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Afrique

Rwanda: la réconciliation 25 ans après le génocide

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Anniversaire du Génocide Rwandais

Un mince filet d'eau s'écoule au creux d'un vallon fertile, dans le centre du Rwanda. Pendant des années, deux villages ont vécu en harmonie autour de cette source. Avant que les tourments du génocide de 1994 ne bouleversent l'équilibre. Mais 25 ans après, les familles des tueurs et des victimes sont désormais réconciliées et la vie a repris comme autrefois autour de cette fontaine bordée de bananiers, manguiers et avocatiers, à environ 40 km à l'ouest de Kigali.

Une source découverte pendant la colonisation belge

Surplombée de maisons aux toits de tuiles crayeuses, éparpillées sur le coteau, la source a été découverte lors de la colonisation belge. Tirant son eau d'un marécage situé derrière l'une des collines environnantes, elle est depuis au centre de la vie des villages de Ruseke et Giheta. Les anciens se souviennent des causeries autour de la source, des files d'attente à la saison sèche quand les gens venaient parfois de loin pour y puiser, de l'entente fraternelle qui régnait entre les deux villages.

L'assassinat de Juvénal Habyarimana

Mais tout bascule le 6 avril 1994 avec l'assassinat du président rwandais hutu Juvénal Habyarimana, lequel déclenche le lendemain un génocide qui fera en à peine 100 jours, selon l'ONU, au moins 800.000 morts, essentiellement au sein de la minorité tutsi et des victimes parmi les communautés étrangères - dont 22 Belges. Le pays entier s'embrase dès le lendemain, avec l'assasinat de la Première ministre, Agathe Uwilingiyimana, une Hutu modérée et de dix Casques bleus belges - des commandos de Flawinne qu'ils étaient chargés de protéger.

L'assaut des Tutsi de Ruseke Excités par la propagande extrémiste, les gens de Giheta, très majoritairement hutu, partent à l'assaut des Tutsi de Ruseke, massacrant environ 70 personnes. "Ca a été une grande surprise pour nous, parce que ce sont des gens avec lesquels nous vivions dans la convivialité, avec lesquels nous partagions tout", se souvient Daphrosa Mukarubayiza, 57 ans, qui a perdu son époux et son fils. Suspicion Après ce drame, la suspicion va régner pendant des années. Les villageois des deux bords s'épient, s'évitent, et n'utilisent plus la source qu'à tour de rôle pour limiter les interactions.

Habitant de Giheta, Jean-Claude Mutarindwa, 42 ans, est l'un de ceux qui ont posé les premières pierres de la réconciliation. Il n'a pas pris part lui-même aux tueries, contrairement à ses frères aînés, ce qui a facilité sa démarche. La réconciliation Il a commencé à évoquer la réconciliation avec un de ses amis, un ancien soldat appelé Protogène. A l'Église, il a aussi participé à des actes apostoliques en commun avec des villageois de Ruseke, dont Daphrosa.

"Je me suis dit que puisque je faisais partie du village, j'avais le devoir de participer à cet acte d'amour, en leur demandant ce que nous pouvions faire pour eux afin qu'ils nous pardonnent. Mais la tâche était compliquée", reprend-il. "Musekeweya" Le populaire feuilleton radiophonique "Musekeweya" ("Aube nouvelle" en kinyarwanda, la langue nationale), qui depuis 2004 raconte le quotidien de deux villages fictifs, Bumanzi et Muhumuro, tentant de panser leurs plaies après des années de conflit, l'a aussi influencé.

C'est en 2005, quand la vérité autour des meurtres, des pillages et des biens détruits a été révélée devant les tribunaux populaires ("gacaca"), que les premiers gestes concrets de rapprochement ont eu lieu. "Demander pardon" Jean-Claude a convaincu ses voisins d'aider aux champs les habitants de Ruseke. Lentement les barrières sont tombées. "Demander pardon n'a pas du tout été facile: la première fois que nous avons traversé pour demander pardon, nous étions environ une centaine de personnes.

Dans nos rangs, les gens avaient peur". "Après que ceux qui n'avaient pas fait le déplacement nous ont vus rentrer sains et saufs, le nombre a presque doublé (...). En face, ceux qui avaient peur de nous recevoir étaient de plus en plus rassurés (...). Au troisième déplacement, dans mon village, personne n'est resté à la maison". La réconciliation a été actée lors d'une rencontre en public, suivie d'une grande fête, dans le centre de Ruseke.

