Un homme qui crie n’est un ours qui danse,
Une mer de douleur n’est pas un proscenium»
Aimé Césaire.
Récemment, j'ai fait la découverte d'un chanteur français du nom de Francis Cabrel. Je n'ai jamais été un grand fan de la musique française. Mais, un ami m'a invité à être plus mélomane et sortir un peu de l'univers du Mbalax et du Reggae dans lequel je m'étais enfermé pendant de longues années. Ainsi, lorsque, pour la première fois, j'ai écouté le morceau " La Corrida" extrait de l'album " Samedi Soir Sur La Terre" de Francis Cabrel, j'ai été frappé par les images que décryptait le chanteur. En fait, Francis Cabrel s'est mis dans la peau du taureau qui devait faire face au Torero. Et étrangement, l'image m'a renvoyé à une autre qui m’est beaucoup plus familière et non moins tragique : le peuple sénégalais à la place du taureau et notre président à la place du Torero - prenez le temps d’écouter ou réécouter le morceau ; peut être vous ferez la même analogie que moi. Jugez-en au travers de quelques exemples.
Francis Cabrel, s’étant mis dans la peau du taureau, avance que : " depuis le temps que je patiente dans cette chambre noire, j'entends qu'on chante et qu'on s'amuse au bout du couloir". Cette image de la chambre noire dans laquelle est enfermé le taureau me fait penser à ces années de braises, oh combien difficiles pour le pauvre Goorgoorlu sénégalais. Pendant cette période, nous avons connu toutes formes de crises en passant par les années blanches, les années invalidées pour les élèves et étudiants, les ajustements structurels des fonctionnaires avec leur pléthore de départs volontaires ou involontaires, etc. Les années 80 et 90 ont été tellement dures que beaucoup de personnes avaient fini par perdre l’espoir d'un lendemain meilleur. Pendant ce temps, nos dirigeants de l'époque faisaient preuve d'une impardonnable arrogance et d'un manque inoubliable de respect vis-à-vis de la population au point de revêtir les couleurs sous lesquelles on imagine, dans la chanson, ceux qui chantaient et s'amusaient dans le couloir.
Cabrel poursuit: " quelqu'un a touché le verrou et j'ai plongé vers le grand jour. J'ai vu les fanfares, les barrières et les gens autour". Apres des années de lutte pour qu’enfin vienne l'avènement de la démocratie avec tous les sacrifices qu'il nous a couté, voilà que des gens ont eu l'idée de regrouper une bonne partie de l'opposition derrière Me Wade qui avait déjà jeté l'éponge pour venir à bout du régime socialiste. Ces hommes que sont Amath Dansokho, Pr Abdoulaye Bathily et Landing Savané, sont ceux qui ont touché le verrou pour que le peuple, avide de liberté, de justice et de démocratie, se plonge vers le grand jour : L'ALTERNANCE.
En outre, Francis Cabrel peut-il continuer : " dans les premiers moments, j'ai cru qu'il fallait seulement se défendre, mais cette place est sans issue je commence à comprendre". Nous croyions que nous étions libérés pour de bon. Les rêves les plus irréalisables étaient permis. Mais, nous ne comprenions pas, à l’image du taureau de Cabrel, que l'étau était refermé et toutes les issues bloquées par le vote de la nouvelle constitution qui nous ramenait à l'état de colonisés. L'homme que nous croyions providentiel se révéla plus machiavélique que quiconque y compris Machiavel, pire que Bokassa et dépassant de loin, en mal, Mobutu, Idy Amin Dada et j'en passe. Est-ce que cet homme est sérieux? Est-ce que cet homme est sérieux? Est-ce que cet homme sérieux?...
" Ils ont frappé fort dans mon cou pour que je m'incline. Ils sortent d'où ces acrobates avec leur costumes de papier, j'ai jamais appris à me battre contre des poupées", dira Cabrel. A l'image du taureau qui venait de recevoir un coup au cou, nous assistâmes impuissants aux nombreux tripatouillages de la constitution, à la libération des meurtriers de Me Babacar Sèye, mais surtout l'instauration déplorable de l'impunité. Mais, le comble du malheur sera qu'on assistera à un cirque jusque là inconnu avec des acrobates du genre Farba Senghor, le tout puissant neveu du président communément connu sous le nom de Lamine Faye ainsi que tous ces guignols qui se réclament de la génération du concret avec à leur tête ce macaque de Karim Wade. Nous sommes pris de court comme le taureau qui n’avait pas appris à se défendre contre des poupées puisque nous croyions vivre dans une démocratie, mais pas dans un cirque. Est-ce que cet homme est sérieux?
Francis Cabrel chante dans la même lancée: "je les entends rire comme je râle, je les vois danser comme je succombe. Je ne pensais pas qu'on puisse s'amuser autant autour d'une tombe"
Après qu'ils aient pillé les ressources du pays, sortir de nulle part de nouveaux riches d’antan pauvres comme des poux à l’instar de Cheikh Amar, Mbagnik Diop " Sous" en lieu et place de méritants comme Bara Tall, Cheikh Tall Dioum et Youssou Ndour, après qu'ils aient réussi à vider les caisses de l'Etat, faire que le gaz butane devienne introuvable, l'électricité un luxe au Sénégal, le sucre ne soit plus à la portée des sénégalais, agir de telle sorte que des gens de la banlieue dorment encore sous les eaux là où ils distribuent l'argent comme ils veulent à tort et à travers. Pour s'acheter le silence de Segura, amener des gens à la Mecque pour qu'ils distribuent de l'argent aux pèlerins en vue de prier pour eux, Karim tutoie les airs en louant des jets privées en compagnie de notre figurant Premier Ministre. Surpris comme le taureau, nous n'avions jamais pensé qu'ils pouvaient s'amuser avec autant de cynisme autour d'une tombe. Je suis convaincu qu’ils ne reculeront devant rien puisque celui qui orchestre tout ce cirque est insensible à la souffrance des sénégalais.
Est-ce que cet homme est sérieux? Je me pose en vous posant la question.
Sénégalaisement Vôtre!
Amath DIOUF
Animateur à SENEWEB Radio
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