Le tribunal correctionnel de Paris a condamné vendredi à quatre ans de prison, dont deux fermes, un homme accusé d'avoir incité un correspondant à commettre un attentat via Telegram, messagerie cryptée fréquemment utilisée par les djihadistes. Il l'a en outre reconnu coupable de consultation habituelle de sites djihadistes pour s'être abonné à une chaîne revendiquée par l'Etat islamique sur ce réseau, et a prononcé son maintien en détention. "C'est une décision d'une sévérité qui se veut exemplaire, mais qui est totalement inadaptée et en inadéquation avec la réalité du dossier", a déclaré à la presse son avocat, Me Martin Méchin.
Le parquet avait requis sa condamnation à quatre ans de prison dont 18 mois avec sursis avec mise à l'épreuve. Sous le surnom "Echo Alpha Tango", Youssef L., 29 ans, a échangé début 2016 avec Arthur L. et Sébastien P. sur la messagerie cryptée. Il lui est reproché d'avoir incité le premier à se rendre en Syrie pour y mener le djihad armé, et d'avoir proposé au second, aux "problèmes psychologiques manifestes", de commettre des attentats en France.
"Si tu passes à l'action demain, tu seras des nôtres", lui a-t-il dit dans un échange lu à l'audience. Fiché S selon des éléments du dossier, Youssef L. se défend de toute radicalité, et assure avoir "joué un rôle" sur Telegram pour se moquer de personnes qu'il juge "perchées." S'il reconnaît y avoir tenu les propos qui lui sont reprochés, il assure l'avoir fait "pour rigoler". "Dans la vie de tous les jours, je ne fréquente pas des gens comme ça. Internet, c'est pas la réalité", a-t-il dit à l'audience.
Et de souligner que certains de ses propos étaient le signe sans équivoque d'une blague, notamment lorsqu'il a proposé à Sébastien P. de lui vendre une bombe nucléaire, peu après lui avoir parlé de "passer à l'action". "J'ai plaisanté avec les mauvaises personnes, j'en ai pris conscience", a-t-il conclu. "Je préfère être un rigolo qu'un terroriste." Mais la thèse d'une "mauvaise plaisanterie qui a mal tourné", comme l'a résumé la présidente, n'a pas convaincu le tribunal.
"Qu'est-ce qui est rigolo ? En quoi vous vous moquez d'eux en vous faisant passer pour l'un d'eux ?" s'est interrogée l'une des trois juges. Et d'ajouter, avec ironie : "on se fend la poire sur Telegram." Pour le procureur, "bien sûr, de temps en temps, il rigole (...) En revanche, il y a chez lui une adhésion et une fascination pour le fanatisme djihadiste." Youssef L. "est dans une forme de déni qui à mon sens doit être sanctionnée", avait-il ajouté en prononçant ses réquisitions. (Chine Labbé, édité par Sophie Louet)
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