La sexualité en France a-t-elle pris un nouveau virage depuis le début des années 2000 ? Oui, répond la sociologue Janine Mossuz-Lavau, qui publie une "Vie sexuelle en France", dix-sept ans après son premier ouvrage sur la question.
Depuis deux décennies, la directrice de recherche CNRS au Cevipof Janine Mossuz-Lavau scrute l’intimité des Français d’un point de vue sociologique. Elle raconte les résultats de ses recherches les plus récentes dans une nouvelle édition de "La Vie sexuelle en France" (Éd. de la Martinière), écrite dix-sept années après un premier ouvrage sur la question.
"J’avais envie de voir si les choses avaient évolué en 17 ans”, explique-t-elle à France 24. “Effectivement, les comportements sexuels ont changé. Je ne peux pas en être sûre à 100 %, puisque je n’ai fait que parler avec mes sujets pendant des heures, et je ne me suis pas invitée dans leur chambre à coucher. Mais oui, il apparaît que les personnes sont plus libres dans leur comportement."
Surtout, la parole est plus libre qu’avant. "Il y a un changement notable dans la façon qu’ont les personnes de parler de sexualité. Elles sont beaucoup plus ouvertes à la discussion sur le sujet. Il y a dix-sept ans, je devais poser des questions précises, évoquer des pratiques intimes avant que la discussion ne s’engage. Maintenant, les gens soulèvent le sujet beaucoup plus spontanément", constate Janine Mossuz-Lavau.
Sa méthode de travail : partir de l’enfance, là où la première conscience d’une intimité personnelle se façonne. "J’ai une méthodologie de l’histoire de vie qui consiste à demander aux gens comment ils ont découvert la sexualité pendant l’enfance – même si ce n’est pas le terme qu’ils auraient utilisé quand ils étaient enfant. Comme c’est quelque chose qui s’est passé il y a longtemps, ils me racontent tout."
La sociologue note que le mouvement #MeToo et #BalanceTonPorc ont fait sauter le verrou du silence sur les abus sexuels. "Je n’ai pas été surprise par ces mouvements de libération de la parole", dit-elle. Les souvenirs douloureux des expériences traumatisantes ont refait surface dans la mémoire collective et individuelle.
Les femmes et leur corps
Autre changement : la banalisation des pratiques orales, telles que le cunnilingus et la fellation, et la remise en question de la pénétration comme l’ultime aboutissement d’une relation sexuelle. La prise en main par les femmes de leur propre sexualité passe par une parole libre sur la masturbation et sur la "première fois". "Une histoire qui m’a fait beaucoup rire, c’est celle d’une jeune femme qui, comme beaucoup d’autres avec qui j’ai parlé, m’a dit qu’elle avait planifié sa première fois… Elle l’avait programmée avec un ‘vieux’ de 35 ans qu’elle connaissait, mais dont elle n’était pas du tout amoureuse. L’expérience s'est très bien passée, elle était très à l’aise, très rassurée. J’ai ri quand elle m’a raconté qu’elle avait 'enlevé [sa] propre culotte'."
Un dernier tabou demeure cependant. Ce n’est pas tant d’évoquer des pratiques sexuelles ou des rencontres sur Internet qui fasse honte. Non, le dernier tabou est celui de l’absence de sexualité. "C’est ce qui arrive aux couples qui sont ensemble depuis longtemps, qui vont peut-être passer leurs vies ensemble, les jeunes comme les vieux, et qui n’ont plus de relations sexuelles. Ça arrive souvent, mais on n'en entend jamais parler."
1 Commentaires
Anonyme
En Octobre, 2018 (11:26 AM)Participer à la Discussion