L’évaluation de la réforme hospitalière de 1998, la situation précaire des agents de santé communautaire, le dossier de l’armée des diplômés de la santé dans la rue, le retard dans l’application de la loi d’orientation sociale. Ce sont là les épineuses questions de l’heure qui gangrènent le secteur de la santé. Le secrétaire général du Sutsas (syndicat unique des travailleurs de la santé et de l’action sociale), Mballo Dia Thiam dont l’organisation fête ses 30 ans revient, ici, sur ces sujet d’actualité tout en révélant que la couverture médicale tant chantée ne signifie nullement, la gratuité des soins.
La situation du secteur de la Santé de manière générale présente de temps en temps, des remous. Pouvez-vous nous faire l’état des lieux ?
Sur la situation syndicale, nous sortons d’un congrès qui a consacré ma réélection pour un autre mandat de trois ans et j’en profite pour remercier tous les camarades et tous ceux qui, de près ou de loin, ont contribué à l’organisation de ce congrès. Ce congrès a coïncidé avec les 30 ans du Sutsas. Feu Bakhaw Seck, qui est le père fondateur, tout comme Eva Marie Colle Seck, ont été les figures de proue de la manifestation. Nous avons agité la question de la couverture médicale universelle qui est une préoccupation du gouvernement, et aussi le socle de protection sociale. Nous avons mixé les deux en disant que la couverture médicale universelle est un des leviers du socle de protection sociale parce que le socle va au-delà de la couverture. Mais il faut remarquer que la couverture médicale universelle n’est pas l’affaire seulement du ministère de la Santé. Tout comme le socle n’est pas l’affaire du ministère de la Fonction publique. Nous avons joué notre partition parce qu’en tant que syndicat, on a une orientation de développement qui a tout le temps lutté pour une accessibilité démographique. Si un gouvernement nous parle de couverture médicale universelle, on dit tant mieux. Mais maintenant, que cela ne soit pas seulement un slogan, mais qu’on puisse y mettre un contenu pour que le tout monde, et à n’importe quel moment, puisse accéder à des soins de qualité. La question de l’urgence et de l’indigence sont des questions prégnantes et constituent le ventre de la réforme hospitalière de 1998. Pour les prochaines étapes, nous avons à consolider les acquis obtenus. Mais il ne reste que le relèvement de niveau au bac pour les infirmiers d’Etats et les sages femmes, nous devons faire en sorte que l’harmonisation se fasse dans les meilleurs délais, encore que la première cohorte vient de sortir en 2002. Il faut aussi qu’on puisse régler la question des techniciens supérieurs de la santé. Ils méritent la maîtrise et on devrait changer les curricula. Nous saluons aussi le statut des travailleurs sortant d’ENDSS. Aujourd’hui, ils accèdent à un statut reconnu. Nous veillerons à ce que ces écoles de formation paramédicale et sociale soient regroupées. L’information sociale doit être l’objet d’une seule école. C’est un peu inconvenant qu’à l’ENDSS, on forme des travailleurs sociaux et qu’en face, on en forme d’autres. Les premiers étant formés dans une filière d’assistance sociale et les autres travaillants dans l’intervention sociale. Et aujourd’hui, il est plus question d’intervention sociale que d’assistance sociale. Nous travaillerons à ce que la carte d’égalité des sens soit une réalité. La loi d’orientation sociale consacre beaucoup de privilèges aux personnes handicapées, notamment en termes de paquet de soins, un pourcentage d’emplois consacré. Un fond discriminatoire pour que les projets bancables des handicapés soient financés car la logique, c’est aussi l’autonomisation des cibles. Si un handicapé dispose d’un paquet de soins, en contrepartie, il faut qu’il y ait un tiers payant au lieu que ça soit l’épisode du plan sésame.
Le cas des agents communautaires de santé n’a toujours pas de solution. Que prévoit le Sutsas ?
Nous avons aussi des chantiers sur les agents de santé communautaire, un atelier de partage, en partenariat avec le ministère de la Santé, s’est tenu. Mais nous voulons que cette question soit traitée au plan régional pour qu’au niveau de chaque région, on sache le nombre d’agents de santé communautaire qui sont dans les postes de santé et pour qu’on puisse leur donner un statut, qu’on puisse les recruter et qu’on les paye. On ne peut pas continuer à les précariser avec 5 000 F CFA par mois. Ce chantier sera à côté de l’érection de centres de santé en hôpitaux de niveau un. L’ancien régime avait au moins sélectionné dix qui faisaient de la médecine, la chirurgie et de l’obstétrique. On a eu la première génération d’hôpitaux de niveau un. Nous devons disposer d’une deuxième génération pour qu’à terme, les soins soient disponibles. Les régions médicales devaient être transformées en directions régionales de la santé. Pourquoi ce changement de paradigme qui met la santé en devant de la maladie. Donc derrière, il faudrait qu’on accule le gouvernement pour que ces directions aient une existence réelle. Nous avons aussi d’autres chantiers qui concernent le plan de développement sanitaire et social et les recommandations des assises sociales. On devrait disposer d’une loi d’orientation familiale. C’est la famille qui est déloqué, si on voit les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Les parents ont plus ou moins démissionné avec l’apport des cultures étrangères. Nous ne reconnaissons plus nos enfants. Si on ne travaille pas sur une loi d’orientation familiale, les dégâts continueront de plus bel. Il est question de renforcer la cellule familiale.
