Après l’échec de la réunion lundi pour décider du sort de Jacob Zuma, la direction du Congrès national africain (ANC) se retrouvera à nouveau mercredi pour discuter de son éventuel départ anticipé, à quelques heures d'un discours important qu'il doit prononcer au Parlement.
Au terme d’un après-midi de tractations, le parti au pouvoir en Afrique du Sud a fait savoir que son principal organe de décision, la Commission nationale exécutive (NEC), se retrouverait dans deux jours pour évoquer, entre autres, « la transition » entre le gouvernement actuel et son successeur. L’ANC n’a révélé aucun détail sur l’état des discussions en cours.
Contrairement au comité de travail du parti qui s’est réuni lundi, la NEC est habilitée à prendre la décision de « rappeler » Jacob Zuma, qui n’est pas élu au suffrage universel direct, mais par les députés.
La perspective des élections de 2019
Le second mandat de Jacob Zuma, au pouvoir depuis 2009, n’expire qu’en 2019. Mais de nombreuses voix s’élèvent, tant dans l’opposition que dans son propre parti, pour qu’il l’abrège au plus vite.
Le chef de l’État doit prononcer jeudi son discours annuel sur l’état de la nation. Mais ses opposants dans les rangs de l’ANC sont bien décidés à obtenir son départ avant.
Le temps est compté, plaident-ils, si l’ANC veut éviter une débâcle aux élections générales de 2019 et renouer avec tous ceux qui lui ont tourné le dos ces dernières années, écoeurés par les multiples affaires de corruption qui éclaboussent Jacob Zuma.
Des réunions au sommet
Depuis plusieurs semaines, l’ANC multiplie les réunions au sommet pour négocier une sortie de crise. Dimanche soir, l’exécutif de l’ANC s’était rendu à la résidence officielle de Jacob Zuma à Pretoria pour, selon le numéro 3 du parti Gwede Mantashe, parler « de ce qui est dans le meilleur intérêt de l’ANC et du pays ».
Rien n’a filtré officiellement de ces discussions. Mais, selon Julius Malema, chef des Combattants pour la liberté économique (EFF, gauche radicale), un ancien de l’ANC très bien informé de ses débats internes, le président Zuma a « refusé de démissionner ». Il a estimé qu’il « n’avait rien fait de mal » qui justifierait son départ anticipé, a tweeté Julius Malema.
Echange musclé entre pro et anti Zuma
Les divisions au sein du parti ont éclaté dans la rue lundi, devant le quartier général de l’ANC, où pro et anti-Zuma s’étaient donné rendez-vous pour faire entendre leur voix.
Un bref échange musclé a opposé les partisans des deux camps. « Zuma doit partir », ont chanté les anti-Zuma. « Enlevez vos mains de Zuma », leur ont répondu leurs adversaires. « Nous sommes ici pour défendre le quartier général de l’ANC et la direction élue » fin décembre, à savoir Cyril Ramaphosa, le nouveau chef de l’ANC, a déclaré un anti-Zuma, Thabang Setona.
« On est là pour soutenir le président, pour qu’il termine son mandat. (…) Il ne va pas partir à cause de tensions internes, il ne va pas être renversé par le capital blanc », a réagi Abie Letsoalo, du mouvement BLF (Black Land First).
Zuma « naturellement anxieux »
Malgré les pressions pour démissionner, Jacob Zuma « résiste évidemment », a commenté Mcebisi Ndletyana, professeur de sciences politiques à l’université de Johannesburg. Il est « naturellement anxieux, il se retrouve dans une position vulnérable », a-t-il expliqué à l’AFP.
Jusque-là, « le président aux neuf vies », comme on le surnomme en Afrique du Sud, a réussi à survivre à tous les scandales. Mais il a perdu de son influence depuis l’élection de Cyril Ramaphosa à la tête de l’ANC.
Vainqueur de l’ex-épouse de M. Zuma, Nkosazana Dlamini Zuma, l’actuel vice-président du pays tente de rassurer les milieux d’affaires sur sa volonté de réformer le parti et le pays, notamment en promettant d’être intraitable contre la corruption.
« Nous ne voulons pas d’un criminel »
L’Afrique du Sud est entrée « dans une nouvelle ère », a-t-il proclamé en janvier au Forum économique mondial de Davos. Mais plus Jacob Zuma se maintient au pouvoir, moins Cyril Ramaphosa est crédible, préviennent les analystes.
Plusieurs scénarios de départ anticipé sont envisageables. Jacob Zuma peut démissionner de son plein gré, être renversé par une motion de défiance ou au terme d’une procédure de destitution. Le président peut aussi être sommé par son propre parti de se retirer.
Au Parlement, les députés de l’opposition s’impatientent. Ils ont déposé une nouvelle motion de défiance contre le président qui doit être soumise au vote le 22 février. La dernière en date, en août, avait échoué de peu, à 24 voix près.
« Nous ne voulons pas d’un criminel qui fasse le discours à la nation. Le seul moyen de s’en débarrasser est de le faire via une motion de défiance », a insisté lundi Julius Malema. Jacob Zuma « est prêt à défier l’ANC, il l’a fait dans le passé, il le fera encore », a-t-il prévenu.
0 Commentaires
Participer à la Discussion