Mettre 10 milliards pour des blouses et le même montant pour des uniformes, avec un effectif plus élevé. En voilà une des nombreuses incohérences du programme de tenues scolaires.
Le gouvernement a prévu de doter les écoles de tenues scolaires pour un budget de 30 milliards en raison de 10 milliards par an. Pour l’instant, la décision fait polémique et le ministère de l’Education nationale persiste dans sa décision. Pourtant, à y voir de plus près, il y a beaucoup d’incohérences dans ce programme.
D’abord sur le plan budgétaire. Le gouvernement prévoit le même montant à savoir 10 milliards chaque année. Or, non seulement l’effectif monte d’année en année, mais aussi on passe d’un article (blouse) à un autre (uniforme) beaucoup plus cher.
Pour la première année, l’Etat prévoit de donner des blouses à tous les élèves du préscolaire. Au primaire, les garçons ont droit à deux chemises et les filles à deux blouses. Montant prévu pour cela, 10 milliards. Rapportés aux 2 010 482 élèves, cela fait environ 5 000 F par élève. En raison de deux tenues par élève, cela fait 2 500 F Cfa par blouse.
La deuxième année, le programme passe intégralement aux uniformes, c’est-à-dire pantalon ou jupe, plus chemise. Sans compter des piles qu’il faut éventuellement prévoir en période de fraîcheur. Là aussi, le budget est de 10 milliards. L’uniforme va donc coûter en moyenne 2 500 F par unité.
A ce niveau, une question se pose : comment une blouse et un uniforme peuvent coûter le même prix ? Soit le prix d’une blouse est exagéré, soit le prix d’un uniforme est sous-estimé. A l’évidence, la prévision budgétaire fait défaut à la première ou à la deuxième année.
A la troisième année, le programme est élargi au moyen (collège), toujours avec le même montant. Autrement dit, l’Etat va y ajouter un million de collégiens à la troisième année du programme, sans augmenter le budget initial. Il y a forcément erreur quelque part !
Le montant de la blouse supérieur au budget de fonctionnement
Autre incohérence du programme, son aboutissement. A l’heure actuelle, l’uniforme est une pratique très répandue en milieu scolaire. « Les parents d’élèves et les collectivités locales se sont organisés, la majeure partie des établissements ont des tenues », constate Gounia Niang, coordonnateur du G20.
Le ministère de l’Education en est conscient. C’est pourquoi d’ailleurs, il préfère partir des acquis dans le cycle secondaire et le privé. « Pour le moyen-secondaire, les pratiques en cours seront consolidées en vue de bénéficier de l’accompagnement de l’État dans une seconde phase», souligne le programme qui fait obligation au privé de poursuivre ce qui se fait présentement pour une généralisation de la tenue à la rentrée 2023-2024.
Paradoxalement, pour le préscolaire et le primaire, l’Etat a choisi d’interrompre la dynamique actuelle pour tout prendre en charge. Ce que d’aucuns ne comprennent pas. « L’Etat n’avait pas besoin de se substituer à ces acteurs de l’école. Pour nous, c’est même de la provocation », fulmine Gounia Niang.
Et après 3 ans, le gouvernement va retirer entièrement pour demander aux parents et aux établissements de se débrouiller, avec l’accompagnement hypothétique des collectivités locales et des entreprises, à travers la Rse.
L’Etat déclare même que c’est la phase (4) qui assure la soutenabilité financière du programme, sa pérennisation et la consolidation de la place de l’artisanat dans le dispositif.
« C’est comme si les parents qui n’ont pas de moyens en 2021 auront de quoi acheter les tenues à partir de 2024 », ironise un interlocuteur qui se demande ce qui sera fait entre-temps pour justifier un tel optimisme.
Années électorales, tenues marron-beige
Quant au secrétaire général de l’Uden, il n’y croit pas du tout. Il anticipe même sur les résultats. « Combien de fois l’Etat a donné des garanties sur des projets et au finish, on voit un décalage par rapport aux projections. On va perdre de l’argent et après 3 ans, on va se rendre compte que ce n’est pas porteur », prédit Abdourahmane Guèye.
