Peut-on fêter la mort d'Oussama Ben Laden ? A lui seul, l'éditorial du journaliste duWashington Post Jonathan Capeharta résume les interrogations relayées par la presse, quelques jours après le satisfecit général suscité par la mort du numéro un d'Al-Qaida. "Capturer Ben Laden et mettre le Mal face à un tribunal aurait montré la force de notre document fondateur [la Constitution américaine], écrit-il. C'était ce que je pensais. Mais quelque chose d'étrange est arrivé lorsque j'ai été confronté à la réalité de la mort soudaine et violente de Ben Laden. (...)
Quand la question de la pertinence de sa capture a été posée, je me suis surpris à être indifférent au fait qu'il se soit pris deux balles dans la tête. La seule chose qui m'importait, c'était sa mort, continue le chroniqueur, visiblement gêné. Savoir que [Ben Laden] a payé pour ses méfaits me remplit d'un soulagement indescriptible. Bien sûr, c'est revanchard, mais j'assume. Et espère ne plus jamais avoir à ressentir cela." Dans les colonnes du Guardian, Robert Lambert estime, quant à lui, que l'opération américaine a permis d'"offrir" à Ben Laden une mort en martyr, bien plus honorable aux yeux des partisans d'Al-Qaida qu'une peine de prison a perpétuité.
"Si Ben Laden avait été jugé, il aurait dû faire face aux familles des victimes de ses attentats, regrette l'éditorialiste. Emprisonné à vie, il aurait été forcé de réfléchir à ses crimes. On lui a épargné ce destin." Les scènes de liesse à New York et aux Etats-Unis ont également mis à mal à l'aise Nicolas Demorand, qui, dans l'éditorial de Libération daté du 3 mai, s'inquiète d'"une joie mauvaise, gênante, inédite en démocratie, qui a soufflé (...) sur les rues de New York".
"JUSTICE À L'AMÉRICAINE"
En Allemagne, il a d'ailleurs été vertement reproché à Angela Merkel de s'être félicitée du décès d'Oussama Ben Laden. "En temps que chrétienne, je ne peux me réjouir lorsque quelqu'un est tué", a rétorqué la vice-présidente du Parlement allemand, Katrin Göring-Eckhardt, alors que le journaliste Jörg Schönenborn se demandait sur la chaîne de télévision ARD "quel genre de pays pouvait ainsi célébrer une exécution". De son côté, le Spiegel évoque une "justice à l'américaine", regrettant que le leader d'Al-Qaida n'ait pu être capturé vivant pour être traduit devant les tribunaux.
Un argument auquel le Wall Street Journal répond vertement : "Nous ne pouvons que regretter que les troupes allemandes, à la morale d'élite, n'aient pas été à Abbottabad pour procéder à cette courageuse arrestation", peut-on lire dans un éditorial du quotidien. D'autres y voient une attitude à adopter dans la lutte contre le terrorisme. En Israël, pays qui a pratiqué des "assassinats ciblés" pour éliminer des chefs de réseaux ennemis, le raid conduit par les Etats-Unis suscite de nombreuses réflexions. Dans un entretien à Haaretz, le major-général Aharon Ze'evi-Farkash, qui était à la tête du renseignement militaire israélien en 2004, lors de l'assassinat d'Ahmed Yassine, fondateur du Hamas, se souvient que l'Etat juif avait dû à l'époque essuyer de nombreuses critiques. "Tout ce qui est permis aux Américains ne nous est pas forcément permis. Il y a sept ans, quand nous avons tué des hauts responsables du Hamas tels Ahmed Yassine et Abdel Aziz Al-Rantissi [cofondateurs du Hamas],notre approche n’a pas été acceptée par la communauté internationale."
2 Commentaires
Door
En Mai, 2011 (21:28 PM)Siby
En Mai, 2011 (21:38 PM)Participer à la Discussion