Le témoignage de l'ancien directeur du FBI James Comey jeudi a apporté de nouveaux éléments susceptibles de mener à des poursuites contre Donald Trump pour entrave à la justice, mais le dossier reste incomplet.
Devant une commission sénatoriale, l'ancien haut fonctionnaire, limogé début mai par le président, a estimé que si Donald Trump ne l'avait pas directement enjoint d'abandonner l'enquête sur les liens de l'ancien conseiller Michael Flynn avec la Russie, il avait compris le message comme un ordre.
Le principe d'entrave à la justice est reconnu par la loi fédérale américaine comme un délit, mais il nécessite que soit démontré le caractère intentionnel de la démarche.
L'ancien chef de la police fédérale a, en outre, vu dans son limogeage un lien direct avec l'enquête russe. "Le président estimait que ma façon de conduire l'enquête le mettait sous pression et il voulait l'étouffer", a-t-il expliqué aux sénateurs.
Pour un avocat de Washington, qui a officié au sein d'une précédente administration et a requis l'anonymat, ces éléments vont être examinés par le procureur indépendant Robert Mueller, nommé par le ministère de la Justice pour mener l'enquête russe.
"Si je suis l'avocat de Trump, je sais maintenant que le dossier d'entrave à la justice est ouvert sur le bureau" de Robert Mueller.
"La question va être de savoir s'ils trouvent des preuves du caractère intentionnel", a-t-il expliqué.
"Il y a des éléments pour ouvrir un dossier", a abondé, lors d'un entretien dimanche à la chaîne ABC, l'ancien procureur fédéral du district sud de New York, Preet Bharara, limogé par Donald Trump début mars.
"Nous devrions arrêter de parler d'entrave à la justice", a estimé, pour sa part, l'avocat Alan Dershowitz, spécialiste pénal, sur Twitter. Pour lui, il n'y a "pas de dossier plausible. Nous devons faire la différence entre des crimes et des péchés politiques."
Outre le débat sur l'épaisseur du dossier, les juristes s'interrogent également sur la possibilité même d'inculper un président en exercice, faute de précédent.
'Plus sérieux' que pour Clinton
Pour autant, l'entrave à la justice et la destitution relèvent de deux processus totalement distincts, le premier entièrement judiciaire et le second uniquement politique.
Il n'est pas nécessaire qu'un président soit inculpé pour que soit lancée contre lui une procédure de destitution, comme l'ont montré les exemples de Richard Nixon, en 1974, et Bill Clinton, en 1998.
Membre de la commission qui avait initié la procédure de destitution contre Bill Clinton, l'ancien élu républicain Bob Inglis a estimé vendredi que l'objet de l'enquête russe était "bien plus sérieux" que les accusations visant l'ancien président démocrate, tournant autour de sa relation adultérine avec Monica Lewinski.
Pour Charles Collier, professeur de droit à l'université de Floride, la probabilité de voir Donald Trump destitué est aujourd'hui plus élevée qu'avant le témoignage public de James Comey.
Pour autant, prévient-il, "beaucoup, beaucoup de choses devraient encore se mettre en place" pour arriver à la validation d'une destitution par un Congrès dont les deux chambres sont contrôlées par les républicains.
Deux élus démocrates à la Chambre des représentants ont annoncé mercredi qu'ils déposeraient des articles permettant de lancer la procédure de destitution, une initiative qui, en l'état, n'a aucune chance de prospérer.
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