Sous très haute protection pour le dernier jour de son voyage historique en Irak, le pape est revenu sur le sort de la communauté chrétienne dans le pays, l'une des plus vieilles au monde, mais aussi l'une de celles qui a connu le plus d'exils.
"La diminution tragique des disciples du Christ, ici et dans tout le Moyen-Orient, est un dommage incalculable, non seulement pour les personnes et les communautés intéressées, mais pour la société elle-même qu'ils laissent derrière eux", a-t-il lancé. À Mossoul, prospère ville patricienne et commerciale depuis des siècles, les autorités catholiques ne sont pas parvenues à trouver une église en état pour accueillir le pape François, qui effectue la première visite d'un souverain pontife en Irak.
Au total, 14 églises de la province de Ninive, dont Mossoul est le chef-lieu, ont été détruites, dont sept remontant aux Ve, VIe et VIIe siècles et il a donc fallu construire une scène dans les ruines de quatre églises de différentes obédiences, dont l'église al-Tahira de Mossoul, vieille de plus de 1 000 ans.
C'est de là que le pape s'est adressé à une petite foule sous les youyous et les cris de "Viva papa". Aux alentours gardes et barrages de sécurité étaient partout dans la province, où se terrent encore des jihadistes malgré la défaite militaire de l'EI fin 2017.
Qaraqosh, localité chrétienne à l'histoire multimillénaire
Le souverain pontife de 84 ans s'est ensuite rendu à Qaraqosh, localité martyre qui s'est parée de mille couleurs pour le recevoir. Le chef des 1,3 milliard de catholiques du monde s'est rendu dans l'église al-Tahira, entièrement brûlée par l'EI, mais remise en état, entièrement nettoyée et redécorée pour sa venue.
Sous une immense croix, son convoi de voitures blindées entourées de gardes du corps a été accueilli par des centaines d'Irakiens. Le pape, qui marche avec difficulté en raison d'une sciatique, a tenu néanmoins à prier avec les fidèles revenus dans la ville pour le voir. Là, il a prié l'angélus devant une foule émue qu'il a appelé à "reconstruire" et à "ne pas se décourager" dans un pays où le nombre de chrétiens est passé en 20 ans de 6 % à 1 % de la population.
Jusqu'au dernier moment, entre répétitions pour les chorales, nettoyage des dalles de marbre des églises et décorations installées dans les rues, les habitants de Qaraqosh n'ont ménagé aucun effort.
Les habitants de Qaraqosh à pied d'œuvre C'est là, dans la plaine de Ninive, que vivaient la plupart des chrétiens du pays. Ils ont fui leurs villages en 2014, trouvant refuge au Kurdistan irakien. Seules quelques dizaines de milliers d'entre eux sont revenus depuis.
Forces de l'ordre en alerte
Si la visite du pape est historique, le dispositif sécuritaire déployé pour l'accueillir l'est tout autant.
Les rares kilomètres que le pape a parcourus par la route l'ont été à bord de voitures blindées. Pour la majorité des 1 445 km de son parcours entamé vendredi après-midi, le souverain pontife est dans un avion ou un hélicoptère pour survoler plutôt que traverser des zones où se terrent encore des cellules jihadistes clandestines.
Et tout cela, au beau milieu d'un confinement total décrété jusqu'à lundi – le pape repartira lundi matin – face à des contaminations au Covid-19 qui atteignent ces jours-ci des records en Irak.
Messe dans un stade à Erbil
Les mots dits samedi au pape par l'ayatollah Ali Sistani, grande figure du chiisme en Irak et au-delà, assurant œuvrer pour que les chrétiens d'Irak vivent en "paix", en "sécurité" et avec "tous leurs droits constitutionnels", pourraient toutefois leur apporter un soutien réconfortant.
Moment phare de la journée de dimanche, la messe que doit célébrer le pape dans l'après-midi dans un stade d'Erbil devant des milliers de fidèles.
Erbil est la capitale du Kurdistan irakien, qui passe pour un havre de paix au milieu d'un Moyen-Orient déchiré par les guerres. La sécurité et les infrastructures y sont meilleures qu'à Bagdad ou Mossoul.
Le pape, qui aime tant les bains de foule et en a été privé depuis son arrivée en Irak, pourra retrouver des fidèles et probablement les saluer depuis la papamobile qui jusqu'ici n'a pas été utilisée.
Le programme du pape François
Le programme du pape François en Irak est ambitieux : Bagdad, Najaf, Ur, Mossoul, Qaraqosh, Erbil. De vendredi à lundi, il parcourra 1 445 km dans un pays marqué par des tensions irano-américaines toujours latentes et un nombre record de contaminations au Covid-19. Le trajet se déroulera en voiture blindée et sans bain de foule alors que l'hélicoptère ou l'avion du pape survolera parfois des zones où sont encore présents des jihadistes de l'organisation État islamique. Les Irakiens devront le suivre à la télévision.
- L'évêque de Rome commencera vendredi à Bagdad par un discours devant les dirigeants du pays, abordant les difficultés sécuritaires ou économiques que subissent les 40 millions d'Irakiens. La situation de la minorité chrétienne sera sûrement évoquée.
- Il sera ensuite reçu samedi dans la ville sainte de Najaf par le grand ayatollah Ali Sistani, plus haute autorité religieuse pour de nombreux chiites d'Irak et du monde.
Le pape se rendra ensuite dans la cité antique d'Ur, le lieu de naissance, selon la Bible, du patriarche Abraham, personnage commun aux trois religions monothéistes. Il y priera avec des musulmans, des Yazidis et des Sanéens (monothéismes préchrétiens).
- François poursuivra son voyage dimanche dans la province de Ninive (nord de l'Irak), le berceau des chrétiens d'Irak. Il se rendra à Mossoul et Qaraqoch, deux villes marquées par les destructions du groupe État islamique.
- Le souverain pontife présidera dimanche une messe en plein air, en présence de milliers de fidèles, à Erbil, capitale du Kurdistan irakien. Ce bastion kurde musulman avait ouvert grand ses portes aux centaines de milliers de chrétiens, Yazidis et musulmans fuyant les jihadistes.
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