Une étude danoise, d’une ampleur peu courante dans le domaine de la santé mentale, montre que la prise d’une contraception hormonale est associée à un risque potentiel de dépression. Explications…
Le big data au service de la santé mentale des femmes. Une nouvelle étude, d’une ampleur massive, montre que la contraception hormonale pourrait favoriser le déclenchement d’une dépression, plus particulièrement chez les adolescentes. Pour mener à bien leurs conclusions, publiées le 28 septembre dans la prestigieuse revueJAMA Psychiatry, les chercheuses de l’université de Copenhague se sont penchées sur les données du registre national de l’équivalent danois de l’Assurance maladie.
«C’est l’une des grandes puissances de cette étude de prospective: pour la première fois, des femmes ont été suivies dans le temps», note pour L’Express Guillaume Fond, psychiatre, enseignant et chercheur à l’Inserm.
Les risques de dépression augmentent
Plus d’un million de Danoises sans diagnostic préalable de dépression, âgées de 18 à 34 ans, ont été suivies de 2000 à 2013. Parmi elles, un peu plus de la moitié (55%) étaient sous contraceptif hormonal. Les chercheuses ont observé que sur ces 550 000 femmes, plus de 133 000 se sont fait prescrire des antidépresseurs, et 23 000 ont été diagnostiquées dépressives à l’hôpital.
Après analyse, les chercheuses ont observé que la prise de pilules oestroprogestatives (combinées) multiplie le risque de prise d’antidépresseurs par 1,23 et celui de se voir diagnostiquer une dépression par 1,1. Avec une pilule progestative pure (une seule hormone), ce risque s’accroît: multiplié par 1,3 pour la prise d’antidépresseurs et par 1,2 pour un diagnostic de dépression.
Les adolescentes plus vulnérables
«On a pour la première fois la preuve, de grande qualité, que les contraceptions hormonales augmentent le risque de dépression», observe Guillaume Fond, qui travaille sur les liens entre immuno-inflammation, hormones et maladies mentales. «C’est un effet secondaire à ajouter à la liste», ajoute-t-il.
Deuxième enseignement de cette étude: les adolescentes sont encore plus vulnérables. Pour les jeunes filles âgées de 15 à 19 ans qui prennent la pilule oestroprogestative, le risque de se faire prescrire des antidépresseurs est multiplié par 1,8 et celui de souffrir de dépression l’est par 1,7. Pire: en cas de prise de pilule progestative, ces chiffres grimpent respectivement à 2,2 et à 1,9.
Attention aux patchs, stérilets et anneaux
«Il faut renforcer le dépistage de l’apparition de symptômes dépressifs chez les adolescentes», plaide Guillaume Fond, qui note que le risque est proportionnel au dosage des pilules. Il ajoute: «Le pic de risque intervient six mois après la première prise. Il faudrait proposer un suivi systématique des symptômes dépressifs, dans les mois qui suivent l’apparition d’une contraception».
Enfin, dernière conclusion notable, l’utilisation d’un stérilet, d’un anneau vaginal ou d’un patch contraceptif présente des risques plus élevés que la prise d’une simple pilule. La probabilité de prendre des antidépresseurs est multipliée par 1,1 pour le stérilet, 1,5 pour l’anneau et par 2,1 pour le patch, quand celle d’être dépressive l’est par 1,4 (stérilet), 1,5 (anneau) ou encore 1,7 (patch).
La majorité des femmes sous pilule n’ont pas de problème
Pour Guillaume Fond, par ailleurs membre de la Fondation FondaMental, dédiée à la recherche et aux soins en santé mentale, cette étude doit interpeller les généralistes qui prescrivent des contraceptions hormonales, tout comme les psychiatres amenés à traiter des dépressions. «Ils doivent avoir le réflexe de demander systématiquement aux femmes si elles prennent une contraception hormonale», insiste-t-il.
Aussi, «le risque de déclarer une dépression doit être mentionné comme un potentiel effet secondaire de la pilule», plaide le chercheur. Avant de rappeler qu’il ne s’agit toutefois que d’un risque relatif: «La majorité des femmes qui prennent la pilule ne sombrent pas dans la dépression parce qu’elles la prennent», tient-il à nuancer.
De leur côté, l’équipe de chercheuses de l’université de Copenhague propose de mener de nouvelles études pour apporter une confirmation ferme à leurs conclusions préliminaires. Des recherches que seuls les pouvoirs publics doivent financer, mettent-elles en garde, car les laboratoires pharmaceutiques, qui fabriquent les pilules, ont évidemment beaucoup à perdre.
avec l’Express.fr
1 Commentaires
Anonyme
En Octobre, 2016 (23:15 PM)Participer à la Discussion