La prise en charge par thérapie ciblée fait aussi bien que la chirurgie.
Depuis vendredi dernier, la ville de Chicago héberge plus de 30.000 cancérologues du monde entier venus assister à la 54e édition du plus important congrès mondial d’oncologie. Jusqu’au 5 juin, ces experts courront de session en session dans les couloirs du centre McCormick (250.000 m²), situé sur les berges du lac Michigan, pour échanger sur les dernières innovations dans le traitement du cancer. Et, comme chaque année, les résultats les plus attendus ont été présentés lors de la séance plénière qui s’est tenue ce dimanche. Quatre études ont été sélectionnées par le comité scientifique de l’Association américaine d’oncologie clinique (Asco) qui a analysé les 5500 essais présentés cette année.
Parmi ces prestigieux travaux, une étude française menée par l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a été dévoilée. Dirigés par le Pr Arnaud Méjean, chef du service d’urologie à l’hôpital Georges-Pompidou, ces travaux démontrent qu’il est possible d’éviter l’ablation du rein chez des patients souffrant d’un cancer métastatique grâce à la thérapie ciblée. Des travaux ont été publiés le même jour dans le New England Journal of Medicine.
«Cette étude n’est pas financée par un laboratoire, c’est une étude académique. C’est aussi cela qui donne de la valeur aux résultats», souligne, interrogé par Le Figaro, le Pr Méjan, qui ne dissimule pas sa fierté de présenter ses travaux devant des milliers de collègues. Il faut dire que cette étude menée auprès de 450 malades promet de révolutionner la prise en charge de ce cancer. Lors de la séance plénière, le Pr Charles Georges, urologue au Centre de cancérologie Duke, a affirmé que l’étude Carmena allait changer sa pratique. «Ces résultats sont un changement de paradigme», a-t-il insisté.
La moitié des patients ayant reçu le sunitinib tout de suite sont encore en vie au bout de 18 mois, contre 13 mois pour les patients ayant été opérés
Réalisés entre 2009 et 2017, ces travaux se sont concentrés sur les patients souffrant d’un cancer du rein métastatique au moment du diagnostic pouvant être opérés et prétendre au sunitinib, un traitement très efficace contre les métastases. Habituellement, ces malades subissent une opération chirurgicale, la néphrectomie, pour éliminer la tumeur ou enlever le rein dans sa totalité avant de recevoir ce médicament.
Mais, vingt ans après la mise en place de cette prise en charge, les médecins s’interrogent sur son intérêt. Ils ont donc comparé la survie des malades ayant bénéficié de la thérapie ciblée immédiatement après la détection de leur maladie à celle des patients ayant eu une prise en charge classique. Résultat: la moitié des patients ayant reçu le sunitinib tout de suite sont encore en vie au bout de 18 mois, contre 13 mois pour les patients ayant été opérés. «On ne s’attendait pas à ces résultats, car toutes les études précédentes avaient montré un bénéfice pour la néphrectomie, a commenté le Pr Arnaud Méjean. Mais il est clair aujourd’hui que le traitement doit être utilisé en première intention chez les patients atteints de métastases.»
Le chirurgien souligne par ailleurs que l’utilisation de la thérapie ciblée n’est pas synonyme de perte de chances de guérison. Parmi les 224 patients traités par sunitinib, 38 ont été opérés. «Pour la majorité d’entre eux, le traitement a permis d’obtenir une rémission complète ou quasi complète. La chirurgie était seulement là pour éliminer la tumeur primaire dans le rein.»
Le Dr Bernard Escudier, oncologue spécialiste du cancer du rein à l’Institut Gustave-Roussy (Villejuif) et auteur de l’étude, est lui aussi convaincu que cette nouvelle prise en charge va s’imposer. «Ce changement de pratique sera d’autant plus vrai que de nouvelles molécules thérapeutiques plus actives que le sunitinib, comme les combinaisons d’immunothérapies, arrivent sur le marché», a-t-il indiqué. L’an dernier en France, plus de 14.000 nouveaux cas de cancer du rein ont été diagnostiqués. Environ 20 % d’entre eux l’ont été à un stade très avancé de la maladie.
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