Comme treize de ses co-accusés au procès des attentats du 13 novembre 2015, Salah Abdeslam doit être interrogé à partir de ce mardi sur son parcours avant les attaques et sa personnalité.
Dans le box translucide, il est celui qui attire tous les regards. Son statut d’unique survivant des commandos du 13-Novembre l’a projeté dans la lumière, alors Salah Abdeslam semble désormais vouloir tout faire pour la retenir. Quasi mutique pendant cinq ans et demi, le Franco-Marocain de 32 ans ne se tait plus. Au contraire, même : des quatorze hommes assis sur les bancs des accusés, il est le plus volubile. Il professe, dénonce, vocifère, justifie, dessinant à gros traits, au fil de ses interventions souvent intempestives, le portrait d’un jihadiste convaincu.
Dans le box translucide, il est celui qui attire tous les regards. Son statut d’unique survivant des commandos du 13-Novembre l’a projeté dans la lumière, alors Salah Abdeslam semble désormais vouloir tout faire pour la retenir. Quasi mutique pendant cinq ans et demi, le Franco-Marocain de 32 ans ne se tait plus. Au contraire, même : des quatorze hommes assis sur les bancs des accusés, il est le plus volubile. Il professe, dénonce, vocifère, justifie, dessinant à gros traits, au fil de ses interventions souvent intempestives, le portrait d’un jihadiste convaincu.
Son ancien avocat belge l’avait qualifié de « petit con à l’intelligence d’un cendrier vide » qui n’a lu du Coran que son interprétation sur internet. Salah Abdeslam s’affiche aujourd’hui en maître à penser, présentant les attaques de Saint-Denis et Paris comme une réponse aux opérations françaises en Syrie ou appelant au « dialogue » pour éviter de nouveaux attentats. Celui qui est notamment jugé pour « meurtres et tentatives de meurtres en bande organisée et en relation avec une entreprise terroriste » ose tout. Et à en croire l’administration pénitentiaire, son prosélytisme s’exerce jusqu’en prison. Depuis sa cellule de Fleury-Mérogis où il est à l’isolement et sous surveillance constante, il partage ainsi avec ses codétenus le fruit de ses lectures salafistes ou wahhabites.
« Un déglingo »
À première vue, l’homme aux cheveux longs et à la barbe fournie n’a plus grand-chose en commun avec celui à l’allure proprette dont l’avis de recherche est diffusé au lendemain des attentats. À l’époque, son profil est plutôt celui d’un petit délinquant, condamné pour des délits routiers, des violences et un cambriolage raté. Ses proches parlent surtout de lui comme d’un gros fêtard, buveur, fumeur, amateur de jeux d’argent et de filles. Et s’il lui arrive de prier, c’est rarement aux bonnes heures. C’est un « déglingo », un « type qui aime bien rire et qu’on ne peut jamais prendre au sérieux », assure l’un de ses camarades dans un reportage d’Envoyé spécial tourné à Molenbeek juste après les attaques.
Comme neuf autres individus impliqués dans les attentats du 13-Novembre, Salah Abdeslam a passé sa vie là. La commune bruxelloise traîne alors une réputation de foyer d’islamistes radicaux. C’est ici que l'assassin du commandant Massoud a été marié. Ici aussi qu'ont été planifiés en partie les attentats de Casablanca en 2003. Ici encore que vivait le cerveau présumé des attaques de Madrid l'année suivante. Mais dans le vaste logement social qu’elle occupe place Communale avec vue sur la mairie, la famille Abdeslam semble vivre à l’abri des idées extrémistes. Les parents, originaires du Maroc, sont tous deux nés en Algérie française. Lui est conducteur de tram à la Stib, la société de transport en commun bruxelloise, elle est femme au foyer. Une famille « ouverte et libérale, pas portée sur la religion », dépeint l’ancien avocat de Brahim, le cadet des cinq enfants. À l’écrivaine Etty Mansour, qui a consacré un livre-enquête à Salah Abdeslam (Convoyeur de la mort, éd. Equateurs), un ancien copain de classe confirme : « Ce n’est pas du tout une famille radicalisée. La maman est une bonne vivante. Le papa, un très bon vivant. »
Tandis que les trois aînés ont affaire à la justice, les deux plus jeunes sont les seuls qui filent droit. Si l’on peut dire. En classe, Salah Abdeslam ne brille que par ses absences. Il décroche de justesse un bac électrotechnique et entre à son tour à la Stib. La vie bien rangée à laquelle sa fiancée aspire déraille rapidement : il est licencié au bout d’un an et demi, après son placement en détention provisoire pour le braquage raté d’un garage automobile avec son ami Abdelhamid Abaaoud. Les deux garçons ont grandi ensemble, voisins de quelques mètres, et sont devenus inséparables dans la fête comme dans les mauvais coups. « Nous étions en concurrence, je ne mesurais pas à quel point », dit la fiancée à l’écrivaine Etty Mansour.
