Le 1er décembre 1944, le massacre des tirailleurs sénégalais au camp de Thiaroye demeure un épisode oublié de l’histoire coloniale, dont la mémoire reste floue, et les revendications de justice sans réponse. Le nombre de victimes et leur lieu de sépulture sont toujours incertains. Alors que l’on commémore les 80 ans de cette tragédie, des voix s’élèvent pour réclamer réparations et reconnaissance de ce crime historique. Mais au-delà de cette mémoire, un débat politique s’est intensifié entre la France et le Sénégal, un débat marqué par un changement de ton sous la présidence de Bassirou Diomaye Faye.
Loin du discours apaisé qui prévalait sous Macky Sall, le nouveau pouvoir sénégalais a ouvertement dénoncé l’héritage colonial français. En particulier, Ousmane Sonko, Premier ministre et figure montante du parti au pouvoir, a placé la question des archives coloniales au cœur de son programme politique, exigeant l'accès aux documents relatifs aux exécutions sommaires et aux violences infligées pendant la colonisation. Cette position marque une rupture nette avec les décennies de silence sur les crimes du passé. Comme l'explique l’historien Mamadou Diouf, la France a imposé un embargo politique autour de Thiaroye, un silence entretenu par les présidents sénégalais pour ne pas fâcher leurs partenaires français.
Cependant, les tensions ne se limitent pas à la question de Thiaroye. Un rapport de l'association Tournons la page et du Centre de recherches internationales de Sciences Po souligne une désapprobation croissante de la politique française en Afrique, alimentée par un sentiment de néocolonialisme, d’exploitation des ressources et de complicité avec des élites corrompues. En réponse, la France tente de minimiser ces critiques, les présentant comme le fruit du populisme mondial. Pourtant, la réalité sur le terrain, avec des manifestations et des actes de vandalisme contre des entreprises françaises comme Auchan, révèle un malaise profond, même si certains relativisent la violence de ces actes, soulignant qu’aucun Français n’a été agressé.
À l’approche de l’anniversaire de Thiaroye, ce 1er décembre 2024, les relations entre Dakar et Paris sont à un tournant. La France, qui a longtemps fermé les yeux sur ses injustices passées, est confrontée à un dilemme : peut-elle réparer les torts historiques et répondre aux nouvelles exigences du Sénégal, ou doit-elle se préparer à une nouvelle dynamique où l'Afrique, et le Sénégal en particulier, impose désormais ses conditions dans les relations de partenariat ? L’héritage de Thiaroye continue de hanter ce dialogue complexe, appelant à une réconciliation fondée sur la reconnaissance, mais aussi sur un renouveau des relations franco-africaines.
2 Commentaires
Ce sont les colons de Paris qui ont tenté de nous faire oublié cette histoire mais n'ont réussi qu'à se rendre amnésique eux-mêmes !
C'est notre résistance mémorielle qui nous a amené à instauré une journée de commémoration malgré les assauts des colons en complicité avec les coureurs de dessert colonial africains !
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