métallos de Sao Bernardo do Campo, dans la périphérie de Sao Paulo, où il a livré tant de combats.
C'est aussi là qu'il s'était retranché, deux jours durant, en avril 2018, protégé par une immense foule de sympathisants, avant de se livrer aux autorités et d'être conduit à Curitiba, au sud du Brésil.
Remonté à bloc
Loin de paraître affecté par ses 580 jours d'emprisonnement, bien au contraire, le chef charismatique de la gauche âgé de 74 ans était remonté à bloc, retrouvant ses accents de tribun devant une foule conquise, au milieu de drapeaux rouges, de statues et de portraits géants de lui.
"Je suis venue parce que je crois en son innocence", a déclaré à l'AFP Tamara Blanco, 38 ans. Lula "est le meilleur président que le Brésil n'ait jamais eu et le restera", dit-elle a propos de l'ex-président (2003-2010) qui avait quitté le pouvoir avec un taux record de 87% d'approbation.
Sortant de son silence samedi matin, Jair Bolsonaro avait demandé sur Twitter aux Brésiliens de "ne pas donner de munitions à la canaille", Lula, "qui est momentanément libre, mais chargé de culpabilité".
Un combat politique à venir
Cette première passe d'armes donne la tonalité du combat politique qui s'annonce, dans un pays menacé d'une polarisation encore plus grande après la libération de Lula.
"Si nous travaillons bien, en 2022, la prétendue gauche, dont Bolsonaro a si peur, va vaincre l'extrême-droite de ce pays" a-t-il conclu.
Non loin de la tribune où s'époumonait Lula samedi, plusieurs milliers de manifestants protestaient sur l'avenue Pauliste, à Sao Paulo, contre l'arrêt de la Cour suprême qui a permis sa libération.Se a gente trabalhar direitinho, em 2022 a chamada esquerda que o Bolsonaro tanto tem medo vai derrotar a ultradireita nesse país.
— Lula (@LulaOficial) November 9, 2019
"Le plus grand voleur du Brésil est libre depuis hier, j'ai honte d'être Brésilien", déclarait à l'AFP Edecio Antonio, un retraité.
0 Commentaires
Participer à la Discussion