Depuis l’accord de Ouagadougou, tous les observateurs politiques sont formels : le prochain Premier ministre ivoirien sera Guillaume Soro. Mais, pour que la population accepte le fait, il faut une stratégie bien pensée et exécutée par les irréductibles du camp du Président Laurent Gbagbo.
La Côte d’Ivoire traverse un tournant décisif de son histoire depuis le «dialogue direct» proposé par le président Laurent Gbagbo et qui a abouti dimanche 4 mars dernier, à la signature d’un accord de paix entre les Forces nouvelles (la rébellion) et le camp présidentiel. Cet accord donne une nouvelle allure à l’arène politique qui prend la couleur de l’apaisement et de la réconciliation et qui veut que l’ennemi d’hier, en l’occurrence Guillaume Soro, devienne l’homme qu’il faut «pour sortir le pays de la crise».
Pressenti pour occuper le poste de Premier ministre en remplacement de Charles Konan Banny, Guillaume Soro, chef de la rébellion, dont une déclaration «post-accord de paix» a été faite mardi dernier, sous forme d’adresse à la nation, est certainement en train de faire l’unanimité, surtout dans le camp présidentiel, son principal opposant.
Les déclarations par presse interposée des proches du président Gbagbo ne souffrent d’aucun doute que Guillaume Soro «est cet oiseau rare» tant recherché pour sortir le pays de la crise. «... Soro, je le sais intelligent, je l’ai toujours dit. Je sais qu’il a des qualités... Si Guillaume doit être Premier ministre, je pense qu’il faut que chaque Ivoirien se prépare à le considérer ainsi, à accepter de le voir à la Primature et que chacun se dise que c’est sa part de sacrifice pour que le pays retrouve la paix», avait déclaré le leader des jeunes patriotes, Charles Blé Goudé dans un entretien avec le quotidien pro-gouvernemental, Fraternité Matin.
Initiateur d’une caravane de la paix qui sillonne depuis près d’un mois des villes et villages du pays, dénommée «prend ma main ma sœur, prend ma main mon frère», Charles Blé Goudé a véritablement tourné le dos aux invites à la violence pour parler de paix et de réconciliation à ses compatriotes. Mieux, il prépare l’opinion à accepter ce qui lui était impossible il y a deux ou trois ans.
Ce changement de manteau est voulu depuis le sommet de Ouagadougou et explique le dialogue direct proposé par le Président Laurent Gbagbo et l’accord de paix qu’il a signé avec Soro devant témoin, Blaise Compaoré, facilitateur dans la crise ivoirienne.
«J’exhorte particulièrement les membres des Forces nouvelles à se maintenir dans la voie que nous avons choisi à Ouagadougou. Je note, avec satisfaction, qu’ils n’ont tenu aucun propos hostile ni adopté aucun comportement d’adversité depuis l’annonce de mon plan de sortie de crise le 19 décembre 2006 jusqu’à ce jour. Cette attitude, observée de part et d’autre, a fait naître chez les Ivoiriens, l’espoir d’une paix imminente», a déclaré vendredi dernier le Président Laurent Gbagbo dans une adresse à la nation après la signature de cet accord de paix.
Cette reconnaissance publique, officielle de la «rébellion» n’est pas fortuite : «C’est la preuve que toute la nation, avec à sa tête le chef de l’Etat, qui est fatiguée de la situation de crise que vit le pays depuis plus de quatre ans», remarque un observateur de la vie politique ivoirienne. Cette remarque est confortée par l’engagement pris par Gbagbo devant la communauté nationale et internationale d’aller vraiment à la paix. «J’encourage tous les acteurs ivoiriens de cet accord, à traduire dans les faits les engagements pris (...) Il est temps qu’on aille aux élections.»
Au niveau de l’opposition civile, même si des réserves ont été émises par certains partis politiques, Guillaume Soro à la Primature ne gêne pas.
Le président du Mouvement des forces d’avenir (Mfa), Ananky Kobean, membre du rassemblement des Houphouétistes pour la démocratie et la paix (Rhdp, opposition), lui, ne se voile pas la face : «Pour la réussite des accords de Ouagadougou, il faut que Guillaume Soro soit le Premier ministre avec en face de lui le chef de l’Etat. C’est une question de logique. Si l’on choisit une autre personne, elle sera l’otage des deux parties signataires, c’est ainsi que nous arriverons à la fin de la crise», a-t-il exhorté en fin de semaine dernière au cours d’un meeting de la jeunesse de son parti.
Il a invité l’opposition à faire pression «pour canaliser les actions du gouvernement en vue de les inscrire résolument dans lesdits accords».
L’accord de paix signé à Ouagadougou a adopté entre autres décisions, la formation d’une nouvelle équipe gouvernementale dans les jours à venir.
La communauté africaine qui a salué cet accord a remis le dossier sur la table du Conseil de sécurité des Nations Unies dont une réaction est attendue à l’issue d’une réunion sur la situation en Côte d’Ivoire, prévue hier mercredi, à New York.
0 Commentaires
Participer à la Discussion