« Le plus fort n’est jamais assez fort pour être
toujours le maître, s’il ne transforme sa force
en droit et l’obéissance en devoir »
ROUSSEAU
toujours le maître, s’il ne transforme sa force
en droit et l’obéissance en devoir »
ROUSSEAU
Les révolutions ont ceci de particulier que quand elles viennent, on ne les voit pas venir. Elles arrivent aussi où on les attend le moins. Peut-être la solution à notre problème commun, qui nous a valu tant d’efforts et de sacrifices, viendra-t-elle d’une femme, Aminata Tall. Peut-être que cette révolution triomphale que nous attendions des banlieues, ce soulèvement puissant qui emporterait Abdoulaye Wade ou le ramènerait sur la voie de la raison ne nous viendra pas de Pikine ou de Médina-Gounass, mais du palais de la République. Désormais, la personne qui se penchera tous les matins sur le cerveau du président de la République pour l’irradier, parapheur en main, ne sera pas un homme, ce sera une femme. Pas n’importe laquelle. Aminata Tall est partout décriée. On la dit frustrée et cassante. Je dois confesser, pour ce qui me concerne, que j’éprouve pour elle une sympathie touchante. Ne me demandez pas la raison. S’il y en a une, la voilà donc. Depuis la reine du Walo Ndaté-Yalla, décrite dans le menu détail en 1853 par l’abbé Boilat dans ses Esquisses sénégalaises, une femme n’a jamais incarné plus que cette diourbelloise la grâce, le pouvoir et l’intelligence combinés, au point de nourrir chez ses contemporains toutes sortes de fantasmes.
L’on se met déjà à imaginer ce à quoi vont ressembler les tête-à-tête quotidiens entre le chef de l’Etat et celle qui passe désormais pour la femme la plus puissante du Sénégal ; de sa poitrine généreuse, les tendres avis qu’elle soufflera dans les oreilles du chef de l’Etat. C’est un privilège unique. Je passerai sur la révolution que constitue en elle-même la nomination d’une femme à ce poste stratégique, qui rassemble les Chiffres, l’Inspection générale d’Etat, les conseillers du président et cette fameuse Agence nationale de sécurité. Abdoulaye Wade s’est renié en tout mais sur ce point, donnons-lui raison. Les femmes n’ont jamais été mieux traitées que sous son magistère. De cette dernière nomination, nous pouvons déjà espérer quelques retombées. Peut-être que mieux instruit des affaires domestiques, le président de la République voyagera moins souvent.
C’est le fruit d’un hasard, mais l’histoire est faite d’une somme de hasards. Le chef de l’Etat voulait ramener à ce poste stratégique son premier occupant sous l’alternance, Ousmane Masseck Ndiaye. Il s’en est ouvert à Abdoulaye Baldé, prié d’accepter un poste dans le nouveau ministère de Karim Wade. C’était trop demander à l’élu de Ziguinchor. Le vainqueur de Robert Sagna trouvait humiliant de devoir figurer dans un « cabinet », soit-il celui du fils du président de la République. Abdoulaye Wade a alors pris la décision de nommer Ousmane Masseck Ndiaye au Conseil économique et social, qui n’existait pas encore. Problème, le poste avait été promis à « l’âme » du Pds. Le départ de Baldé pour un poste autrement plus valorisant permet de retenir une femme qui menaçait de partir. On peut se permettre de tout perdre, sauf son âme !
