Hier directeur général de la Rts, Babacar Diagne a de tout temps méprisé le Cnra. Aujourd’hui qu'il en est devenu le président, il fait montre de fermeté pour faire respecter les avis de l'autorité de régulation.
Le Conseil national de régulation de l’audiovisuel a suspendu les programmes de la Sen tv pour refus de se conformer à la loi interdisant la publicité des produits de dépigmentation. Pourtant, celui qui est à la tête du Cnra aujourd'hui, a longtemps méprisé les avis du régulateur du temps où il était directeur de la télévision avant 2000 et plus tard, directeur général de la Rts à partir de 2006.
Dans un livre intitulé « Les médias en Afrique depuis les indépendances : bilan, enjeux et perspectives », édité en 2018 sous la direction du politologue Ndiaga Loum, et de l’ancien directeur du Cesti, Ibrahima Sarr, les auteurs reviennent (Pages 86 à 88) sur les relations entre le Haut conseil de l’audiovisuel, ancêtre du Cnra et de la direction de la Rts. Ce passage montre que la Rts ne s’est jamais conformée aux recommandations du Hca et même plus tard du Cnra.
Lors d’un séminaire en 2009 sur la régulation, le Hca s’est même permis une comparaison entre la Rts et Wal fadjri. Le Hca se félicite du fait que Walf répond presque systématiquement à ces correspondances et reconnait même « sa responsabilité sur un point pour lequel elle a été interpellée par l’avis ; ce qui est tout à son honneur ».
Pendant ce temps, la Rts adopte une position de mépris vis-à-vis des interpellations de l’organe de régulation. « Ce média public fait l’objet de plusieurs plaintes émanant des acteurs sociaux qui lui reprochent de ne pas diffuser leurs manifestations. Ces plaintes ne sont pas toujours formalisées, mais, à chaque fois que le Hca a été saisi, le Dg de ce média a été saisi pour lui permettre de s’expliquer. Si, dans certains cas, la Rts a répondu à la correspondance du Hca, la plupart du temps, elle a observé un mutisme total », regrette le régulateur.
Ce manque de considération a justifié que le Hca est devenu Cnra en 2005, avec beaucoup plus de pouvoir de sanction. Mais malgré tout, rien n’a changé du côté de la télévision publique.
Au cours de ce séminaire en mai 2009, le Cnra rappelait les nombreuses griefs contre la Rts, à savoir, entre autres, « le discours confrérique de la télévision, les larges couvertures médiatiques des visites de courtoisie du président de la République à Touba qui créent un déséquilibre notable… »
L’avis du quatrième trimestre de 2009 indiquait déjà que le changement a eu peu d’impact. En effet, le Cnra continuait à se plaindre d’un « déséquilibre persistant » à propos du traitement de l’information, mais aussi une « restriction manifeste » à une information plurielle. Autrement dit, la Rts de Babacar Diagne (2006-2012) s’est arcboutée dans sa logique de propagande en faveur du régime au pouvoir, au mépris total des interpellations du Cnra.
A titre illustratif, la télévision publique a fait un effort durant le premier tour de la présidentielle 2012. Mais au second tour, rappellent Loum et Sarr, la Rts, pendant deux jours successifs, c’est-à-dire les 2 et 3 mars 2012, a diffusé à plusieurs reprises l’appel de Cheikh Béthio Thioune à voter en faveur du candidat sortant, Abdoulaye Wade.
Une attitude dénoncée à l’époque par l’autre candidat qui se trouve être Macky Sall. Et lorsque le Cnra a saisi Babacar Diagne, en guise de réponse, il a déclaré que « ses antennes restent ouvertes » à ceux qui veulent exercer leur droit de réponse.
Et c’est ce même Diagne, devenu président du Cnra, qui fait aujourd’hui montre d’une main ferme à l’encontre de la Sen Tv pour avoir ignoré les rappels du régulateur.
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