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Le Ramadan, l’un des cinq piliers de la religion islamique, est un mois saint durant lequel le jeûne doit être observé du lever au coucher du soleil. Ce calendrier étant lunaire, la période d’abstinence (Boire et manger) varie de 10h à 20h selon la région géographique. Face à cette restriction, plusieurs modifications de l’organisme sont nécessaires pour s’adapter et continuer à exercer son rôle. La majorité des personnes vivant avec le diabète peuvent être exemptées. Cependant, une majorité de personnes choisisse de jeûner et parfois contrairement aux conseils médicaux. Le diabétique désirant observer ce rituel devra être éduquer, évaluer, accompagner et même parfois dissuader pour son bien-être.
I. EST-CE QUE LES DIABETIQUES OBSERVENT LE RAMADAN
Le jeûne n’est pas recommandé pour tout le monde en l’occurrence pour les personnes atteintes d’un problème de santé. En 2019, le nombre de personnes atteintes de diabète dans le monde était estimé à 463 millions, avec une augmentation de 51 % (700 millions) prévue d’ici 2045. Le nombre de personnes atteintes de diabète dans le Moyen-Orient et en Afrique du Nord, une région où la plus grande proportion des habitants est musulmane, devrait plus que doubler d’ici 2045. Une augmentation similaire est prévue dans le Sud et à l’Est de l’Asie, une autre région où prédomine
l’islam.
Le ramadan est largement observé dans le monde entier. Une récente enquête menée dans 39 pays sur 38 000 musulmans montrait que 93 % ont déclaré jeûnait pendant le Ramadan.
L’étude EPIDIAR réalisée en 2001 a révélé que 42,8% des personnes atteintes de diabète de type 1 et 78,7 % des diabétiques de type 2 jeûnaient pendant au moins 15 jours durant le Ramadan.
De même, l’étude CREED de 2010 a rapporté que 94,2 % des participants atteints de diabète de type 2 ont jeûné pendant au moins 15 jours et 63,6 % tous les jours du Ramadan.
Au Sénégal, en 2023 dans une étude menée à l’hôpital Abass Ndao, 52,1% avaient jeuné tout le mois. Il est clair que le jeûne du Ramadan est une pratique très importante et a un impact majeur sur la prise en charge du diabète dans la population musulmane d’où l’intérêt d’une bonne éducation thérapeutique.
II. QU’EST-CE QUI SE PASSE DANS L’ORGANISME DU JEUNEUR DIABETIQUE
Le glucose est indispensable à notre vie. En effet sous l’action de l’insuline, il pénètre dans nos cellules où il va servir à fabriquer de l’énergie nécessaire à la vie (ATP). Lorsque vous mangez, tout le glucose n’est pas utilisé immédiatement : une partie est stockée, essentiellement dans le foie, sous forme de glycogène. Si vous jeûnez, la quantité de glucose circulant diminue, la production d’insuline aussi et, sous cette action, votre foie va commencer à libérer ses réserves. Mais les réserves hépatiques ne sont pas infinies et ne permettent de couvrir qu’environ 24 heures de jeûne. Après ces 24 heures, d’autres mécanismes se mettent en marche : du glucose peut ainsi être fabriqué à partir des protéines (muscles) ou des acides gras (tissu graisseux).
Ainsi, la production de glucose va se poursuivre jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de substrat… Si le jeûne se poursuit trop longtemps, ces phénomènes adaptatifs vont être dépassés, la production d’ATP deviendra insuffisante et les conséquences vont se faire sentir… La production hépatique de glucose est altérée lorsque vous êtes diabétique, la sécrétion d’insuline n’est pas non plus normale, et vous pouvez parfois prendre des médicaments qui la stimulent : tout ceci peut entraîner des conséquences
beaucoup plus rapidement délétères en cas de jeûne.
III. Consultation ou Visite pré-Ramadan
Tout diabétique qui désire jeûner doit bénéficier d’une consultation pré-Ramadan. Une évaluation préalable avant le Ramadan doit idéalement avoir lieu 6 à 8 semaines avant le début du ramadan. Lors de la visite, les soignants pourront évaluer et stratifier les risques qu’encourent le diabétique en cas de jeûne. Cette évaluation se base sur les recommandations Internationales.
Elles comprennent des conseils sur la sécurité du jeûne (scores de risque faible ou modéré ou élevé), des conseils pour adapter le traitement, une éducation axée sur le ramadan et des conseils en matière de nutrition. Par la suite, les personnes qui décident de jeûner devront être accompagner et suivre des directives sur la gestion de leur diabète pendant le Ramadan et des modifications du taux de leur sucre sanguin (glycémie).
Enfin, après la fin du ramadan, il est conseillé d’effectuer un suivi post-ramadan. Un suivi après le ramadan aidera les soignants à obtenir des renseignements cruciaux sur les succès des prochains Ramadans.
IV. BIENFAITS DU RAMADAN SUR LE DIABETIQUE
? Améliore le poids
Une évaluation récente de 70 études a examiné certains des changements physiques qui peuvent survenir à la suite du jeûne pendant le ramadan. On a constaté que le poids était significativement réduit après le ramadan et cet effet a également été observé chez différents sous-groupes de l’indice de masse corporelle (normal, en surpoids et obèses).
? Favorise la libération des hormones
Lors du Ramadan des études montrent que le corps s'adapte en modifiant les niveaux d'hormones afin de rendre les graisses corporelles stockées plus accessibles et d'initier des processus de réparation. Le Ramadan chez le diabétique augmente la libération des hormones de satiété et réduit la libération des hormones de l’appétit.