Cette décision de l’Etat interroge également le choix des autorités en matière de priorité. Certes, l’Etat a réservé 541 milliards cette année à l’Education, ce qui fait 26% du budget. Cependant, les établissements scolaires reçoivent une somme modique pour leur fonctionnement.
Du temps où il était ministre de l’Education nationale, Serigne Mbaye Thiam avait déclaré que le budget annuel par élève était de 3 500 F Cfa. Un chiffre contesté, au vu des budgets alloués aux établissements rapportés aux nombre d’élèves. Certains estiment que le montant ne dépasse guère 1 000 F par élève.
Quoi qu’il en soit, il est incohérent de prévoir 3 500 F Cfa (ou 1000 F) par élève pour le fonctionnement d’un établissement et mettre 5 000 par élève uniquement pour la tenue scolaire. Sachant que l’uniforme est certes un des déterminants, mais certainement pas le plus important.
Outre les questions purement techniques, il y a le timing. Le projet s’étale de 2021 à 2023. « Ça coïncide bizarrement avec les 3 années électorales : locales, législatives et présidentielles », souligne un acteur de l’école.
En plus, parmi les 5 couleurs de base choisies par le ministère de l’Education nationale, il y a celles du parti présidentiel : le marron et le beige. Comme ça été le cas avec les bus de la société de transport public, Dakar Dem Dikk. « Je ne vais pas dire que c’est politique comme le font certains, mais il y a lieu de s’inquiéter par rapport aux priorités du gouvernement », nuance Abdourahmane Guèye de l’Uden.
L’Artisanat, le bienfaiteur ?
Pour Gounia Niang par contre, il n’y a pas de doute sur les calculs politiciens. De son point de vue, quand on prend une telle décision, on s’attend à un impact auprès des parents d’élèves ‘’qui sont des électeurs’’. « C’est de la démagogie. On ne peut pas prendre 30 milliards pour des questions d’opportunisme politique », se désole-t-il.
Il y a lieu de se demander également pourquoi le ministère de l’Education n’a pas appelé les partenaires sociaux à la concertation, alors que c’était le cas pour la gestion de Covid-19 et le recrutement des 5 000 enseignants, même si il y a eu désaccord à ce niveau. « Si c’était un projet bien ficelé, il se devait de partager ça avec toute la famille éducative », relève Abdourahmane Guèye.
Par ailleurs, le ministère de l’Artisanat, à travers le coordonnateur du projet, précise sur Seneweb que l’enveloppe de 30 milliards ne fait pas partie du budget de l’Education et que ce secteur n’est qu’un bénéficiaire. A ce niveau, il y a lieu de souligner que le document mentionne clairement qu’au-delà des élèves, cibles principales, « les artisans et les parents seront des bénéficiaires indirects du programme ».
En plus, le programme est piloté par le ministère de l’Education qui est en partenariat avec les autres démembrements de l’Etat. La preuve : le ministre de l’Education nationale Mamadou Talla est le président du comité de pilotage et son collègue de l’artisanat assure la vice-présidence. C’est dire donc que l’Education n’est pas qu’un simple bénéficiaire qui doit se contenter de remercier son bienfaiteur, l’Artisanat.
Le gouvernement a prévu de doter les écoles de tenues scolaires pour un budget de 30 milliards en raison de 10 milliards par an. Pour l’instant, la décision fait polémique et le ministère de l’Education nationale persiste dans sa décision. Pourtant, à y voir de plus près, il y a beaucoup d’incohérences dans ce programme.
D’abord sur le plan budgétaire. Le gouvernement prévoit le même montant à savoir 10 milliards chaque année. Or, non seulement l’effectif monte d’année en année, mais aussi on passe d’un article (blouse) à un autre (uniforme) beaucoup plus cher.
