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Politique

Gestion du Covid-19 : Un consensus aux éclats !

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Gestion du Covid-19 : Un consensus aux éclats !
L’arrivée de la maladie du coronavirus, le 2 mars dernier, avait suscité une sorte de cohésion sociale autour du chef de l’Etat Macky Sall qui avait, au-delà des contributions financières, réussi à réunir au palais même ses plus farouches adversaires politiques. Mais aujourd’hui, ce consensus «fort» s’est effrité progressivement. Ses dernières décisions sont fortement contestées.  

«Il faut apprendre à vivre en présence du virus !». Lors de son adresse au peuple sénégalais, lundi 11 mai, le président de la République, Macky Sall, a annoncé de nouvelles mesures tendant au déconfinement progressif. Il s’agit, entre autres, de l’allègement du couvre-feu, de l’ouverture des marchés et de la réouverture des lieux de culte. Des mesures jugées «paradoxales» et qui, décidemment, n’ont pas fait l’unanimité chez les Sénégalais, parce que prises dans un contexte où la maladie continue de faire sa progression dans le pays (2 105 cas, ce mercredi, dont 21 décès, 782 guéris et 1 301 encore sous traitement).

Des réactions qui viennent porter un sacré coup à ce consensus noté au début de la maladie au Sénégal, en mars dernier.

Pression des religieux

Initialement prévu pour le mardi 12, le discours ‘’tant attendu’’ du président Macky Sall est finalement livré, le lundi 11 mai, soit 24 heures plus tôt. Ce qui s’expliquerait, selon beaucoup d’observateurs, par une forte pression exercée par les religieux sur les autorités étatiques.

En effet, en moins d’une semaine, les choses se sont carrément dégradées entre le palais et quelques grandes concessions confrériques du pays.

La position radicale de Léona Niassène qui, malgré les bons offices du ministre de l’Intérieur, a maintenu son engagement d’envahir les mosquées vendredi, «quoi qu’il adviendra !», suite à la convocation de son imam au commissariat central de Kaolack, en est une parfaite illustration. 

Ce fait, largement décrié sur les réseaux sociaux, a semblé faire tache d’huile dans certains foyers religieux, plus particulièrement dans la ville sainte de Touba. Car, quelques heures plus tard, une réunion s’est tenue entre le khalife Serigne Mountakha Mbacké et le ‘’Dahira Muqadimatul Khidma’’ en vue d’imaginer les voies et moyens de permettre à un nombre plus conséquent de fidèles de pouvoir fréquenter les mosquées dans le respect strict des mesures barrières.

«Le pouvoir décisionnel appartient à l’Etat, mais son effectivité ne peut être sans les chefs religieux»

Mais au-delà des familles religieuses, d’autres voix concordantes de hautes autorités se sont également levées, notamment dans les médias, pour faire constater une certaine «incongruité» à prétendre continuer à fermer les mosquées tout en annonçant la réouverture des classes, pour le 2 juin prochain. Une situation qui, semble-t-il, n’aurait pas laissé une grande marge de manœuvre au chef de l’Etat. Macky Sall cédera alors face à la pression. Suscitant, encore une fois, de vives polémiques au sein de l’espace public.

Selon le sociologue Baïdy Diop, il faut partir du fait que le contrat social sénégalais repose sur le triptyque Etat-chefs religieux-populations, et cela depuis le début de la République.

«Le pouvoir décisionnel appartient à l’Etat, mais son effectivité ne peut être sans les chefs religieux. D’où l’intérêt d’une collaboration saine. A ce jour, tous les faits montrent une nette faiblesse de l’Etat face aux multiples problèmes engendrés par la pandémie du Covid-19», a-t-il confié à Seneweb.

 «Scandales» en série

Toutefois, il faut signaler que le premier point de discorde, dans la gestion du Covid-19, a été relevé autour de la passation des marchés du riz destiné aux familles vulnérables, dans le cadre de la résilience sociale initiée par l’Etat du Sénégal.

En effet, avec ses deux entreprises attributaires (Avanti Suarl et Afri & Co Suarl), l’homme d’affaires libanais et propriétaire de Planet Kebab, Rayan Hachem, s’est tapé le jackpot avec plus de 17 milliards de F CFA au détriment d’autres hommes d’affaires «beaucoup plus méritants», dénonçaient ainsi certains Sénégalais.

Mais, en réalité, ce «scandale» présumé sur le riz en cachait un autre impliquant Idy Thiam, Président de l’Unacois qui, à lui tout seul, a gagné le marché de l’approvisionnement de 5 000 t d’huile et 5 000 t de sucre d’un montant de 9 milliards F CFA, soit 50 % du marché, laissant la moitié au reste des importateurs.

