L’ambassadeur de Belgique à Varsovie, Luc Jacobs, a été convoqué par le gouvernement polonais pour s’expliquer à la suite du discours virulent tenu par le Premier ministre belge Alexander De Croo, mercredi au collège d’Europe (Bruges), sur les atteintes à l’État de droit dans ce pays.
L’entretien doit avoir lieu cet après-midi, a-t-on appris vendredi auprès des Affaires étrangères de Belgique.
Un discours vu plus de 300.000 fois sur les réseaux sociaux
Interrogé, le cabinet du Premier ministre y voit la signification que le message du discours “a été entendu” à Varsovie. Ce discours a d’ailleurs eu “énormément de retombées”, se félicitait la chancellerie, précisant qu’il a déjà été vu plus de 300.000 fois sur les médias sociaux.
Dans cette allocution, le Premier ministre Alexander De Croo met en garde son homologue polonais, Mateusz Morawiecki, contre une escalade du conflit sur les règles de base de l’État de droit et le projet européen.
“À ceux qui donnent des interviews incendiaires dans le Financial Times et pensent qu’il est nécessaire de déclarer une nouvelle guerre mondiale, je veux dire : vous jouez à un jeu dangereux, vous jouez avec le feu lorsque vous partez en guerre contre vos collègues européens pour des raisons de politique intérieure”, avait déclaré M. De Croo, en référence à des mots durs de M. Morawiecki dans l’édition de lundi du journal financier britannique.
Le dirigeant ultra-conservateur et nationaliste avait menacé d’utiliser “tous les moyens disponibles” si l’Union européenne continuait de s’opposer aux réformes judiciaires que son gouvernement a mises en œuvre, selon lui pour éradiquer la corruption. Mais, selon l’UE, ces réformes portent atteinte à la séparation des pouvoirs et à l’indépendance des juges. Le différend a atteint son paroxysme lorsque la Cour constitutionnelle de Varsovie, à la suite d’une question de M. Morawiecki, a statué que certaines parties des traités européens violaient la constitution polonaise.
La Commission ne s’immisce pas dans le duel entre Bruxelles et Varsovie
Interrogée sur ces tensions entre Bruxelles et Varsovie, la Commission européenne a refusé de commenter ce qui relève à ses yeux d’une “question bilatérale entre États membres”, mais elle a renvoyé à son point de vue déjà exprimé par le passé sur la nécessité pour ces derniers de maintenir un “langage approprié” entre eux.
La Belgique et le Benelux se sont positionnés très en pointe dans le débat européen sur l’Etat de droit, malmené dans plusieurs pays de l’UE comme la Pologne ou la Hongrie.
La ministre des Affaires étrangères Sophie Wilmès avait réclamé “des mesures rapides et décisives contre les menaces systémiques à l’encontre de l’État de droit dans plusieurs États membres”, lors du conseil des ministres des Affaires européennes du 19 octobre dernier.
Au sommet européen du 21 octobre dernier, où M. Morawiecki a été invité à s’expliquer à la demande de plusieurs États membres dont la Belgique, M. De Croo s’était félicité de ce que la suspension de fait, par la Commission européenne, de la validation du plan de relance UE post-Covid de la Pologne (36 milliards d’euros en jeu) constituait déjà une forme de conditionnalité des financements européens au respect de l’État de droit.
Une astreinte d'un million d’euros par jour
La Commission européenne pourrait d’ailleurs activer le nouveau mécanisme conditionnant l’octroi de fonds européens à cette valeur fondamentale de l’Union dès que la Justice européenne se sera prononcée sur le recours de la Pologne et de la Hongrie contre ce mécanisme.
En attendant, la Cour de Justice de l’UE a condamné mercredi le gouvernement polonais à verser au budget de l’UE une astreinte d’un million d’euros pour chaque jour où il maintient encore les activités de la chambre disciplinaire de la Cour suprême, institution clé de la réforme controversée du système judiciaire polonais.
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