Le village a accepté de faire grâce des 40 millions de francs rwandais de dommages pour les biens détruits auxquels Giheta avait été condamné par les gacaca. "Je me sentais disposée à pardonner, encouragée par les dirigeants, on nous apprenait le vivre ensemble (...). Dans un geste d'humanité, j'ai ainsi dit à Claude de demander aux siens de s'organiser et venir demander pardon", raconte Daphrosa. C'est elle qui a accordé le pardon au nom de Ruseke. Les enfants des deux villages ont su ce qui venait de se passer et ont été les premiers à se retrouver à la source, où la vie a vite repris son cours naturel.

Depuis, l'entraide est de mise. Les habitants de Giheta cultivent des champs pour ceux de Ruseke, où la population est plus âgée et surtout composée de veuves. Jean-Claude se réjouit de cette "unité" retrouvée et Daphrosa assure n'avoir "pas peur" quand elle va à Giheta. Mais tout le monde ne partage pas cet optimisme. Personne n'est jamais venu demander pardon à Josepha Mukaruzima, née en 1948, seule rescapée au sein de sa famille. Celle-ci s'est rangée au processus de réconciliation surtout pour ne pas être laissée à l'écart. "Je n'y pouvais rien, j'ai accepté ça. Que pouvais je faire d'autre? Je ne pouvais pas rester seule, sans parler à personne.

Nous ne pouvons pas accorder le pardon à ceux qui ne nous l'ont pas demandé", déplore-t-elle. "Reconnaître ses crimes uniquement devant les autorités, sans revenir demander pardon à sa victime, pensez-vous que cela soit suffisant? C'est loin d'être suffisant. Il manque beaucoup de choses, c'est superficiel". Après le génocide, le lent cheminement des ruraux vers le pardon L'accolade est longue et chaleureuse. Pascal et Jean-Bosco se connaissent depuis les bancs de l'école. Le premier fait pourtant partie des hommes qui, en 1994 lors du génocide rwandais, ont tué le père du second, lequel lui a depuis pardonné.

Pascal et Jean-Bosco se retrouvent à l'église où une cérémonie religieuse est célébrée en l'honneur de la vierge Marie, en ce premier samedi du mois. Comme deux vieux amis que la vie a malencontreusement séparés avant de les rapprocher à nouveau. La discussion est amicale, les sourires fraternels. "C'est aujourd'hui, mon meilleur ami. Je lui ai fait tant de mal, mais il m'a pardonné", confie Pascal Shyirahwamaboko, un paysan de 68 ans. Mais le chemin de l'oubli et du pardon n'a pas été aisé pour Jean-Bosco. Il y a 25 ans, Mutete a payé un lourd tribut à la folie sanguinaire des génocidaires hutu.

Plus de 1.000 de ses habitants ont été tués dans les jours qui ont suivi le déclenchement d'un génocide ayant fait, selon l'ONU, au moins 800.000 morts, essentiellement au sein de la minorité tutsi, entre avril et juillet 1994. Le visage émacié sous un chapeau de cowboy élimé de couleur citrouille, Jean-Bosco Gakwenzire, 65 ans, un paysan lui aussi, se remémore l'arrivée sur la colline des miliciens Interahamwe, venus faire la chasse aux "cafards" tutsi.

"Ils allaient dans toutes les maisons dont ils savaient qu'elles cachaient des Tutsi et tuaient ces derniers en les découpant à la machette", se rappelle-t-il, le regard las et mélancolique. Il a perdu son épouse et quatre de ses six enfants. Son père, qui avait réussi à fuir, a plus tard été rattrapé dans la forêt avec leurs vaches. Pascal non plus n'a pas oublié. Il se souvient avoir vu un groupe d'hommes dévaler la pente derrière un vieil homme et son troupeau. Il dit avoir tenté de prendre la défense du vieillard. Mais les miliciens lui ont dit que s'il persistait, il devrait "être tué à sa place". "On l'a alors remis à ceux qui devaient le tuer et moi, j'ai réussi à me sauver", raconte-t-il.



1 Commentaires

  1. Auteur

    Defenseur

    En Avril, 2019 (11:56 AM)
    C'est dingue
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