Ce ne fut point une farce de mauvais goût. Mais un acharnement, une provocation outrancière dont l’objectif était d’acter l’élimination politique d'un candidat à la présidentielle de 2024. Or, 2024 c’est maintenant et c’était tout l’enjeu du mélodrame d’hier, corollaire des accusations de viol qui subitement se sont muées en accusations de trouble à l’ordre public, qui ouvrent à Ousmane Sonko, grandes, les portes de la prison.
L’objectif était clair dès le départ et il fallait, à tout prix, empêcher le leader de Pastef de mettre à profit les trois années qui nous séparent de l'échéance électorale présidentielle devant consacrer le départ du président Macky Sall, après ses premier et second mandats à la tête de l’Etat. Et il a fallu user et abuser de la violence d’Etat appuyée d’un tapage médiatique inédit pour ternir l’image d’un leader que d’aucuns considèrent comme une alternative à la classe politique dirigeante qui se recycle à la tête du pouvoir depuis l’aube des indépendances. Un candidat qui a ouvertement menacé, sur fond de nationalisme, une fois au pouvoir, de « réduire à sa plus faible expression » la présence des multinationales étrangères qui exploitent les ressources pétro-gazières du Sénégal. C’est donc une voix libre de la classe politique sénégalaise qui vient d’être muselée par le pouvoir. Mais Sonko a sans doute prêté le flanc. L'opposant "normal" a multiplié les erreurs malgré qu’il ait réussi à résister, à tourner le pouvoir en dérision un mois durant. Sa naïveté a aussi consisté à penser qu’il pouvait se rendre librement à une convocation du juge et en ressortir deux heures après comme on sort ou entre dans un salon de massage. L’Etat qui a tout mis en scène pour le coffrer, avait, depuis le début, brandi et défendu la présomption de culpabilité en endossant le dossier « Sweet beauté » dans lequel il est accusé, par Ousmane Sonko, d’en être l’unique artificier. Et dans le contexte de confusion planétaire liée à la Covid-19 et ses restrictions tous azimuts, chaque Etat s’occupe de sa cuisine interne, donc, peu importe le basculement vers la dictature de l’opinion d’un pays comme le Sénégal jusqu’ici cité en référence. Un pays qui pourrait s’acheminer dangereusement vers un conflit sur fond de considération ethnique à travers les personnes de Macky Sall et de Ousmane Sonko, qui pour la préservation du pouvoir, qui pour la conquête du pouvoir.
Le mélodrame qui s’est joué ce mercredi 03 mars a donc eu l’effet d’un séisme au plan démocratique, fort en rebondissements. Mais l’affaire dépasse la personne d'Ousmane Sonko même : c’est devenu l’affaire de tout un citoyen car, demain, n'importe quel Sénégalais peut se retrouver dans une situation similaire où ses droits les plus élémentaires sont foulés au pied, avant qu’il ne soit broyé par la machine judiciaire dans toute sa violence. L’arrestation spectaculaire d’Ousmane Sonko est sans doute un clin d'œil, une garantie que le président du Sénégal voudrait donner à l'endroit de toutes ces multinationales étrangères présentes dans le pays, à ces forces occultes qui déstabilisent l'Afrique avec la bénédiction de la classe dirigeante. Le Sénégal, que personne ne s'y méprenne, est déjà dans le troisième mandat. Ce qui se jouait ce mardi, ce n’est ni plus ni moins que le premier tour de la présidentielle de 2024, en attendant l'expression de la voix du peuple souverain.
Après les évictions de Karim Wade et de Khalifa Sall du jeu politique, suivi du ralliement d’Idrissa Seck, Ousmane Sonko était la prochaine cible à abattre et le procédé est resté le même. Il fallait le faire emprisonner, peu importent les raisons, peu importe la manière.
En attendant que le leader de Pastef se débatte sur le sentier de l’échafaud politique, la presse sénégalaise libre peut se préparer car elle est la dernière cible et le dernier ressort sur lequel repose ce qui reste aujourd’hui de la démocratie sénégalaise. Une démocratie dont les piliers ne cessent de s’affaisser. Le pays qui a rédigé les plus belles lettres de la démocratie en Afrique, est aujourd’hui en train d’en écrire les pages les plus sombres de l’histoire contemporaine. Une démocratie dont l’effacement est à son étape ultime. Et puisqu’il en est ainsi, que « farce » reste à la loi !
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