Pour la première année, l’Etat prévoit de donner des blouses à tous les élèves du préscolaire. Au primaire, les garçons ont droit à deux chemises et les filles à deux blouses. Montant prévu pour cela, 10 milliards. Rapportés aux 2 010 482 élèves, cela fait environ 5 000 F par élève. En raison de deux tenues par élève, cela fait 2 500 F Cfa par blouse.
La deuxième année, le programme passe intégralement aux uniformes, c’est-à-dire pantalon ou jupe, plus chemise. Sans compter des piles qu’il faut éventuellement prévoir en période de fraîcheur. Là aussi, le budget est de 10 milliards. L’uniforme va donc coûter en moyenne 2 500 F par unité.
A ce niveau, une question se pose : comment une blouse et un uniforme peuvent coûter le même prix ? Soit le prix d’une blouse est exagéré, soit le prix d’un uniforme est sous-estimé. A l’évidence, la prévision budgétaire fait défaut à la première ou à la deuxième année.
A la troisième année, le programme est élargi au moyen (collège), toujours avec le même montant. Autrement dit, l’Etat va y ajouter un million de collégiens à la troisième année du programme, sans augmenter le budget initial. Il y a forcément erreur quelque part !
Le montant de la blouse supérieur au budget de fonctionnement
Autre incohérence du programme, son aboutissement. A l’heure actuelle, l’uniforme est une pratique très répandue en milieu scolaire. « Les parents d’élèves et les collectivités locales se sont organisés, la majeure partie des établissements ont des tenues », constate Gounia Niang, coordonnateur du G20.
Le ministère de l’Education en est conscient. C’est pourquoi d’ailleurs, il préfère partir des acquis dans le cycle secondaire et le privé. « Pour le moyen-secondaire, les pratiques en cours seront consolidées en vue de bénéficier de l’accompagnement de l’État dans une seconde phase», souligne le programme qui fait obligation au privé de poursuivre ce qui se fait présentement pour une généralisation de la tenue à la rentrée 2023-2024.
Paradoxalement, pour le préscolaire et le primaire, l’Etat a choisi d’interrompre la dynamique actuelle pour tout prendre en charge. Ce que d’aucuns ne comprennent pas. « L’Etat n’avait pas besoin de se substituer à ces acteurs de l’école. Pour nous, c’est même de la provocation », fulmine Gounia Niang.
Et après 3 ans, le gouvernement va retirer entièrement pour demander aux parents et aux établissements de se débrouiller, avec l’accompagnement hypothétique des collectivités locales et des entreprises, à travers la Rse.
L’Etat déclare même que c’est la phase (4) qui assure la soutenabilité financière du programme, sa pérennisation et la consolidation de la place de l’artisanat dans le dispositif.
« C’est comme si les parents qui n’ont pas de moyens en 2021 auront de quoi acheter les tenues à partir de 2024 », ironise un interlocuteur qui se demande ce qui sera fait entre-temps pour justifier un tel optimisme.
Années électorales, tenues marron-beige
Quant au secrétaire général de l’Uden, il n’y croit pas du tout. Il anticipe même sur les résultats. « Combien de fois l’Etat a donné des garanties sur des projets et au finish, on voit un décalage par rapport aux projections. On va perdre de l’argent et après 3 ans, on va se rendre compte que ce n’est pas porteur », prédit Abdourahmane Guèye.
Cette décision de l’Etat interroge également le choix des autorités en matière de priorité. Certes, l’Etat a réservé 541 milliards cette année à l’Education, ce qui fait 26% du budget. Cependant, les établissements scolaires reçoivent une somme modique pour leur fonctionnement.
Du temps où il était ministre de l’Education nationale, Serigne Mbaye Thiam avait déclaré que le budget annuel par élève était de 3 500 F Cfa. Un chiffre contesté, au vu des budgets alloués aux établissements rapportés aux nombre d’élèves. Certains estiment que le montant ne dépasse guère 1 000 F par élève.
Quoi qu’il en soit, il est incohérent de prévoir 3 500 F Cfa (ou 1000 F) par élève pour le fonctionnement d’un établissement et mettre 5 000 par élève uniquement pour la tenue scolaire. Sachant que l’uniforme est certes un des déterminants, mais certainement pas le plus important.
