Un photographe efface les tatouages des repentis des gangs… avec Photoshop

Durant deux ans, Steven Burton, un Britannique installé aux États-Unis, a photographié d’anciens membres de gangs vivant à Los Angeles, avant d’effacer leurs tatouages à l’aide de Photoshop. L’objectif du projet, nommé "Skin Deep" ("Peau profonde") : montrer que ces repentis sont souvent trop vite jugés et catalogués en raison de leur apparence.

Steven Burton, 44 ans, a lancé son projet en 2013, peu de temps après avoir vu le documentaire "G-Dog", qui raconte l’histoire de Greg Boyle, un père jésuite ayant fondé en 1992 à Los Angeles "Homeboys Industries", un programme destiné à aider les ex-membres de gangs à s’en sortir.

C’est notamment dans cette ville que le célèbre gang "Mara Salvatrucha" (ou "MS-13") a été créé dans les années 1980 par des Salvadoriens, dont de nombreux membres arborent des tatouages. Toujours en activité, ce gang est même l'un des plus puissants de la ville, où de nombreux groupes criminels rivaux s’affrontent.

Francisco Flores. Crédit : Steven Burton.
 

"Pour les ex-membres de gangs, il est important d’effacer leurs tatouages"

Steven Burton

Mon projet s’est précisé quand j’ai appris qu’il était important pour les anciens membres de gangs d’effacer leurs tatouages : j’ai donc souhaité les photographier, retirer leurs tatouages sur Photoshop, puis leur montrer le résultat pour voir leurs réactions. C’est grâce à "Homeboys Industries" que je suis entré en contact avec la plupart d’entre eux.

Pour ce projet, Steven Burton a photographié 26 hommes et une femme – pour la plupart nés aux États-Unis et avec des origines mexicaines. Il a ensuite passé 400 heures à retoucher leurs portraits sur Photoshop, en utilisant généralement l’outil "tampon de duplication". Certaines photos ont nécessité 20 heures de travail.

Vinson Ramos. Crédit : Steven Burton.

"Ils ont souvent du mal à trouver du travail, en raison de leurs tatouages qui font peur aux gens"

Quand j’ai montré le résultat aux participants du projet, tous ont réagi différemment, même si la plupart ont dit qu’ils voulaient montrer les photos à leur mère. Marcus, l’un des plus tatoués, a commencé à rire, car il ne savait pas quoi dire. Il était en quelque sorte choqué par ce qu’il voyait. Puis il s’est tu, et il a eu les larmes aux yeux : j’ai réalisé à ce moment-là à quel point son histoire avait dû être compliquée. Un autre a réagi en disant "ce n’est pas moi", puis il m’a rendu la photo.

L'émotion a été grande pour les participants au projet, à l'image de David Pina, lorsqu'ils ont découvert leurs portraits retouchés. Vidéo postée surYoutube.

Le fait de leur montrer ces photos a permis d’engager une discussion et d’en apprendre davantage sur eux. Certains m’ont parlé de leur passé : comment ils avaient été amenés à rejoindre un gang, à se tatouer… Ils m’ont raconté qu’ils avaient dû persévérer pour quitter le gang, pour arrêter la drogue… 

"Dans la rue, les gens les regardent souvent bizarrement"
D’autres m’ont surtout parlé de leur vie actuelle, et notamment du regard des gens dans la rue. Ils savent qu’ils font un peu peur. Erin m’a ainsi confié qu’elle comprenait qu’on la regarde bizarrement, en raison de ses tatouages. Du coup, ils ont souvent de grosses difficultés à trouver du travail. C’est problématique car ça peut les amener à retourner vers les gangs, alors que c’est leur plus grande peur, puisqu’ils veulent en finir avec la violence et offrir un avenir meilleur à leurs enfants.

Erin Echavarria est la seule femme ayant été photographiée dans le cadre du projet. Crédit : Steven Burton.

L’autre problème, comme ils sont facilement repérables avec leurs tatouages, c’est qu’ils peuvent avoir des soucis avec les gangs ou avec la police. D’ailleurs, deux des participants au projet ont été tués par balles récemment : l’un a été tué par trois policiers, alors qu’il se disputait avec sa copine. Concernant l’autre, je ne sais pas ce qui s’est passé exactement. Du coup, sur les 27 participants, 24 cherchent à effacer leurs tatouages.

À travers ce projet, je voulais que les gens prennent conscience de la manière dont on juge les autres, souvent sans prendre le temps de comprendre qui ils sont réellement. Lorsqu’on a peur d’une personne, c’est souvent parce qu’on la connaît mal. Finalement, la seule différence entre eux et moi, c’est qu’on a grandi dans des contextes tout à fait différents.

Mario Lundes. Crédit : Steven Burton.
Une campagne de crowdfunding a été lancée par Steven Burton pour financer le lancement d’un livre qui regroupe les photos et les interviews des participants.

Dennis Zamran. Crédit : Steven Burton.


Calvin Hastings. Crédit : Steven Burton.


Phillip Mendoza. Crédit : Steven Burton.

David Williams. Crédit : Steven Burton.