Le trentenaire Pape Mor Djité est l’assassin présumé de Boutèye Kounta Ndiaye. La Dic le présente comme «un individu dangereux, sadique, pondéré». Explications.
Mensonges. Diversion. Manipulation. Affabulations. Pape Mor Djité, auteur présumé de l’assassinat de Boutèye Kounta Ndiaye, le 9 mai 2011, a épuisé le registre de la non-transparence pour essayer de semer les enquêteurs de la Dic et dérouler son plan. Ces derniers le désignent dans leur rapport comme «un individu dangereux, sadique, pondéré, et qui a essayé de détourner la religion de la justice en fournissant un argumentaire basé sur des scénarios imaginaires». «Il a fallu qu’il soit confondu par des éléments de preuves relevés à son encontre pour qu’il daigne faire des aveux circonstanciés», soulignent les policiers.
En effet, Pape Mor Djité a bien éprouvé les nerfs, pourtant solides, des hommes du commissaire Idrissa Cissé, qui était à l’époque le patron de la Dic. Durant la semaine qu’a duré l’enquête, il leur en a fait voir de toutes les couleurs. Il commence par se laver à grande eau. Limitant son rôle dans l’affaire à celui de convoyeur du véhicule à la suite de la transaction conclue entre le vendeur, Boutèye Kounta Ndiaye, et l’acheteur, un certain El Hadji Mar. Ce dernier lui aurait remis 150 mille francs CFA et un iPhone (celui de la victime) avec pour instruction de convoyer la Porsche en Guinée-Bissau.
Djité assure avoir quitté Dakar à 23 heures, le 9 mai 2011. Mais sa thèse sera démontée grâce aux réquisitions adressées à la Sonatel. Lesquelles renseignent que le numéro de téléphone de la victime a été géolocalisé à Pout le même jour à 12h58mn. Avec cette découverte et les nombreuses autres contradictions relevées dans ses déclarations, il passe aux aveux. Mais à moitié. Il désigne El Hadji Mar comme l’assassin. Celui qui, après son forfait, lui aurait demandé de se débarrasser du corps de la victime, sur le chemin de la Guinée-Bissau. Ce, sous peine de représailles contre son frère. Il se serait exécuté en jetant le cadavre derrière l’école polytechnique de Thiès.
Vendredi 13 mai, les enquêteurs se rendent dans la Cité du Rail. Ils étaient accompagnés de deux équipes de la Division de la police scientifique et du Centre de diagnostic et de recherches en médecine moléculaires. Avec l’aide des Sapeurs Pompiers et du Service d’hygiène, le corps a été récupéré et déposé à la morgue de l’hôpital Aristide Le Dantec pour autopsie. Le rapport indique que Boutèye Kounta Ndiaye est «mort à la suite d’une asphyxie mécanique par strangulation avec une cravate».
L’énigme El Hadji Malick Guèye
Un mystère demeure : qui est l’assassin ? Pape Mor Djité ou El Hadji Mar ? Les deux auraient-ils agi en duo ? Y aurait-il d’autres complices ? La Dic met la pression sur Djité. Qui décide de conduire les enquêteurs au domicile d’El Hadji Mar, sis à la Cité Soprim. Les hommes du commissaire Idrissa Cissé découvrent que la villa en question appartient à un nommé El Hadji Malick Guèye, qui se dit administrateur de société et séjournant régulièrement à l’étranger. L’épouse de ce dernier remet une photo de son mari aux enquêteurs, qui la présentent au mis en cause. Djité l’identifie formellement comme étant El Hadji Mar.
Un problème se pose. Les vérifications faites au niveau de l’aéroport révèlent qu’El Hadji Malick Guèye a embarqué pour la Belgique le 25 avril 2011 à 18 heures et n’est plus revenu au pays depuis lors. Interpellé sur cette contradiction, Djité affirme que Guèye était revenu à Dakar «incognito» pour loger à l’hôtel Terrou-Bi d’où il aurait tout planifié. La direction de l’établissement a réfuté cette affirmation.
Pape Mor Djité finira par avouer le crime. Mais, une nouvelle fois, il tente de sauver ce qui peut l’être. Déclarant avoir été sollicité depuis l’étranger par El Hadji Malick Guèye pour trouver une Porsche Cayenne à livrer en Guinée-Bissau contre 5 kg de cocaïne. Il ajoute avoir ainsi contacté au téléphone Boutèye Kounta Ndiaye en se faisant passer pour El Hadji Mar, qui désire acheter la Porsche Cayenne. Lundi 9 mai 2011, il se présente au parking de la victime comme un envoyé de son «frère», El Hadji Mar. Son dessein : entraîner le vendeur chez le mécanicien, prétextant une vérification du moteur, avant de lui voler le véhicule.
Il déclare avoir changé ses plans lorsque Boutèye Kounta Ndiaye a exigé d’abord de rencontrer El Hadji Mar. Se disant surpris par cette demande, Djité aurait conduit la victime dans un appartement à Yarakh où son «frère» se trouverait. Arrivé sur place, il comptait l’enfermer dans la demeure et s’enfuir avec la voiture. Alerté par le décor sobre des lieux, selon le récit du mis en cause, Boutèye Kounta Ndiaye aurait tenté de dégainer son arme. Djité aurait, à ce moment-là, ramassé une barre de fer pour l’assommer avant de l’achever en l’étranglant avec sa cravate.
La grande évasion
Aucun élément n’a permis d’étayer la thèse de la légitime défense que semble soutenir Djité. Les recherches effectuées aux abords de Diourbel, où il aurait jeté l’arme de la victime, n’ont rien donné. Et la veuve de la victime a déclaré que le jour des faits, son mari avait laissé son arme à la maison. Il s’agit d’un pistolet de type AF Warning Calibre 22 qu’elle a remis aux enquêteurs.
Après son forfait, Djité serait parti à Thiès à bord de la Porsche Cayenne pour solliciter l’aide de Talla Diassé, son ami d’enfance. Ce dernier accepte. Revenu sur les lieux du crime avec Diassé, Djité aurait contacté son cousin Maguèye Guèye, qui est chauffeur de taxi inter urbain résidant lui aussi à Thiès. Il lui aurait fait croire qu’il voulait faire un sacrifice de poisson pour trouver un visa pour l’Italie. C’est ainsi que le corps sans vie de Boutèye Kounta Ndiaye a été convoyé à Thiès et abandonné derrière l’école polytechnique.
Inculpé pour recel de cadavre, Maguèye Guèye ne passera que quelques mois en prison. Il bénéficiera d’une liberté provisoire avant d’être blanchi totalement. Pape Mor Djité et Talla Diassé, eux, resteront en détention. Mais pas pour longtemps pour le premier.
Un peu plus de deux ans après son incarcération, le 27 juin 2014, Djité s’évade de Rebeuss. Profitant d’une visite au Pavillon spécial de l’hôpital Aristide Le Dantec, il trompe la vigilance du seul garde affecté à sa surveillance. Il sera repris un an plus tard en Mauritanie. Depuis lors, il croupit en prison. Son jugement est prévu ce mardi devant la chambre criminelle de Dakar. (À suivre)
A relire
Affaire Boutèye Kounta Ndiaye (1/5) : Rendez-vous avec des assassins
Affaire Boutèye Kounta Ndiaye (2/5) : Porsche contre cocaïne
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En Février, 2017 (23:24 PM)Anonyme
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