Outre les questions purement techniques, il y a le timing. Le projet s’étale de 2021 à 2023. « Ça coïncide bizarrement avec les 3 années électorales : locales, législatives et présidentielles », souligne un acteur de l’école.
En plus, parmi les 5 couleurs de base choisies par le ministère de l’Education nationale, il y a celles du parti présidentiel : le marron et le beige. Comme ça été le cas avec les bus de la société de transport public, Dakar Dem Dikk. « Je ne vais pas dire que c’est politique comme le font certains, mais il y a lieu de s’inquiéter par rapport aux priorités du gouvernement », nuance Abdourahmane Guèye de l’Uden.
L’Artisanat, le bienfaiteur ?
Pour Gounia Niang par contre, il n’y a pas de doute sur les calculs politiciens. De son point de vue, quand on prend une telle décision, on s’attend à un impact auprès des parents d’élèves ‘’qui sont des électeurs’’. « C’est de la démagogie. On ne peut pas prendre 30 milliards pour des questions d’opportunisme politique », se désole-t-il.
Il y a lieu de se demander également pourquoi le ministère de l’Education n’a pas appelé les partenaires sociaux à la concertation, alors que c’était le cas pour la gestion de Covid-19 et le recrutement des 5 000 enseignants, même si il y a eu désaccord à ce niveau. « Si c’était un projet bien ficelé, il se devait de partager ça avec toute la famille éducative », relève Abdourahmane Guèye.
Par ailleurs, le ministère de l’Artisanat, à travers le coordonnateur du projet, précise sur Seneweb que l’enveloppe de 30 milliards ne fait pas partie du budget de l’Education et que ce secteur n’est qu’un bénéficiaire. A ce niveau, il y a lieu de souligner que le document mentionne clairement qu’au-delà des élèves, cibles principales, « les artisans et les parents seront des bénéficiaires indirects du programme ».
En plus, le programme est piloté par le ministère de l’Education qui est en partenariat avec les autres démembrements de l’Etat. La preuve : le ministre de l’Education nationale Mamadou Talla est le président du comité de pilotage et son collègue de l’artisanat assure la vice-présidence. C’est dire donc que l’Education n’est pas qu’un simple bénéficiaire qui doit se contenter de remercier son bienfaiteur, l’Artisanat.
12 Commentaires
Sénégalais
En Août, 2021 (11:26 AM)Reply_author
En Août, 2021 (13:22 PM)Reply_author
En Août, 2021 (10:28 AM)Comment peux t-on imagoner doter aux éleves des blouses à hauteur de milliards alors que c'est même éleves sont encore dans des abris provisoirs? Je ne parle même du déficit de tables bancs et surtout enseignants?
Reply_author
En Août, 2021 (00:31 AM)Reply_author
En Août, 2021 (16:23 PM)Ici, le marché juteux est encore une source d'enrichissement honteuse !
Comme souligné dans un commentaire, tous ces milliards débloqués pour enrichir les mafieux étatiques seraient plus utiles pour financer les bâtiments scolaires en tôle ondulée et la gratuité des manuels scolaires .
on continue de marcher sur la tête dans ce pays de mafieux !
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En Août, 2021 (18:27 PM)Labadiare
En Août, 2021 (22:49 PM)Un tourqui ndiareme pour les hommes et une robe longue pour les filles conviendraient selon moi.
Quelle pertinence !!
Kgdsghvjnbcf
En Août, 2021 (04:40 AM)Baol Baol
En Août, 2021 (09:42 AM)En parlant de politique, vous voulez que rien ne bouge si cela doit être politisé, c'est fou alors qu'on est élu pour faire bouger les choses.
Les enseignants les éternels insatisfaits qui refusent que l'argent ne soit injecté ailleurs que pour leurs émoluments.
Encourageons cette initiative et souhaitons qu'elle aboutisse. La première et l'unique ressource de notre pays c'est sa jeunesse, faut payer le prix qu'il faut.
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