À première vue, l’homme aux cheveux longs et à la barbe fournie n’a plus grand-chose en commun avec celui à l’allure proprette dont l’avis de recherche est diffusé au lendemain des attentats. À l’époque, son profil est plutôt celui d’un petit délinquant, condamné pour des délits routiers, des violences et un cambriolage raté. Ses proches parlent surtout de lui comme d’un gros fêtard, buveur, fumeur, amateur de jeux d’argent et de filles. Et s’il lui arrive de prier, c’est rarement aux bonnes heures. C’est un « déglingo », un « type qui aime bien rire et qu’on ne peut jamais prendre au sérieux », assure l’un de ses camarades dans un reportage d’Envoyé spécial tourné à Molenbeek juste après les attaques.
Comme neuf autres individus impliqués dans les attentats du 13-Novembre, Salah Abdeslam a passé sa vie là. La commune bruxelloise traîne alors une réputation de foyer d’islamistes radicaux. C’est ici que l'assassin du commandant Massoud a été marié. Ici aussi qu'ont été planifiés en partie les attentats de Casablanca en 2003. Ici encore que vivait le cerveau présumé des attaques de Madrid l'année suivante. Mais dans le vaste logement social qu’elle occupe place Communale avec vue sur la mairie, la famille Abdeslam semble vivre à l’abri des idées extrémistes. Les parents, originaires du Maroc, sont tous deux nés en Algérie française. Lui est conducteur de tram à la Stib, la société de transport en commun bruxelloise, elle est femme au foyer. Une famille « ouverte et libérale, pas portée sur la religion », dépeint l’ancien avocat de Brahim, le cadet des cinq enfants. À l’écrivaine Etty Mansour, qui a consacré un livre-enquête à Salah Abdeslam (Convoyeur de la mort, éd. Equateurs), un ancien copain de classe confirme : « Ce n’est pas du tout une famille radicalisée. La maman est une bonne vivante. Le papa, un très bon vivant. »
Tandis que les trois aînés ont affaire à la justice, les deux plus jeunes sont les seuls qui filent droit. Si l’on peut dire. En classe, Salah Abdeslam ne brille que par ses absences. Il décroche de justesse un bac électrotechnique et entre à son tour à la Stib. La vie bien rangée à laquelle sa fiancée aspire déraille rapidement : il est licencié au bout d’un an et demi, après son placement en détention provisoire pour le braquage raté d’un garage automobile avec son ami Abdelhamid Abaaoud. Les deux garçons ont grandi ensemble, voisins de quelques mètres, et sont devenus inséparables dans la fête comme dans les mauvais coups. « Nous étions en concurrence, je ne mesurais pas à quel point », dit la fiancée à l’écrivaine Etty Mansour.
Salah est incarcéré un mois. À sa sortie de prison, le voilà sans emploi. Il finit gérant du café que son frère Brahim a ouvert : « Les Béguines ». Dans cet établissement situé au pied d’un immeuble en brique rouge de Molenbeek, on ne sert pas que des bières ; on y consomme abondamment de la drogue aussi. Et bientôt de la propagande jihadiste. Dans le flot de photos et de vidéos qui inondent les réseaux sociaux et dont les deux frères s’abreuvent, émerge justement un visage bien connu : celui, hilare, d’Abdelhamid Abaaoud, parti gonfler les rangs du groupe État islamique en Syrie.
