Visage fermé et ton grave : la passation de pouvoir entre Gérard Collomb et le Premier ministre Edouard Philippe s’est déroulée dans une ambiance glaciale mercredi matin place Beauvau, épilogue de deux jours de bras de fer entre le ministre de l’Intérieur démissionnaire et l’Elysée. Le chef du gouvernement, appelé à assurer l’intérim, et Gérard Collomb ont prononcé quelques mots, quasiment sans échanger un regard, devant les membres du ministère réunis dans la cour du ministère de l’Intérieur.
Le ministre démissionnaire et candidat aux municipales à Lyon, qui avait indiqué dans un premier temps vouloir rester à son poste jusqu’au printemps avant de finalement présenter sa démission par deux fois en début de semaine, a confié “quitter à regret” ce “très grand ministère”. “J’ai beaucoup aimé travailler avec l’ensemble des agents de ce ministère”, a-t-il dit, aux côtés d’un Edouard Philippe au visage fermé.
“Lorsque je suis arrivé, les choses n’étaient pas forcément faciles et on avait connu quelque temps avant une révolte de la police. Je crois qu’aujourd’hui je quitte à la fois un ministère apaisé et un ministère qui a su impulser un certain nombre de réformes mais il en reste bien d’autres à pouvoir réaliser”, s’est-il félicité.
Il a mis à son actif la loi asile et immigration, celle sur la lutte contre le terrorisme ou la mise sur pied de la police de sécurité du quotidien en saluant également la hausse du budget de son ministère et le recrutement de nouveaux policiers depuis son entrée au gouvernement. Mais il avait aussi un “un message à faire passer” à son successeur, à qui il a dressé un tableau sombre de certains quartiers, particulièrement à la périphérie de Marseille et Toulouse ainsi qu’en banlieue parisienne.
“La situation est très dégradée et le terme de reconquête républicaine prend dans ces quartiers tout son sens”, a-t-il déclaré. “Aujourd’hui, c’est plutôt la loi du plus fort qui s’impose, des narcotrafiquants, des islamistes radicaux, qui a pris la place de la République.” Dans une brève prise de parole, Edouard Philippe a de son côté “remercié” Gérard Collomb “des seize mois de travail” à la “tête d’un ministère exigeant avec des missions délicates et essentielles”.
“Pendant ces seize mois, j’ai pu apprécier la très grande culture qui est la vôtre, le caractère direct de l’expression”, a dit le Premier ministre, dans une allusion aux prises de parole et de positions du locataire de Beauvau, contre les 80km/h ou plus récemment contre le “manque d’humilité” à la tête de l’Etat. “J’ai pour ma part aimé travailler avec vous”, a-t-il ajouté. “Pour tout ce que vous avez fait ici, soyez remercié. Le Premier ministre ayant vocation à aller partout sur le territoire national, il pourra arriver qu’il se rende à Lyon et il en sera particulièrement heureux”.
Marine Pennetier et Simon Carraud, édité par Yves Clarisse
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