Jeudi 14 Novembre, 2024 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Chronique

[ Chronique ] Hey You!

Single Post
[ Chronique ] Hey You!

« Il y a peu de choix parmi les pommes pourries »
SHAKESPEARE

Par-delà le duel à mains nues auquel se livrent Youssou N’dour et Karim Wade, il y a une symbolique sociale qui ne doit échapper à personne. D’un côté un enfant de la Médina, quartier pauvre de Dakar, fils d’une ménagère et d’un menuisier métallique, parvenu à la gloire dans l’abnégation et la douleur. De l’autre, un enfant du Point-E né à Paris, fils d’un avocat d’affaires, qui demeurerait un employé de banque anonyme si son père n’était pas devenu président de la République. Il y a ensuite deux logiques qui s’affrontent et qui interpellent notre propre histoire. Dans une société de classe basée sur la richesse, le mérite permet de passer d’une classe à une autre, ce que nous appelons couramment l’ascension sociale. Les Sénégalais sont nombreux, qui sont devenus ce qu’ils sont à force de travailler. On ne les regarde pas en pensant au nombre de personnes qu’il leur a fallu appauvrir pour devenir riches.
Au système de classe basé sur la richesse, qui faisait que quand bien même on naissait pauvre, on pouvait espérer s’en sortir un jour, Abdoulaye Wade a substitué un système d’ordre basé sur le sang. L’on est fortuné et bien positionné non pas selon son mérite, mais selon que l’on est ou pas de son sang. Le mérite a foutu le camp pour laisser place à un féodalisme pécuniaire basé sur les liens de sang. On n’entend que du « c’est mon père », et le premier d’entre eux se retrouve naturellement le mieux placé. La société des ordres n’admet pas les transgressions. Youssou N’dour veut forcer les portes d’un monde qui n’est pas le sien, malgré ses bloc-notes et ses lunettes intello.
Abdoulaye Wade a voulu en tracer les limites, en lui faisant remarquer qu’il était « Gaolo », qu’il devait chanter et s’interdire de se mêler de politique. J’ai eu le compte-rendu de cette audience par Youssou N’dour lui-même, et j’en ai été choqué. Je me suis rangé du côté du chanteur de la Médina parce que je crois qu’une société juste est une société basée non pas sur la naissance, mais sur le mérite. On n’y juge pas les hommes pour ce qu’ils sont, mais pour ce qu’ils font. Au-delà, j’ai toujours pensé que Youssou N’dour symbolisait l’idée que je me fais de mon pays. Il doit être possible pour chaque homme de vivre librement de son talent et de son travail. Je pense que les centaines de milliers de sénégalais qui l’ont soutenu dans ce combat l’ont fait non pas pour ce qu’il est, mais pour ce qu’il a représenté pour nous.
Mais il faut dire que sur ce point au moins, Karim Wade a eu raison sur nous. Il avait promis de faire la preuve que le self-made-man de la Médina n’était qu’un maître chanteur et un vulgaire escroc. Il est en passe de le réussir, et il ne faut pas lui en vouloir s’il le démontre bruyamment. Il n’y avait aucune raison de faire de la publicité autour de cette lettre adressée au fils du président de la République. Mais c’était pour donner une portée planétaire à cette épreuve humiliante que Karim Wade s’y est pris de cette façon. Youssou N’dour est arrivé à Bercy la voix nouée, le visage en pâte. Les prétendues lettres qu’il brandit pour menacer à nouveau les autorités ne font que confirmer tristement tout ce qui précède. Il accuse son entourage, mais c’est ce qui arrive quand on s’entoure d’escrocs et de repris de justice. C’est un mensonge que de prétendre, comme il le fait, qu’il perd des centaines de millions dans l’organisation du bal de Bercy. Youssou N’dour n’en est pas l’organisateur. L’évènement est organisé par Alias production, une structure française, qui loue la salle et paie un cachet au chanteur. Youssou N’dour reçoit en retour un paquet de billets. On voit bien toute la spéculation qu’il y a sur ces billets, pour pousser les clients à les acheter au prix fort, alors que la salle n’est jamais remplie.
Il continue encore de parler d’un mouvement qui n’existe même pas. Il est sans structuration, sans direction, sans récépissé, sans adresse, sans numéro de téléphone. Depuis qu’il en a fait l’annonce à Paris, il peine à dire qui en est membre. J’ai eu mal pour Cheikh Tidiane Gadio. C’est dans son salon qu’est née l’idée de «Fekke maci boolé ». Youssou N’dour rendait visite à l’ancien ministre des Affaires étrangères quand il a appris, en direct, son limogeage. C’est là que le chanteur a déclaré, pour la première fois, « lii dé mooy fékké maci boolé », avant de proposer à Gadio son soutien. Si son engagement n’a rien à voir avec l’engagement de Youssou N’dour, Gadio a au moins compté sur son soutien, et c’est sans doute ce qui lui a fait dire, lors de sa dernière sortie, que « Youssou N’dour est avec nous ».