? La glycémie
Le Ramadan améliore le profil glycémique des diabétiques. Les études montrent plus les glycémies étaient élevées avant le jeûne meilleur sera leur glycémie après le Ramadan.
V. COMPLICATIONS CHEZ LE JEUNEUR DIABETIQUE
? Hypoglycémie (diminution du taux de sucre sanguin) : en particulier pendant la période de jeûne tardif avant l'Iftar ;
? Hyperglycémie (augmentation du taux de sucre sanguin) sévère : après chacun des principaux repas ; l’incidence de l’hyperglycémie sévère nécessitant une hospitalisation est 5 fois plus élevée chez le type 2 et 3 fois plus élevée chez le type 1.
? Déshydratation et Thrombose (obstruction vaisseaux sanguins) : La déshydratation liée à la limitation des apports liquidiens, surtout si le jeûne est prolongé, peut être sévère par excès de transpiration en climat chaud et humide et chez les patients exerçant un travail physique dur et pénible et dans toutes les conditions de transpirations importantes. L’augmentation de la viscosité sanguine
secondaire à la déshydratation augmente le risque de thrombose et d’AVC.
? Prise de poids : peut-être importante due à une augmentation de l'apport calorique et à une réduction de l'activité physique ;
VI. CONSEILS HYGIENO-DIETETIQUE POUR LE JEUNEUR DIABETIQUE
? Activité physique et Ramadan
Il est conseillé de maintenir un niveau d’activité raisonnable pendant le jeûne du ramadan, en évitant les activités intenses dans les heures précédant le coucher du soleil. Faire une activité physique adaptée après la rupture du jeûne en assurant un apport hydrique suffisant. Les prières multiples de tarawikh (Nafilas) seront comptabilisées dans l’activité physique. Privilégier la marche ; le yoga ; la gym douce….
? Plan Nutritionnel du Ramadan pour le diabétique
1. La consommation d’une quantité adéquate de calories quotidiennes. Les calories doivent être réparties entre le Suhoor (kheud) et l’Iftar (Ndogou), et 1 à 2 collations saines peuvent également être consommées si nécessaire.
2. Les repas doivent être bien équilibrés, avec des glucides totaux comprenant environ 40 à 50 % et de préférence d’une source de faible IG (index glycémique) ; la teneur en protéines (légumineuses, poisson, volaille ou viande maigre) doit représenter 20 à 30 % ; et les graisses doivent comprendre 30 à 35 %. (avec des graisses mono et polyinsaturées de préférence).
3. La méthode de « l’assiette du ramadan » devrait être utilisée pour concevoir les repas (voir les figures suivantes).
4. Les desserts à forte teneur en sucre devraient être évités après l’iftar et entre les repas. Une quantité modérée de dessert sain est autorisée, par exemple un morceau de fruit.
5. Les glucides à faible indice d’IG devraient être choisis, en particulier ceux qui sont riches en fibres (de préférence les grains entiers). La consommation de glucides provenant des légumes (cuits et crus), des fruits entiers, du yogourt, du lait et des produits laitiers est encouragée. La consommation de glucides provenant du sucre et des céréales hautement transformées (farine de blé et amidon comme le maïs, le riz blanc et les pommes de terre) devrait être évitée ou réduite au minimum.
6. Il est essentiel de maintenir un niveau d’hydratation (1,5l/jr) adéquat en buvant suffisamment d’eau et de boissons non sucrées aux deux repas principaux ou entre les deux, et il faut l’encourager (on peut consommer des boissons diététiques). Il faut éviter les boissons sucrées, les sirops, les jus en conserve ou les jus frais avec sucre ajouté. La consommation de boissons caféinées (café, thé ainsi que les boissons au cola) doivent être minimisées.
7. Prenez Suhoor (kheud) aussi tard que possible, surtout si vous jeûnez pendant plus de 10 heures.
8. Consommez une quantité adéquate de protéines et de matières grasses chez Suhoor (kheud), car ils sont plus satiétogène.
9. L’iftar doit commencer par beaucoup d’eau pour surmonter la déshydratation du jeûne, et 1 à 3 petites dattes séchées ou fraîches pour augmenter les niveaux de glucose dans le sang.
10. Si nécessaire, une collation plus saine comme un fruit, une poignée de noix ou des légumes peut être consommée entre les repas. Certains individus peuvent avoir un goûter (goûter d’iftar) pour rompre leur jeûne, suivi de la prière du Maghrib, puis manger le repas d’iftar plus tard dans la soirée.
? Surveillance fréquente des glycémies
L’autosurveillance glycémique (ASG) est essentielle pour les patients à haut risque qui choisissent de jeûner et il convient de souligner que les tests n’invalident pas le jeûne religieux. L’ASG doit être pratiquée plusieurs fois par jour et surtout lorsque des symptômes d’hypoglycémie ou de maladie aiguë se manifestent.
? Quand interrompre le jeûne
Le jeûne doit être rompu en cas de signes d’hypoglycémie et si la glycémie est inférieure à 0,7 g/l ou supérieure à 3g/l.
VII. CONCLUSION
Les diabétiques peuvent observer le Ramadan à condition d’être accompagné par un personnel médical averti. La consultation pré-Ramadan est primordiale où une éducation thérapeutique sera dispensée en vue d’un Ramadan sécurisé.
Dr Ly Abdoul Aziz
Endocrinologue Diabétologue Nutritionniste
Spécialiste des Maladies Métaboliques
Médecine Interne Hôpital Tivaouane
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