Les ministres des Affaires étrangères et de l’Intérieur de huit pays européens se sont réunis vendredi à Madrid pour définir une réforme de la politique d’immigration, face à l’afflux de clandestins en constante augmentation dans le sud du continent, notamment vers l’archipel espagnol des Canaries. Les Espagnols demandent «plus de solidarité», tandis que le ministre français de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy, propose un projet radical, avec la fusion des politiques nationales des 25 en matière d’immigration, et «un pacte européen» interdisant toute mesure de régularisation massive des clandestins. Les propositions de Sarkozy ont provoqué des réactions en Espagne, dont le gouvernement a permis la régularisation de près de 600 000 sans papiers en 2005. La réunion de Madrid a été dominée par les problèmes de la gestion des frontières maritimes des Etats méridionaux, en prévision du prochain sommet européen qui aura lieu en Finlande le 20 octobre.
Les gouvernements des Etats de l’Europe du sud veulent renforcer la frontière maritime commune, face aux afflux des émigrants clandestins en provenance des pays sub-sahariens et nord-africains. Près de 25 000 clandestins ont débarqué cette année dans l’archipel espagnol des Canaries, à bord de grandes pirogues motorisées, transportant dans des conditions difficiles et surtout dangereuses parfois plus de 100 personnes. Ces clandestins proviennent surtout des pays côtiers d’Afrique occidentale : Sénégal, Gambie, Guinée Bissau et Conakry, et Mauritanie. Les autorités de la région des Canaries affirment que les possibilités d’accueil dans les camps de transit ont atteint un niveau de «saturation», d’autant plus que le transfert des immigrés de l’archipel vers la péninsule est devenu très aléatoire, par manque de moyens de transport.
Lors de l’ouverture de la réunion de Madrid, le ministre espagnol des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, a appelé l’UE à «plus de solidarité et de cohérence» face à l’immigration qu’il a définie comme étant «le grand défi du XXIe siècle». Outre l’Espagne, la France, l’Italie, le Portugal, la Grèce, Chypre, Malte et la Slovénie ont participé à cette réunion ministérielle destinée à formuler une position commune de ces pays méridionaux, en prévision du prochain sommet de l’UE qui va se tenir le 20 octobre à Lahti, Finlande.
Les propositions radicales de Nicolas Sarkozy
Nicolas Sarkozy a été la grande vedette de la réunion de Madrid car le journal Le Monde avait publié jeudi les propositions du ministre français de l’Intérieur sur la réforme de la politique européenne en matière d’immigration. Il s’agit d’un «pacte européen d’immigration qui comporterait les grands principes d’une politique commune que les Etats européens s’engageraient formellement à respecter».
Nicolas Sarkozy, probable candidat de la droite à l’élection présidentielle française de 2007, se prononce notamment pour l’interdiction de «toute mesure de régularisation massive ou des régularisations de plein droit ; la stricte limitation des mesures de régularisation à des situations humanitaires au cas par cas ; le respect du principe de proportionnalité entre le flux migratoire et les capacités d’accueil sur le marché du travail, le logement, les services publics». Le ministre français de l’Intérieur veut aussi appliquer «le principe d’éloignement des migrants clandestins sauf cas humanitaire particulier» et fusionner les politiques nationales d’asile.
Controverse entre Paris et Madrid
Nicolas Sarkozy a aussi souhaité la création d’une «agence commune, ou ‘consulat européen’, chargé de la délivrance des visas de court séjour», projet qui pourrait susciter des réserves de la part de plusieurs gouvernements qui ne veulent pas faire de concessions sur la question de la souveraineté nationale. Le ministre français s’est insurgé contre le «visa shopping», en référence aux tentatives répétées d’obtenir un visa dans plusieurs consulats de pays européens par les candidats à l’immigration qui essuient plusieurs refus.
Il faut noter que le Premier ministre espagnol, José Luis Zapatero, a critiqué Sarkozy qui avait accusé, début septembre, le gouvernement de Madrid d’être en partie responsable du débarquement massif de clandestins, après avoir permis la régularisation de 600 000 étrangers sans papiers en 2005. Zapatero a déclaré que son gouvernement «n’a pas à tenir compte de ce que dit le ministre français de l’Intérieur après ce que nous avons vu dans les banlieues de Paris», rappelant ainsi les incidents violents qui se sont produits en novembre 2005 dans les municipalités où résident une forte population d’origine immigrée.
Des renforts pour Frontex
Selon le journal Le Monde, Nicolas Sarkozy a aussi appelé à un renforcement «sensible» des pouvoirs et des moyens de l’agence européenne Frontex, crée en 2005 pour coordonner les opérations de protection des frontières extérieures des 25 Etats de l’UE, avec la création d’un corps de gardes frontières européens. Il s’agit également d’une question délicate étant donné que plusieurs pays membres ne veulent pas confier à des étrangers la surveillance de leurs frontières.
La presse espagnole, notamment le quotidien El Pais, signale une «asymétrie» entre les pays qui emploient des forces civiles ou mixtes pour le contrôle de leurs frontières - comme c’est le cas de l’Espagne, de l’Italie et du Portugal – et les autres Etats, tels que France et le Royaume-Uni qui n’utilisent que des militaires pour ces opérations. Les ministres réunis vendredi à Madrid veulent que l’UE puisse attribuer aux pays méridionaux une bonne partie des 1,8 milliards d’euros du plan financier prévu pour la période 2007-2013, concernant les frontières extérieures.
Nouvelle vague de clandestins nord-africains
Les opérations conjointes de contrôle des frontières maritimes européennes, dans la zone des Canaries et près de la côte nord-ouest africaine, mobilisent surtout des moyens aéronavals espagnols, italiens et portugais. Ces opérations n’ont donné jusqu’à présent que des résultats mitigés. D’autres pays pourront être associés à ces missions, mais les autorités espagnoles soulignent que, dernièrement, s’est manifestée une nouvelle variante dans les flux d’immigration clandestine, avec l’arrivée de Nord-Africains dans les zones de la côte sud est du pays, notamment vers les ports de Murcia et d’Almeria.
Au contraire des sub-sahariens, ces clandestins venus surtout d’Algérie et du Maroc n’ont pas besoin d’utiliser des embarcations de grand tirant d’eau, certains se contentant d’embarquer sur des canots pneumatiques pour effectuer les quelques 200 kilomètres de traversée de la Méditerranée. Les responsables espagnols soulignent que cette nouvelle variante est une conséquence du renforcement des moyens de contrôle maritime dans la zone du détroit de Gibraltar, là où l’Afrique et l’Europe sont les plus proches.
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