C’est sans doute la fin d’une longue procédure judiciaire pour trois anciens ministres français : Michèle Alliot-Marie, Dominique de Villepin et Michel Barnier. Tous trois étaient soupçonnés d’avoir permis, en novembre 2004, la libération de mercenaires accusés d’avoir bombardé le camp français de Bouaké en Côte d’Ivoire. Un bombardement qui avait causé la mort de neuf militaires français et d’un civil américain. Mais la commission des requêtes de la Cour de justice de la République a tranché. À ses yeux, il n’y a pas lieu de poursuivre.
Pour cette commission, les faits d’entrave à la manifestation de la vérité, de non-dénonciation de crime et de recel de malfaiteurs ne sont pas constitués. L’inaction des ministres ne suffit pas, estime-t-elle, par exemple, à caractériser l’infraction de recel. Il n’y aura donc ni poursuite ni enquête contre les trois ministres.
Cette décision clôt donc ce long chapitre judiciaire, car elle n’est pas susceptible de recours. Une annonce qui a provoqué jeudi matin la colère noire de Jean Balan, l’avocat de plusieurs familles de victimes du bombardement.
« C’est du pur blabla, je vous le dis bien, du pur blabla. Parce que tous ces éléments existent. Ces trois-là, ils ont saboté l’enquête depuis le début. Et quand je dis saboter l’enquête, ce n’est pas moi qui le dis, c’est même le juge d’instruction qui le dit avec d’autres mots après quatorze ans d’enquête. Pourquoi ils ont fait ça ? Parce que Gbagbo n’est pas l’Ivoirien à l’origine du bombardement. Ça, c’est établi totalement dans l’enquête. Mais qui est à l’origine du bombardement alors ? Ils protègent qui ? Eux-mêmes ? Une commission d’enquête aurait pu le déterminer. C’est pour ça qu’ils ne veulent pas du tout que cette enquête progresse, parce qu’on arriverait à un scandale d’État, le plus grand de la Ve République », estime Me Balan.
Et il en est depuis longtemps convaincu : Michèle Alliot-Marie, Dominique de Villepin et Michel Barnier ont tout fait pour faire libérer ces mercenaires. Ces derniers, de nationalité biélorusse, étaient accusés d’avoir bombardé le camp français de Bouaké le 6 novembre 2004, à bord de deux Soukhoï Su-25. Un bombardement qui avait causé la mort de neuf militaires français et d’un civil américain. Trente-huit soldats avaient aussi été blessés dans l’opération. Paris avait riposté dans la foulée en détruisant l’ensemble de la flotte militaire de Laurent Gbagbo. La tension était telle que plusieurs milliers de ressortissants français avaient été rapidement évacués.
Dix jours plus tard, les autorités togolaises avaient arrêté huit ressortissants biélorusses suspectés d’avoir participé à l’attaque. Lomé les avait alors mis à la disposition de Paris, mais étrangement, la France décida de ne pas les arrêter.
Dominique de Villepin, le ministre de l’Intérieur assura quelques mois plus tard « ne jamais avoir été saisi de cette affaire ». Quant à la ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie, elle expliqua qu’il n’y avait pas de base légale pour les arrêter. Des arguments battus en brèche par Sabine Khéris, la juge d’instruction en charge de l’affaire estimant en 2016 que « tout a été orchestré afin qu’il ne soit pas possible d’arrêter, d’interroger ou de juger les auteurs biélorusses du bombardement ». Elle avait alors demandé le renvoi des ministres devant la Cour de justice de la République, la CJR, qui a donc décidé ne pas engager de poursuites contre eux. On ne risque donc pas de connaître un jour les raisons qui ont poussé la France à renoncer à juger les présumés assassins des soldats français.
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