Alors que les colonels de la junte avaient prévu une première concertation pour la transition après le coup d'État du 18 août, ceux-ci ont reporté la rencontre à la dernière minute. Un premier échec sur fond de conflit avec le mouvement du 5-Juin, l'un des principaux artisans de la contestation contre le président Keïta pendant des mois.
La première concertation n'a finalement pas eu lieu. La transition promise par la junte qui a pris le pouvoir au Mali a tourné court, samedi 29 août, avant même d'être lancée, les relations virant à l'aigre entre les militaires et un acteur majeur de la crise.
Les colonels, qui ont déposé le président Ibrahim Boubacar Keïta le 18 août dernier, ont promis de rendre les clés aux civils au terme d'une transition d'une durée non fixée. Ceux-ci avaient convié les partis, les organisations de la société civile et d'anciens groupes rebelles à de premiers échanges, samedi matin. Mais ils n'avaient pas invité en tant que tel le mouvement dit du 5-Juin. Or, c'est cette coalition de chefs religieux et de membres de l'opposition et de la société civile qui a mené pendant des mois la contestation contre le président Keïta.
Cette mise à l'écart a provoqué la colère des leaders du mouvement, qui ont accusé la junte de chercher à "confisquer" le changement. La junte a donc annoncé à la dernière minute le report de la rencontre, invoquant "des raisons d'ordre organisationnel".
Double pression
Si les militaires passent pour avoir bénéficié après leur putsch d'un accueil plutôt favorable des Maliens, la transition qu'ils ont promise se fait attendre. Ils se retrouvent désormais sous la double pression d'un mouvement populaire, le M5, qui revendique d'avoir préparé la chute d'un gouvernement accusé d'inaptitude et de corruption, et des pays ouest-africains voisins.
Ces voisins ont maintenu, vendredi, la fermeture des frontières et l'embargo sur les échanges financiers et commerciaux. Ils lèveront ces sanctions progressivement en fonction des avancées accomplies vers le retour à l'ordre civil sous 12 mois.
Samedi devait marquer le début des concertations sur "l'architecture même de la transition", disait vendredi soir le porte-parole de la junte, le colonel Ismaël Wagué.
La junte confirme considérer son chef comme chef de l'État
Depuis le 18 août est posée la question du rôle qui sera imparti au Mouvement du 5-Juin. Ce dernier réclame qu'il soit à la mesure de celui qu'il a joué dans la mobilisation contre Ibrahim Boubacar Keïta. Or, il ne figurait pas nommément dans la liste des invités à la rencontre de samedi, même si certaines de ses composantes pouvaient se retrouver sous les intitulés généraux d'organisations de la société civile ou de partis d'opposition.
Les leaders du M5 n'ont donc pas mâché leurs mots. Avant même que la querelle n'éclate, l'imam Mahmoud Dicko, éminente personnalité publique et figure tutélaire du mouvement, avait accusé les militaires de se couper de ceux qui devraient être impliqués dans la transition, et les avait prévenus qu'ils n'auraient pas "carte blanche".
Son porte-parole, Issa Kaou Djim, a explicité ses propos après l'omission du M5 de la liste. L'imam "dit que les gens commencent à douter" de la junte, a-t-il dit, "une révolution ne peut pas être confisquée par un groupe de militaires". Il a ouvertement mis en garde contre une nouvelle mobilisation du M5.
Des interrogations sur les intentions réelles de la junte se sont aussi fait jour après la publication discrète, jeudi au Journal officiel, d'un acte censé avoir valeur constitutionnelle et faisant du chef de la junte le chef de l'État. Malgré les implications de cet acte, les militaires ne lui ont fait aucune publicité avant ou après. Le porte-parole de la junte a fini par confirmer, vendredi soir, que les colonels en assumaient la paternité.
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