Les autorités égyptiennes ont arrêté le guide suprême des Frères musulmans, quelques heures après l'abandon par le parquet des charges de corruption qui pesaient contre l'ancien président Hosni Moubarak, dont l'avocat s'est dit convaincu de la libération prochaine.L'arrestation de Mohamed Badie, un des derniers dirigeants de la confrérie encore en liberté, risque d'attiser la colère des islamistes, qui accusent les forces de l'ordre d'avoir assassiné 37 sympathisants du président déchu Mohamed Morsi détenus par la police, dont la mort dans des circonstances troubles a été annoncée dimanche.
Les autorités ont de leur côté imputé aux Frères musulmans la responsabilité de la mort de 25 policiers, abattus lundi dans le Sinaï par des militants islamistes qui leur ont tendu une embuscade à Rafah, près de la frontière avec la bande de Gaza et Israël, selon des sources sécuritaires.Recherché par la police depuis l'assaut meurtrier donné par les forces de l'ordre contre deux sit-in islamistes la semaine dernière au Caire, Mohamed Badie est accusé d'avoir incité à la violence.
Il a été arrêté tôt mardi matin dans un appartement de la capitale égyptienne, a précisé le ministère de l'Intérieur.Son procès, ainsi que celui de plusieurs autres dirigeants de la confrérie, est d'ores et déjà programmé le 25 août, ce qui laisse peu de place à la reprise du dialogue politique souhaité par les pays occidentaux.C'est dans ce contexte excessivement tendu qu'est intervenue l'annonce de la libération possible d'Hosni Moubarak après l'abandon par le parquet de charges de corruption qui pesaient contre lui."Tout ce qui nous reste, c'est une simple procédure administrative qui devrait prendre moins de 48 heures", a déclaré son avocat, Farid el Dib, ajoutant que sa libération sous caution devrait intervenir "d'ici la fin de la semaine".
"CELA FERAIT LE JEU DES FRÈRES"
Sans confirmer cette libération, une source judiciaire a estimé que Hosni Moubarak, 85 ans, devrait rester encore au moins deux semaines en prison, le temps pour le tribunal de prendre sa décision.Condamné à la prison à vie en 2012 pour sa responsabilité dans la mort de 800 personnes lors de la répression des manifestations du début 2011, Hosni Moubarak a fait appel et n'est pas tenu de rester derrière les barreaux en attendant l'issue de son nouveau procès.
Un avocat des familles des victimes a cependant dit douter de sa libération dans le contexte de tensions actuel."C'est plus qu'un problème judiciaire. C'est un problème politique parce qu'une sortie de Moubarak en ce moment ferait le jeu des Frères musulmans. Il ne s'agit pas d'une issue souhaitable et le régime ne le permettra pas", a estimé Mohamed Rachouane.Des avocats proches des Frères musulmans ont réclamé lundi l'ouverture d'une enquête internationale sur les circonstances de la mort de 37 sympathisants de Mohamed Morsi détenus par la police.
Selon les conclusions du médecin-légiste, ils ont péri asphyxiés par des gaz lacrymogènes utilisés par les forces de l'ordre lors d'une tentative d'évasion dimanche pendant un transport de détenus à la périphérie du Caire.Photos à l'appui, les avocats des prisonniers affirment de leur côté qu'ils ont été victimes d'actes de torture.Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, et les Etats-Unis ont appelé à la tenue d'une enquête indépendante.
"Nous sommes profondément inquiets par les décès suspects de Frères musulmans détenus lors d'une prétendue tentative d'évasion près du Caire", a déclaré Jen Psaki, porte-parole du département d'Etat.
RELANCER LE PROCESSUS POLITIQUE
Washington a par ailleurs jugé que l'interdiction éventuelle des Frères musulmans, proposée par le Premier ministre intérimaire, serait une "mauvaise idée", Ban Ki-moon appelant pour sa part le pouvoir égyptien à libérer le président déchu Mohamed Morsi, ou à intenter des poursuites judiciaires "transparentes"."Compte tenu de la polarisation extrême de la société égyptienne, les autorités et les dirigeants politiques partagent la responsabilité de mettre fin aux violences.
Ils ne devraient pas ménager leurs efforts pour élaborer un plan crédible visant à contenir la violence et à relancer le processus politique", a insisté le secrétaire général de l'Onu.Ban Ki-moon a condamné le meurtre des policiers égyptiens dans le Sinaï. Au total, plus de 100 membres des forces de l'ordre ont été tués depuis l'assaut contre les sit-in des Frères musulmans mercredi dernier, sur un total d'environ 900 morts, selon les bilans officiels.Plusieurs journalistes ont également trouvé la mort pendant ces évènements.
Le dernier en date est le chef du bureau du journal officiel Al Ahram dans une province du delta du Nil, abattu lundi soir par les forces de l'ordre qui ont cru que sa voiture tentait d'échapper à un barrage routier établi pour faire respecter le couvre-feu, selon un communiqué de l'armée.Face à la flambée de violences, les Etats-Unis et l'Union européenne cherchent à trouver un moyen de faire pression sur les autorités égyptiennes.
Washington a annoncé lundi n'avoir encore pris aucune décision concernant le maintien de son aide militaire et civile annuelle de 1,55 milliard de dollars.L'Union européenne, dont les ministres des Affaires étrangères se réuniront mercredi, examine de son côté diverses possibilités, dont un embargo sur les armes, a déclaré le représentant spécial de l'UE pour le sud de la Méditerranée Bernardino Leon.
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