Est-ce-que vous ne craignez pas que la couverture universelle achève les hôpitaux, compte tenu de l’expérience du plan sésame ?
Non, au contraire, parce que la couverture médicale est qu’au niveau de chaque structure, il y ait les paquets de soins nécessaires en termes de prévention ou de soins, de la case de santé à l’hôpital. Cela ne signifie pas une gratuité des soins il faut qu’il y ait une participation mais que la participation ne soit pas le principal. Cela signifie aussi une augmentation du budget de la santé, il y a une légère hausse de 13 milliards de F CFA, mais la projection était d’arriver à 15% au moins. Cela vaut dire aussi qu’il faut trouver d’autres sources de financement du budget de la santé. Heureusement que les partenaires nous aident. Les collectivités locales doivent également faire preuve de plus d’imagination. Mais on assiste à des coupes de fonds de dotation qui ne sont pas suffisants. Il faut qu’elles sachent que la santé et l’action sociale sont des compétences transférées. La couverture médicale, c’est faire en sorte que les soins disponibles soient dans une perspective permanente et en qualité. C’est des soins de qualité 24 heures sur 24. Sous ce rapport, les hôpitaux doivent avoir davantage de dotation pour faire face parce qu’un hôpital est un hôtel médicalisé. Il doit y avoir tout le confort d’un hôtel. Mais aujourd’hui, en dehors de l’hôpital principal et celui de Saint-Louis, ailleurs, c’est le plus grand désert. Nous devons avoir un budget consolidé d’investissement mais apurer la dette hospitalière. Le gouvernement a fait récemment quelques efforts mais il reste à faire parce qu’on ne peut pas parler de couverture médicale universelle avec des hôpitaux endettés. Un conseil interministériel a été promis par le gouvernement. On attend de voir tout comme aussi le statut. Le directeur de l’hôpital n’a pas un statut parce qu’il négocie son salaire avec le conseil d’administration. Le président du conseil d’administration n’a absolument rien. C’est là où les gens ne se bousculent pas.
Pour le plan de développement des ressources humaines, le président a promis 5 500 emplois et nous pensons que la santé sera la priorité. Il y a une armée de contractuels qui attend d’être intégrée. On ne peut continuer à disposer d’eux en violant même des lois de l’Etat. L’hôpital ‘’Dalal Diam’’ est là, un autre pédiatrique, l’hôpital de Matam, on ne connaît pas son statut. A ‘’Dalal Diam’’ il y a des problèmes de ressources humaines mais aussi d’équipement. C’est un problème de management général, à savoir qui doit être où et à quelle place. Ce sont là des attentes du Sutsas.
Les assises de l’action sociale avaient des conclusions qui doivent être appliquées, il y a plus de mode opératoire que d’actions. Pour la santé, il y avait aussi des assises nationales sous Wade. Des recommandations ont connu une application, mais d’autre n’ont pas connu d’évolution. Au lieu de reprendre, il est question d’aller vers ce qui n’a été réalisé. Voilà en gros ce que nous attendons de ce gouvernement. Maintenant, deux trimestres de motivation n’ont pas été payés. Le 15 janvier est une échéance et nous invitons le gouvernement à respecter cela. La motivation constitue une partie du salaire et nous attendons l’Etat de pied ferme sur la question.
Pouvez-vous revenir sur la situation des sortants de l’ENDSS qui manifestent tous les vendredis ?
Cela nous inspire quelques réflexions. Dans le mémorandum, il est dit qu’il faut respecter les textes pour que les préparateurs en pharmacie et les autres filières puissent connaître le relèvement de niveau au bac. Les sortants de cette école doivent, je pense, constituer la priorité du recrutement. Mais nous sommes en face d’une situation difficile parce que l’automaticité du recrutement dans la fonction publique n’est plus garantie car la formation est libéralisée. Il y a aussi une certification qui met au même niveau tous les candidats ; de ce fait, il y a plus de diplômes d’écoles et les sortants de l’ENDSS se trompent souvent. Dans le temps, l’ENDSS offrait un diplôme d’Etat et un diplôme d’école. Aujourd’hui, avec la libéralisation de la formation, ce n’est plus un diplôme d’école mais celui d’Etat et tous les candidats qui sont dans les mêmes conditions de certification participent à l’examen de sortie, donc doivent être traités au même titre. Mais l’Etat aussi n’a plus le devoir, par rapport à cette armée de chômeurs diplômés, d’hésiter sur le recrutement et le plan de développement en ressources humaines doit servir à cela. On a des structures qui sont là, et qui ont besoin de personnel. Les orientations seront axées sur la question du recrutement et éviter de continuer la précarisation. La question des handicapés mérite davantage de traitement, la loi est votée depuis 2009 mais, jusqu’à présent, les arrêtés d’application tardent à sortir. Il faut encore des efforts parce que cette couche mérite plus d’attention.
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En Janvier, 2013 (09:14 AM)Soins 4
En Janvier, 2013 (22:10 PM)Nay Leer
En Octobre, 2013 (11:20 AM)Participer à la Discussion