Le vol de la compagnie Air France, qui devait relier Paris et Bamako, le dimanche 27 Mai dernier, a été annulé, après que les 113 passagers qui avaient pris place à bord de l'aéronef, l'eurent quitté pour protester contre les sévices infligés par les policiers français à un "sans papier malien" frappé d'une mesure de "reconduite administrative à la frontière" l'euphémisme officiel pour désigner l'expulsion.
RFI, qui a annoncé la nouvelle dans son bulletin de 19h 30 GMT, a précisé que ce sont les cris de détresse poussés par le concerné, sous les coups que lui portaient les policiers français, qui ont alerté et indigné les passagers. Lorsque ses tortionnaires se sont résignés à le sortir de l'avion pour le ramener dans les locaux de l'aérogare, l'homme avait "le visage tuméfié et la langue pantelante". La radio mondiale n'a pas réussi à arracher le moindre commentaire de la police de l'air française installée à Roissy, ni obtenir la plus petite information sur ce qu'il est advenu du "sans papier". A-t-il été hospitalisé ou a-t-il succombé à ses blessures? Motus et bouche cousue.
Ce n'est pas la première fois qu'un "sans papier" malien est victime d'une maltraitance extrême de la part des policiers français. Régulièrement, nos compatriotes en "situation irrégulière" sont arrêtés sans sommation dans les rues de Paris et d'autres villes françaises, conduits manu militari à l'aéroport, baillonnés et menottés comme de grands criminels et, une fois dans l'avion en partance pour Bamako, coincés entre deux flics batis en armoire à glace au fond de la carlingue. Même uriner devient un sérieux problème. Il leur faut, en effet, se soulager dans un sachet en plastique placé entre leurs cuisses. Sur les 5 h 40 mn que dure le trajet, ils restent immobilisés sur leur siège, menottes aux poignets et chaines aux chevilles. Exactement comme on le faisait des Noirs esclaves dans les négriers transatlantiques.
Ce n'est pas la première fois non plus que des passagers, Maliens et Français et d'autres nationalités, protestent contre les traitements dégradants, inhumains, à la limite de la bestialité, infligés à nos compatriotes "sans papiers" qui ont le malheur de tomber aux mains de la police française. Mais c'est la première fois, assurément, que des passagers, outrés, renoncent à leur voyage, obligeant ainsi Air France à déprogrammer son vol. C'est le signe qu'un sentiment de ras le bol commence à gagner la socièté française contre les méthodes anachroniques, surannées, en vigueur au sein de la police française, qui jurent avec la protection des droits humains prônée par la France officielle.
Et le gouvernement malien dans tout cela? Comme par le passé, il va encaisser et se taire. Le Mali reste l'unique pays au monde dont les ressortissants indésirables en France subissent toutes sortes de frustrations, d'humiliations, d'exactions sans qu'il bouge le petit doigt. Il y a des lustres que les brutalités policières françaises ont cessé à l'égard de nos frères du Maghreb et, plus près de nous, du Sénégal. Les gouvernements de ces pays ont su se montrer fermes vis à vis des autorités de l'Hexagone dans la protection ou, tout au moins, le respect de leurs ressortissants, même en porte à faux avec les lois françaises.
Qu'attendre d'un pays dont le président, fraichement investi en 2002, proclame avec fierté devant ses compatriotes expatriés à Montreuil «j'ignore ce que j'ai fait à Dieu pour qu'il m'accorde la faveur exceptionnelle d'être invité par Jacques Chirac quand d'autres attendent au portillon depuis des années».
C'est le même président, ATT pour ne pas le nommer, qui déclarait sous les huées, en automne 2006 à Paris «Je n'ai jamais offert un billet d'avion à un Malien pour émigrer en France». sQuand un président fait si peu cas de lui-même et de ses concitoyens, pourquoi voulez - vous que d'autres les respectent ?
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