Il y a des gens qu’il ne faut jamais blesser. Il faut les tuer ou les laisser tranquille. Je croyais que Youssou N’dour était de ceux-là. Il avait dit à un ami parti lui apporter son soutien, que Karim Wade l’avait humilié et que toute sa vie, il se battrait contre lui. Mais il n’a pas tenu un an avant de capituler. Si mon respect devait aller à un des deux, ce serait bien à Karim Wade. Même dans la bêtise, il est constant et il n’est pas hypocrite. Quand il vous déteste, il vous le fait savoir de suite.
Mais Youssou N’dour, ce n’est pas ce que cela. Ce sont tous les musiciens qui se plaignent de ses pratiques, qui signent chez lui et trouvent sur le marché des copies de leurs albums. Son plus vieux compagnon, Mbaye Dièye Faye, n’a pas échappé à sa cupidité. Si ses soirées ne sont pas sabotées, ce sont ses albums qui se trouvent piratés et vendus sur le marché. De sorte qu’il lui a fallu trouver un producteur extérieur pour pouvoir s’acheter sa première maison, quand Youssou Ndour prétendait déjà qu’il était milliardaire. Le Super étoile n’existe finalement que de nom, puisque les musiciens sont payés au cachet et sont obligés, pour vivre, d’aller faire des prestations ailleurs. L’idée du Super étoile fonctionnant comme une entreprise avec des musiciens salariés n’existe plus depuis la rupture de son contrat avec Sony. Il a permis d’asseoir le mythe du petit enfant de la Médina parti de rien, devenu milliardaire.
En réalité, une grande partie de cette fortune qu’il prétend posséder provient de financements souscrits au nom des nécessiteux. Avec l’ambitieux projet Jokko, il avait promis à chaque habitant de la Médina un ordinateur. Cela fait dix ans qu’ils attendent. Il est devenu, selon les mots d’un inspecteur du trésor, un spécialiste des faillites douteuses. Il y a eu la Saprom, ensuite Xippi Inc et le label Jololi, financé par le FPE, aujourd’hui Prince Arts, tenu par son frère. Tous ont été déclarés en faillite, abandonnant actif et le passif, alors qu’il y avait à la base des financements de plusieurs centaines de millions de francs. L’idée était de promouvoir la production locale. Mais tous les musiciens qui s’y sont aventurés l’ont amèrement regretté. Même sa musique s’est coupée de ses bases populaires pour devenir de la grosse arnaque. Il sert tantôt de la musique orientale, tantôt du reggae. Les populations qui se ruent sur les bacs pour acheter les titres de leur idole n’ont droit maintenant qu’à du réchauffé. Le « kid » de la Médina n’a plus le temps de s’inspirer.
Entendons-nous bien, ce n’est pas le musicien talentueux qui est ici en procès, encore moins le patron de presse. C’est l’homme d’affaires sans scrupule et le politicien véreux qu’il est devenu. J’ai été, comme tout le monde, choqué par son abdication et son reniement. J’ai aussi regretté sa vie dilettante, faite de sorties nocturnes et de bagarres avec des reporters photographes. Seuls les intimes savaient que le chanteur de la Médina aimait la fumette et la bibine, jusqu’à ce qu’il avoue lui-même, sans aucune raison apparente, qu’il buvait du champagne « pour fêter ». Je me suis demandé s’il avait conscience de l’impact que ce petit aveu pouvait avoir sur les millions de jeunes qui s’identifient à lui. Quel que soit ce que ses défenseurs aveuglés peuvent prétendre, quelque chose ne va pas chez cet homme.
Je vais finir sur un dernier point, avec la promesse d’y revenir plus tard. Nous ne pouvons pas faire l’impasse sur les 1,3 millions de dollars dégagés par Benetton pour venir au secours des pauvres. Youssou N’dour a fait le tour du monde pour parler de dignité des africains. C’était un projet test, qui devait s’étendre à d’autres pays africains. A ce jour, les responsables de Benetton, qui avaient cru le chanteur sénégalais sur parole, courent après lui pour savoir quel usage a été fait de leur argent. La plupart des candidats qui avaient déposé un dossier et des frais de 10 000 francs ont perdu leur argent. Le premier directeur a démissionné et le site Internet ne marche plus. S’il utilisait cet argent à d’autres fins, ce serait une escroquerie morale insupportable.
Quand les responsables de Benetton ont accepté de financer le projet gratuitement, Youssou N’dour leur a dit qu’il l’appellerait Birima, du nom d’un Damel du Cayor. Ils lui ont demandé pourquoi. Il leur a expliqué que Birima était un homme qui tenait toujours parole !

SJD

 

 



0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés. --
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email