Au Sénégal, les régimes politiques se nourrissent de "complotiste", les menaces extérieures ayant toujours été exorcisées par la découverte d'un ennemi intérieur. Il en était ainsi du temps de la Sfio entre Lamine Guèye et Senghor, il en est encore ainsi du temps de Macky Sall. Comme hier dans le Ps d'Abdou Diouf, le Pds d'Abdoulaye Wade, le peuple Apr réclame du sang. Il veut désigner l'ennemi, ou alors les ennemis intérieurs, pour les livrer à la croix, leur faire prendre le long chemin de leur Golgotha, fait d'imprécations, de cris de haine, d'accusations loufoques, jusqu'à ce que condamnation s'en suive.
Qui pût penser cela possible, sitôt Macky Sall réélu par un score des si précieux ? Mais qui pût surtout penser qu'au moment où le Président de la République a besoin de l'unité dans ses rangs pour faire face à une conjoncture politique des plus difficiles, ses troupes revenues de combat, investiraient tous leurs efforts dans la désignation d'un nouvel ennemi. Pourquoi tant d'efforts pour rien ? Et qui eût pu penser qu'aveuglés par leurs ambitions personnelles, les amis d'hier se regarderaient en ennemis de demain ? C'est à y perdre la raison. Ils interdisent à ses collaborateurs toute ambition pour 2024 et se retournent contre Macky Sall pour lui interdire de briguer un troisième mandat.
Voyez bien la dernière trouvaille, dans ce qu'elle a d'absurde : dès son arrivée au ministère des Affaires étrangères, Amadou Ba a voulu supprimer le poste de Directeur général des Sénégalais de l'Extérieur. Ce qu'il a proposé au Conseil des ministres bien avant la sortie récente du sieur Sory Kaba. M. Kaba, limogé malgré tout, avait donc toutes les raisons de tester le ministre Amadou Ba et de ne pas l'aimer. Il est bien à l'origine de son malheur. Mais une fois le renégat abattu, ses poursuivants se sont rués sur son prétendu mentor, pour le désigner son cou au bas de l'échafaud. La preuve de ses accusateurs : une proximité supposée entre le Ministre des Affaires étrangères et son ci-devant Directeur général.
Amadou Ba le connaissait-il avant ? Non. L'avait-il nommé ? Assurément non. Bien au contraire, Sory Kaba a été nommé alors qu'Amadou Ba rongeait son frein à la Direction générale des Impôts et Domaines. Il est de notoriété publique que M. Kaba est de Fatick, où il exerçait la fonction d'agent municipal, nommé par Macky Sall, alors opposant. Si Monsieur Kaba devait se réclamer de quelqu'un, c'est bien de celui à qui il venait de s'attaquer en le défiant, remettant en cause ses mises en garde concernant tout débat sur prématuré sur la prochaine élection présidentielle.
Comment donc peut-on avoir été tête de liste aux législatives, remportées avec justesse, dirigé le Comité de campagne victorieux à Dakar, pour se voir désigner immédiatement "ambitieux et traître" ?
À l'Apr, les combattants sont à l'heure de la guerre préventive. Ils désignent l'ennemi avant même qu'il en devienne un. Une fois leur cible atteinte, ils en désignent une autre, sans le moindre discernement. Et c'est ainsi que sont désignés Aminata Touré, Abdoulaye Daouda Diallo, Ali Ngouille Ndiaye, Oumar Youm, Sidiki Kaba, Makhtar Cissé et même le vitré Abdoulaye Diouf Sarr, Duc de Yoff. Il est lui aussi accusé d'utiliser son patelin Lébou comme rampe pour conquérir Dakar, puis le Sénégal. C'est à croire que tous les responsables de l'Apr sont frappés du même mal et que Macky Sall n'est entouré que d'ambitieux ennemis. Il ne se passe plus un seul jour sans que dans un département du pays, des voix s'élèvent pour demander au Président Macky Sall de prendre garde. Lui qui a l'État, les renseignements, méconnaîtrait-il à ce point qui sont ses ennemis ?
Évidemment que non. Mais s'il feignait de les ignorer, le peuple Apr, insondable comme un Dieu bantou, serait là volontiers, pour les lui faire connaître.
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