La visite du ministre sénégalais de l’Intérieur à Paris pour des négociations avec la partie française pour une «gestion concertée des flux migratoires» est entourée du plus grand secret. Tout juste sait-on que Nicolas Sarkozy exige une collaboration plus active du Consulat du Sénégal en vue de démultiplier l’expulsion des Sénégalais irréguliers installés en France.
Les négociations entre la France et le Sénégal pour une «gestion concertée des flux migratoires», ouvertes jeudi dans la capitale française, pourraient aboutir à la signature d’une convention entre les deux pays. Présent à Paris depuis mardi dernier, Me Ousmane Ngom, ministre sénégalais de l’Intérieur, a reçu son homologue français, Nicolas Sarkozy pour des entretiens portant sur trois points : la promotion «d’une migration de mobilité», la pratique d’une politique de «co-développement» et l’établissement d’une «convention de réadmission» entre les deux Etats.
Ce dernier point de négociation entre Me Ngom et M. Sarkozy apparaît comme le plus délicat, car il touche au cœur de la question de l’immigration que les autorités françaises cherchent à juguler par tous les moyens. Depuis son retour au ministère de l’Intérieur en 2005, au lendemain de la victoire du «non» au référendum sur la Constitution européenne, Nicolas Sarkozy a mis en marche une véritable politique répressive légalisée contre l’immigration légale. Par le truchement de l’Assemblée nationale française largement majoritaire à droite, de nouvelles mesures liées au regroupement familial, au séjour des étrangers sur le territoire français, à l’accueil des étudiants. Pour gérer ce que les observateurs ont appelé la dérive droitière de la politique d’immigration française, Nicolas Sarkozy a fait appel au concept «d’immigration choisie». En des termes moins techniques, l’option fondamentale du gouvernement français est dorénavant de ne plus recevoir «toute la misère du monde», pour reprendre la formule lointaine de l’ancien Premier ministre Michel Rocard. Sous l’emprise des critiques internes, celles des formations politiques de la gauche, des organisations associatives et de droits humains, le ministre de l’Intérieur doit également faire face aux récriminations des Etats «partenaires» traditionnels de la France, notamment africains. C’est dans ce nouveau contexte créé par «l’immigration choisie» que le Sénégal, concerné du fait de la présence de milliers de ses ressortissants sur le territoire français, a tenté de réagir par l’intermédiaire du Président Abdoulaye Wade. A plusieurs reprises, le chef de l’Etat sénégalais a marqué son opposition au concept développé par Nicolas Sarkozy, un bras de fer verbal s’en est suivi mais vite court-circuité par un tête-à-tête informel où les deux homme conviennent de la nécessité de s’entendre sur des principes communs de gestion du phénomène migratoire. Ainsi, dans le langage diplomatique sénégalais, est né, de force et en réaction, le terme «d’immigration concertée». C’est dans ce cadre qu’il convient de situer la visite de Me Ousmane Ngom à Paris.
Il est difficile de savoir ce que négocient fondamentalement les autorités françaises et sénégalaises en raison de l’extrême mutisme érigé en dogme des deux côtés. Mais selon des informations de l’Afp, Nicolas Sarkozy a exprimé à son homologue sénégalais ses regrets devant la mauvaise volonté sénégalaise à coopérer avec les policiers français en quête de sans-papiers sénégalais expulsables. A cet effet, il souhaite que le nombre de «laissez-passer consulaires» (Lpc), délivré par le Consulat du Sénégal à Paris, soit sensiblement augmenté. Objet du courroux français : les Lpc signés par la partie sénégalaise ont atteint un taux de 39% pour le premier semestre de l’année en cours contre 55% pour la même période de 2005. En militant pour une augmentation du nombre de «laissez-passer consulaires», Nicolas Sarkozy demande explicitement à Me Ousmane Ngom de jouer sa partition dans une politique d’expulsions plus active de Sénégalais irrégulièrement installés sur le territoire français. La «convention de réadmission» avec le Sénégal, dont la signature est souhaitée par la partie française, devrait être le cadre de gestion de la question de l’immigration, entre autres. Elle organiserait alors le rapatriement des ressortissants sénégalais indésirables en France.
0 Commentaires
Participer à la Discussion