La décharge de Mbeubeuss (banlieue dakaroise) reçoit tous les ans quelque 475.000 tonnes d’ordures à raison de 65 camions par jour, faisant le bonheur des récupérateurs qui se frottent les mains avec un chiffre d’affaires journalier de 13 millions de francs CFA, a-t-on appris sur place auprès des acteurs.
Après chargement, un camion pèse au pesage 11 tonnes pour une valeur de 800.000 francs. ‘’Il arrive que parfois on reçoit jusqu’à dix camions qui achètent toutes sortes de déchets. Imaginez un peu ce que cela fait comme masse financière dans la journée’’, dit Pape Ndiaye, sur les lieux depuis 46 ans.
Confiné entre Keur Massar et Malika, dans le département de Pikine (banlieue), la décharge de Mbeubeuss est assise sur un ancien lac, asséché devient un dépotoir d’ordures depuis 1966. Le site fait vivre quelque 1500 récupérateurs et recycleurs venus du plus petit recoin du pays.
Une visite guidée, de près de quatre heures, a permis à des chercheurs, experts en environnement et journalistes, vendredi, de partager le vécu quotidien de ces travailleurs de "l’or dur", une formule imagée pour désigner les ordures, déposée à perte de vue sur presque 2,5 kilomètres de long.
Un décor pas comme les autres. Une fumée blanchâtre provient de partout. Des balles de déchets récupérés sont triées et les diverses matières séparées les unes des autres pour ensuite être livrer aux recycleurs qui viennent les acheter sur place, aux grossistes.
Constituée de trois zones, la décharge de Mbeubeuss répond aux lois du milieu. La "Plateforme" est le site de dépôt des ordures qui proviennent des ménages ou des industries. "Baol" est la zone des récupérateurs-grossistes qui vendent par lot de gros morceaux là où "Gouy gui" procède à la vente au détail.
Cette organisation interne s’explique par le fait que certains provenant de très loin ont fini par résider sur les lieux, à l’instar de ceux de la zone "Baol" alors que les opérateurs de "Gouy gui" ne passent pas la nuit, ils viennent de partout de la banlieue.
Pour la "Plateforme" est le site où les ordures sont accumulées. A partir de là, se fait la récupération. Il y a un système de travail, des grossistes et ceux qui font la consommation dans l’immédiat.
Toute une vie qui répond à d’autres réalités. Un univers calme et impropre peuple cet environnement situé à près de 25 km de la capitale sénégalaise. Sa population vaque sans bruit à sa tâche, mais perturbée par moment par le passage de camions.
Conscient peut-être du danger d’infection ou pour se masquer, les récupérateurs sont bien vêtus de chaussettes, de bonnet, en passant aux gants. Avec cette combinaison, ils passent méconnaissables.
Pourtant, ils ne se plaignent, lançant à tout bout de chemin qu’ils sont bien dans ce qu’ils font. Tout le monde s‘emploie à la collecte, au tri, à la mise en sachet. Chacun s’affaire et prépare éventuellement un client.
Deux grandes activités constituent ce dur labeur : la récupération et le recyclage des déchets. Il s’agit du bois, du plastique, du fer, des bouteilles, de restes d’aliments, de pépites d’or et du terreau vendu au niveau des stades.
Regroupés au sein de l'association "Bokk Diom" (environ 850 inscrits), ces récupérateurs sont parvenus à se doter d’une maison communautaire, d’une case de santé, entre autres, mais ils demandent à l’Etat de les accompagner et de mieux sécuriser le site.
‘’Tout se transforme ici, rien n’est à jeter dans ces ordures. Nous demandons à l’Etat de faire un effort d’appui car nous y sommes déjà en partenariat avec plusieurs organismes privés internationaux’’, soutient Pape Mar Diallo, gestionnaire et administrateur des finances de l’association "Bokk Diom".
‘’Nous avons décidé de créer cette association et elle a été reconnue après obtention de récépissé’’, se réjouit M. Diallo, qui se plaît dans ce métier, après avoir noué beaucoup de contacts.
Par ailleurs, réagissant au projet de fermeture de cette décharge, cet ancien récupérateur invite l’Etat à la concertation pour trouver des alternatives et prendre des dispositions s’y afférant.
En décembre 2004, l'ancien gouvernement, avec l'ex-ministre de l'Environnement et de la Protection de la nature, Modou Diagne Fada, annonçait la fermeture de la décharge de Mbeubeuss dès le mois de février 2006.
‘’Il faut associer les récupérateurs dans le processus, leur donner leur droit au lieu de les mettre au dehors’’, plaide le gestionnaire et administrateur des finances de l’association "Bokk Diom"
Les récupérateurs doivent être formés et reversés dans le Centre de tri des ordures prévu à Mbao pour qu’ils continuent le travail, assure Pape Mar Diallo. ‘’Il faut trouver des solutions par rapport à leur insertion socio-économique et les impliquer en amont et en aval du processus.’’
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En Mai, 2013 (16:43 PM)Mon Avis
En Mai, 2013 (01:30 AM)Participer à la Discussion