Nichée dans le département de Mbour, précisément dans l'arrondissement de Fissel, Ndiaganiao, déformation de l'expression sérère Ndiaw a ñaw ou njaw a ñaaw signifierait "cuisiner des haricots".
Il est raconté que le premier habitant de Ndiaganiao, arrivé sur les lieux, aurait, avant de s'installer, demandé à un membre de sa famille d'aller faire un tour pour voir s'il y avait déjà des habitants dans le coin.
A son retour, l'éclaireur lui aurait dit : "widaam meene fop, ndaa mbind leng dong ge'um; kaam sop a den da njawaa a ñaaw" (J'ai fait tout le tour, mais je n'ai trouvé qu'une seule maison ; elle cuisinait des haricots).
Le chef de famille lui répond : "Kon meekee ne'keel Njaw-a-ñaaw (Donc, nous appellerons ce lieu Ndiaw a gnaw » (écrit en sérère njaw a ñaaw). L'expression "cuisiner des haricots", en sérère njaw a ñaaw, aurait donné Njañaaw, transformé en Ndiaganiao par les colons.
L'autre version, indique que Ndiaganiao viendrait du nom d'un grand marigot appelé Ndiañaw ou Njañaaw, qu'on appelait en sérère Nee Njañaaw, c'est-à-dire le "marigot de Ndiagnaw". Ce marigot se trouvait à l'emplacement actuel du village de Ndiandiaye. Une autre déformation de la prononciation de Ndiagnaw (Njañaaw).
Au soir du 23 janvier 2022, une autre histoire a été écrite et sera racontée aux générations futures: celle qui ouvre les portes de l'administration à une femme.
Depuis toujours certains prétendaient que Ndiaganiao n'osera jamais dans son histoire accepter être dirigée par une femme. "Ndiaganiao djiguène dou fi djité’’ (une femme ne dirigera pas Ndiaganiao : Ndlr). Utopie !
La population de Ndiaganiao a compris qu’elle a juste besoin d'une personne capable de répondre à ses aspirations, à ses attentes, de mener à bien ses destinées. Ndiaganiao a montré qu'elle n'est pas claustrée dans cette logique de stéréotype. A Ndiaganiao, les femmes sont dans tous les secteurs d'activités. Elles cultivent, élèvent, nourrissent, s'engagent, gagnent.
Une femme, enfant de Sandock, précisément de Ndorong, a cassé les codes : elle se nomme Tening Sène, appelée la "Lionne de Ndiaganiao".
Sa victoire à la tête de la mairie n'a rien de spécial pour elle. Mais pour certains esprits, cela en a car ils ont toujours soutenu qu'une femme ne pouvait pas diriger les destinées de la communauté.
"Je me dis que c'est un mérite en partie, c'est un destin aussi. Donc, il y a Dieu dans tout ça, qui a voulu que je sois maire. Pour moi, il n’y a rien d'étrange ! Docteur Tening Sène est une citoyenne comme les autres. Je ne me considère pas comme femme entre les hommes. Je me considère comme une citoyenne comme les hommes. Comme quelqu’un qui a le droit de briguer le mandat comme tout le monde et quelqu'un qui a quand même la volonté de bien faire comme tout le monde", philosophe Tening Sène.
Militante et coordonnatrice de l'Alliance pour la République à Ndiaganiao avant les élections locales, son parti a connu une forte division.
Des militants étaient avec elle. Le maire sortant a rejoint un autre camp, le premier adjoint du maire sortant a fait sa propre liste. Un des cadres du parti a fait également une liste, soit quatre tendances de l'Apr dans une commune.
Mais grâce à son travail acharné depuis de longues années, elle a gagné une bonne longueur d'avance face aux adversaires.
Sa victoire, elle la voit comme une reconnaissance pour les efforts tant fournis depuis des années.
Vétérinaire, spécialiste en aquaculture
L’école primaire de Ndiarao a formé les premiers pas dans l'éducation de Tening Sène, puis le CEM de Ndiaganiao la reçoit pour parfaire sa formation. "Je suis allée au lycée Demba Diop de Mbour où j'ai eu mon Bac scientifique S2. Ensuite, j'ai fait la médecine vétérinaire pour devenir docteur en médecine vétérinaire en 2008", se rappelle-t-elle.
Elle intègre l'Agence nationale de l'aquaculture (ANA) la même année, comme chef de Division. La fille de Ndiaganiao, devra donner un contenu à cette division qu'elle dirige en premier.
En tant que vétérinaire qui évolue dans le domaine de l'aquaculture, elle décide de se spécialiser. C'est ainsi qu'elle sollicite une bourse à la coopération belge. Elle est sélectionnée pour faire un Master complémentaire en aquaculture à la faculté universitaire de Notre-Dame de Namur et à l'université de Liège, en Belgique.