Quelques jours auparavant, un autre fait avait fini d’accabler le ministre du Développement communautaire Mansour Faye, par ailleurs beau-frère du président Macky Sall : le montant polémique estimé à plusieurs milliards qui serait débloqué pour le transport des vivres à l’intérieur du pays. Un chiffre de 6 milliards de F CFA avait été avancé, même si, lors de sa sortie, le ministre, maire de Saint-Louis, avait précisé que l’enveloppe devrait être estimée à 2 milliards.

A cela, il faut ajouter le « cas» du député Demba Diop Sy qui avait fait couler beaucoup d’encre. Sa société, Urbaine entreprise (Ude), dont le Tribunal de commerce hors-classe de Dakar, statuant en matière de procédures collectives, avait ordonné la liquidation judiciaire depuis le 19 avril 2019, pour «cessation de paiements (constatée depuis le 16 mai 2017)», a bénéficié d’une bonne part du marché de transport de ces vivres.

L’épisode Pr. Moussa Seydi Vs Dr. Aloyse Diouf

Ces brouilles n’ont pas épargné le ministère de la Santé, en première ligne dans la lutte contre la pandémie du Covid-19. En effet, en visite dans le sud du pays, le professeur Moussa Seydi, Chef du Service des maladies infectieuses de Fann, a regretté le manque d’équipements au service de réanimation de l’hôpital de Ziguinchor. Cette sortie, ne semblant pas plaire au ministère de la Santé et de l’Action sociale, avait poussé le Dr Aloyse Diouf à reprocher à Seydi de ne pas «laver le linge sale en famille».  

Mais la réplique musclée du monde universitaire, rappelant à l’orthodoxie le directeur de cabinet du ministre de la Santé, aura mis fin à la polémique, à la «friction». «Il ne faut pas amener les choses là où elles ne sont pas. Le Pr. Seydi est un élément du ministère de la Santé et il est un membre éminent du dispositif. Il est d’ailleurs un membre privilégié, en termes de confiance et de conseils dans ses rapports avec le ministère. Alors, il ne faut pas qu’on nous présente des choses qui n’existent pas. Nous sommes une équipe, et le professeur est dans l’équipe et, ensemble, nous allons remporter la guerre contre le Covid-19», temporisera Abdoulaye Diouf Sarr, quelques jours plus tard.

Les raisons de l’éclatement du consensus

L’autre fait qui a suscité des grincements de dents au sein du ministère de tutelle, c’est la commande passée par le biais d’un privé pour l’achat d’équipements et de médicaments d’une valeur de 2 milliards de F CFA à l’insu de la Pharmacie nationale d’approvisionnement (Pna). Dénonçant «un scandale», l’Intersyndicale de la Pna a ouvert le feu sur le ministre avant que celui-ci n’apporte des «précisions».

Mais qu’est-ce qui pourrait expliquer l’éclatement subit de ce consensus autour du président Sall ? Le sociologue Baïdy Diop relève quelques points. 

La première cause, d’après notre interlocuteur, est d’ordre communicationnel. «Quand le Sénégal a enregistré ses premiers cas, le débat public portait sur comment l’Etat devrait faire pour gérer la propagation et, au même moment, certains ne croyaient même pas à l’existence du virus. Ces deux faits ont poussé l’Etat à communiquer. Et, malheureusement, ça n’a pas atteint toute la population quant à son existence et sa capacité de contamination».

La deuxième chose, c’est que la population n’a pas été préparée pour subir les décisions afférentes à l’état d’urgence prononcé le 23 mars dernier, souligne notamment ce diplomé en sociologie.

Il dit : «Le respect des mesures n’a été qu’illusion. Il faut dire que le Sénégalais aime transgresser et, malheureusement, cela a été fatal pour le pays. Les déplacements des cas contacts ont propagé le virus un peu partout dans le pays. Seuls 22 départements sur 45 ont été épargnés jusque-là.»

M. Diop est, par ailleurs, d’avis que le mois de ramadan a rendu la décision de la fermeture des mosquées impopulaire. Car, fait remarquer le sociologue, «même si au début, les imams et oulémas étaient d’accord sur la fermeture, le mois béni de ramadan pendant lequel le zèle religieux augmente le discours favorable à l’ouverture des lieux de prières, refait surface jusqu’à être une exigence sociale».

Il signale «qu’au-delà de cet engouement social, l’économie du pays est portée par le secteur informel et que la fermeture des marchés et l’arrêt du transport interurbain donnent un signal rouge. D’où la nécessité de vivre en présence du virus avancée par le président».


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