La terre n’a pas tremblé, mais quel sauvetage ! En août 2003, Abdoulaye Wade avait tenté pareille chose, dans des conditions presque similaires. Il avait fait venir Aminata Tall à la présidence de la République comme ministre d’Etat. L’histoire nous comble parfois de ces ironies ! Celle qui est aujourd’hui secrétaire général de la présidence de la République voulait participer aux séances de signatures du matin. Ce à quoi Viviane Wade, toute puissante, s’était opposée. Elle a pris l’avion pour « se reposer » en Suisse et sommé époux de sortir cette « peste » de la présidence de la République. A la hâte, le bureau du secrétaire général du gouvernement avait été « cassé » en deux, de nouveaux bureaux installés au neuvième étage du Building administratif pour recevoir la damnée de la présidence. Cette même Aminata Tall dirige maintenant la présidence de la République et tout ce qui s’y trouve. Viviane Wade vient de repartir pour Paris, seule dans son... avion ! En pareilles circonstances, les cabots de la Génération du concret auraient appelé à la vindicte. Karim Wade ne voulait pas entendre parler de la nomination d’Aminata Tall à la présidence de la République. Les cabots de service auraient tiré sur elle à bout portant. A la seule idée d’une audience entre Idrissa Seck et le président de la République, les concrétistes siliconées écumaient de rage. Mais à vouloir faire feu de tout bois, la kariminelle feu sur elle-même. Les opportunistes qui portaient ce projet ambitieux n’avaient ni l’expérience ni l’intelligence. Ils croyaient que tout était possible avec l’argent. Ils pensaient que cela était assez pour corrompre les juges, les députés, les marabouts, les 13 millions de sénégalais. C’était mission impossible.
La nomination d’Abdoulaye Baldé au ministère des Forces armées n’est pas le signe du renforcement de la Génération du concret. C’est le signe de son effondrement. Ceux qui étaient payés par l’Anoci pour hurler sont vertement priés d’aller chercher du travail. Des pans entiers s’étaient déjà disloqués quand le chef de l’Etat s’est rendu compte que celui qui prêtait sa tête à son fils, Hassan Bâ, était un vulgaire bonimenteur. La seule qui reste à la présidence de la République, Awa Ndiaye, serait déjà en partance pour un lieu inconnu. Après les élections locales du 22 mars dernier, le président Wade avait tenté un tel nettoyage. Mais tout ce qu’il avait chassé du gouvernement, Viviane Wade l’avait fait revenir au palais de la République.
Le refus du président de la République de faire revenir Farba Senghor à la présidence de la République marque bien la fin d’un temps et espérons-le bien, d’une époque. Il y a un an, cet ami de Viviane Wade traquait les participants au Assises nationales pour les insulter et les honnir. Abdoulaye Wade vient de déclarer au groupe de médiateurs dirigés par le professeur Babacar Guèye qu’il est prêt à appliquer les conclusions des ces mêmes assises. Si je conviens avec vous qu’il ne s’est encore rien passé qui justifie mon optimisme, convenez avec moi qu’il se passe quelque chose. Entre temps, il a fallu qu’il se rende compte de ce que nous lui avons dit toutes ces années durant. C’était folie que de vouloir imposer son fils à la tête du Sénégal.
Le président de la République a toujours déclaré vouloir prendre en main son parti, quand c’est le pays qu’il devait prendre en main. Nous nous sommes battus contre son népotisme dépensier et son monarchisme prébendier non pas parce que nous le détestons, mais parce que nous aimons notre pays. Tous ceux qui, comme moi, ont exprimé ce sentiment, se sont fait passer pour des ennemis du « peuple ». C’était Abdoulaye Wade « le peuple » ! Le résultat qu’ils ont obtenu n’honore personne. L’adulation a finalement conduit à la fourberie. Nous aurions voulu qu’on parlât de notre président de la République en des termes plus élogieux que ceux que nous entendons en ce moment. Pour quelqu’un qui a tant fait pour être où il est, finir en promoteur de coups d’Etat et en corrupteur de fonctionnaires internationaux est une pitoyable malédiction. Je disais ici-même à ceux qui se mettaient à espérer, qu’il ne fallait rien attendre d’Abdoulaye Wade. Peut-être me suis-je trompé. Ses visiteurs disent de lui qu’il a cessé de se prendre pour Dieu, qu’il est redescendu du ciel. C’est un réveil surprenant, pour quelqu’un que l’on croyait dans un coma moral. Le pouvoir personnel lui a fait croire qu’il est capable de tout. L’affaire Segura a, je pense, prouvé à cet homme que même dans la magouille crapuleuse, il n’est pas très doué.
SJD
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