En 2012 voire 2013, elle revient à l'Ana toujours comme chef de Division.
En 2014, elle sera nommée chef du Projet de développement accéléré de l'aquaculture du Plan Sénégal émergent par le président de la république, dans le cadre de la mise en œuvre du PSE.
En 2016, l'enfant de Ndorong est nommé conseillère technique au ministère de la Pêche et de l'Économie maritime.
Puis coordonnatrice de la Cellule genre et équité du ministère de la Pêche et de l'Économie maritime, en 2017.
En 2019, elle est nommée directrice du Centre National de formation des techniciens des pêches et de l'aquaculture (CNFTPA). En avril 2020, la voilà à la tête de la direction générale de l'Agence nationale de l'aquaculture. Poste qu'elle occupe, en plus du chef de Projet développement accéléré de l'aquaculture.
Routes parsemées de nids-de-poule, économie à développer... les grands chantiers de la vétérinaire
S'il y a une localité que Dr Tening Sène connaît aussi bien, c'est Ndiaganiao. Elle l'a parcourue depuis des années et connaît les secteurs économiques qu'il faut développer.
"C'est l'agriculture et l'élevage, en plus du commerce, bien sûr, pour les femmes. Également, il y a un fort besoin d'accompagnement des jeunes dans la formation professionnelle et dans l'insertion", assure-t-elle.
Alors qu'il y a un fort flux de commerçants, avec les marchés hebdomadaires, à Ndiaganiao, les infrastructures routières demeurent un véritable casse-tête. Tout le long de la route est parsemée de nids-de-poule. La nouvelle élue ambitionne de désenclaver la localité. Mais elle compte par ailleurs prendre à bras le corps la réfection des tronçons qui mènent de Ndiaganiao à Sandiara, Khombole, Fissel (chef-lieu d'arrondissement), Thiadiaye, Tassette, Tène Touba, Nguekhokh...
Des projets déjà inclus dans le programme d’urgence qui seront en œuvre bientôt.
Tening Sène connait toutes les préoccupations de ses nouveaux administrés. Priorités pour l'électrification des villages : "avec l'électricité, les jeunes qui sont dans la ville, qu’ils soient menuisiers, tailleurs ou mécaniciens pourront revenir s'installer au village et conserver les richesses qui sont acheminées vers les villes. Ils pourront ainsi rester dans le village. Si on a l'électricité, on peut faire des activités économiques pour les femmes. Il faut de l'électricité, mais également assez d'eau. Et sur ce, aujourd'hui pour moi, dans Ndiaganiao, on doit développer des périmètres maraîchers familiaux. Aujourd’hui, on a de la terre, chaque famille devrait avoir ne serait-ce qu’un hectare de terre à cultiver. Et ça, on compte accompagner les populations", indique Dr Sène.
Toujours présente pour la population de sa commune, elle a fait le tour des villages pour octroyer aux femmes des financements, des dons de moulins à mil afin d'alléger le travail de ses concitoyennes. Elle a aussi initié des campagnes de vaccination pour le cheptel. Elle voit déjà grand et veut rétablir les dizaines de forages en panne.
"On a des partenaires qui peuvent nous aider à faire revivre ces forages, à développer des périmètres maraîchers villageois autour de ces forages. Aussi, si des villages ont des espaces sécurisés et veulent faire des activités communautaires agricoles ou avicoles ou d'élevage, on pourra les accompagner. Donc, aujourd'hui, si on arrive à faire des routes, avoir de l'électricité, faire revivre les forages, développer le maraîchage, je pense que la zone vivra", assure-t-elle.
Pour ses 100 premiers jours à la tête de la municipalité, la Lionne de Ndiaganiao veut relever un défi : "l’Approche à résultat rapide", une expérience qu'elle a apprise au cours d'une formation financée par la Banque africaine de développement (BAD).
Elle se fixe des objectifs et compte les atteindre dans les 100 premiers jours de son mandat.
"Je dis souvent qu'il faudrait qu'on change la façon de choisir les maires. On ne choisit pas un maire parce que l’on connaît des gens qui le soutiennent. On choisit un maire qui sait faire bouger les choses, assister la population et régler les problèmes. On ne sait pas tout faire, mais il faut de la volonté. Un maire doit avoir également un minimum de connaissances, de compétences et du relationnel. Le développement l’exige. Et si l'on ne veille pas à tout cela, on peut choisir quelqu’un au hasard et se plaindre après. Donc, le choix d'un maire doit être vraiment minutieux. Désormais, je pense qu'on doit mettre des gens dont le profil est bien étudié", dixit Dr Tening Sène.
6 Commentaires
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En Février, 2022 (14:53 PM)Dictature
En Février, 2022 (13:10 PM)L'homme Engagé
En Février, 2022 (21:01 PM)Participer à la Discussion