Mission avortée
Salah Abdeslam brûle de le rejoindre. Il ne le fera jamais, contrairement à Brahim qui effectue au « Châm » un aller-retour express, le temps d’un entraînement au tir. Les deux frères arrêtent l’alcool et se mettent à prier. À l’été 2015, tandis que les effluves de cannabis qui s’échappent des « Béguines » provoquent sa fermeture, Salah sillonne l’Europe au volant de grosses cylindrées pour récupérer douze jihadistes arrivés clandestinement de Syrie. Son ami Abaaoud l’a promu homme à tout faire dans l’organisation des attentats de Paris et Saint-Denis dont il est le coordinateur. À défaut d’aller au jihad, c’est le jihad qui vient à lui.
Mais le 13 novembre 2015, après avoir déposé les trois terroristes du Stade de France, Salah Abdeslam abandonne son gilet explosif et demande à deux amis molenbeekois de venir le chercher. Son frère Brahim, lui, s'est fait sauter au « Comptoir Voltaire ». Le seul membre des commandos à ne pas s’être rendu en Syrie devient aussi le seul à être encore en vie. A-t-il renoncé à aller au bout de sa mission ou en a-t-il été empêché ? L’intéressé multiplie les déclarations contradictoires. Dans un message écrit à un commanditaire durant ses quatre mois de cavale, il regrette : « J'aurais voulu être parmi les martyrs [...] J'aimerais juste pour l'avenir être mieux équipé. » Mais aux enquêteurs belges qui l’interrogent en mars 2016 après son arrestation, il affirme avoir voulu se faire exploser au Stade de France, avant de changer d’avis. Alors pourquoi dans son message de revendication, le groupe État islamique évoque-t-il un attentat dans le XVIIIe arrondissement de Paris ? Et quid des expertises qui ont montré que son gilet était défectueux ?
« Salah était quelqu’un de plus intelligent, de plus posé, de plus réfléchi. S’il n’a pas été jusqu’au bout, c’est peut-être qu’il a pris la bonne décision au dernier moment », avance son frère Mohamed. Six ans après, des zones d’ombre subsistent quant à ses intentions. La cour d’assises spéciale a encore sept mois pour les lever.
Salah Abdeslam brûle de le rejoindre. Il ne le fera jamais, contrairement à Brahim qui effectue au « Châm » un aller-retour express, le temps d’un entraînement au tir. Les deux frères arrêtent l’alcool et se mettent à prier. À l’été 2015, tandis que les effluves de cannabis qui s’échappent des « Béguines » provoquent sa fermeture, Salah sillonne l’Europe au volant de grosses cylindrées pour récupérer douze jihadistes arrivés clandestinement de Syrie. Son ami Abaaoud l’a promu homme à tout faire dans l’organisation des attentats de Paris et Saint-Denis dont il est le coordinateur. À défaut d’aller au jihad, c’est le jihad qui vient à lui.
Mais le 13 novembre 2015, après avoir déposé les trois terroristes du Stade de France, Salah Abdeslam abandonne son gilet explosif et demande à deux amis molenbeekois de venir le chercher. Son frère Brahim, lui, s'est fait sauter au « Comptoir Voltaire ». Le seul membre des commandos à ne pas s’être rendu en Syrie devient aussi le seul à être encore en vie. A-t-il renoncé à aller au bout de sa mission ou en a-t-il été empêché ? L’intéressé multiplie les déclarations contradictoires. Dans un message écrit à un commanditaire durant ses quatre mois de cavale, il regrette : « J'aurais voulu être parmi les martyrs [...] J'aimerais juste pour l'avenir être mieux équipé. » Mais aux enquêteurs belges qui l’interrogent en mars 2016 après son arrestation, il affirme avoir voulu se faire exploser au Stade de France, avant de changer d’avis. Alors pourquoi dans son message de revendication, le groupe État islamique évoque-t-il un attentat dans le XVIIIe arrondissement de Paris ? Et quid des expertises qui ont montré que son gilet était défectueux ?
« Salah était quelqu’un de plus intelligent, de plus posé, de plus réfléchi. S’il n’a pas été jusqu’au bout, c’est peut-être qu’il a pris la bonne décision au dernier moment », avance son frère Mohamed. Six ans après, des zones d’ombre subsistent quant à ses intentions. La cour d’assises spéciale a encore sept mois pour les lever.
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En Novembre, 2021 (00:52 AM)Participer à la Discussion