La crise des urgences hospitalières dure depuis trois mois et ne cesse de s'amplifier. Une manifestation nationale est prévue jeudi après-midi à Paris, en attendant une rencontre avec la ministre de la Santé, Agnès Buzyn.
Grèves, réquisitions, arrêts maladie en guise de protestation… Après bientôt trois mois de grève, la crise des urgences hospitalières s’amplifie. Une manifestation nationale est prévue jeudi 6 juin à Paris, dans l’après-midi, après la venue d'Agnès Buzyn au congrès des urgentistes.
Le mouvement de grève, entamé mi-mars, s’est étendu à plusieurs dizaines d’établissements – une "cinquantaine" selon le gouvernement, 80 d’après le collectif Inter-Urgences, qui rassemble des professionnels des services des urgences en grève, en Île-de-France et dans d’autres régions.
"J'ai prévu de me rendre ce (jeudi) matin auprès d'eux et de leur parler", au Palais des congrès à Paris, a annoncé Agnès Buzyn, la ministre de la Santé, sur Public Sénat. "Je vais leur faire des propositions", a-t-elle ajouté. "Les urgences sont en souffrance, et vraiment il faut l'entendre."
"Les équipes sont épuisées"
La pression monte un peu plus chaque jour sur Agnès Buzyn. L'Ordre des médecins a réclamé, mercredi 5 juin, "une concertation d'urgence" pour prendre enfin les "décisions ministérielles qui ne sauraient être plus longtemps différées".
Cette prise de position fait suite à "des réquisitions préfectorales" qui ont "suscité de l'émotion", notamment dans le Jura, à Lons-le-Saunier, où les gendarmes sont venus solliciter des soignants en pleine nuit la semaine dernière.
Une mesure rendue nécessaire par "l'absentéisme soudain" de médecins "inscrits au planning et assignés" par la direction de l'hôpital, mais "s'étant déclarés en maladie", selon l'Agence régionale de santé (ARS) de Bourgogne-Franche-Comté.
Les praticiens, mis en cause par les autorités, n'ont pas tardé à riposter : le syndicat Jeunes médecins a annoncé, mercredi, le dépôt d'une plainte contre X pour mise en danger de la vie d'autrui. Il reproche notamment au préfet de ne pas avoir annulé des manifestations sportives malgré "un risque majeur de débordement du service des urgences".
À Paris aussi, aux urgences de l’hôpital Lariboisière, une quinzaine d'infirmiers et d'aides-soignants de l'équipe de nuit se sont fait porter malade et ne se sont pas présentés dans la nuit de lundi à mardi. Un moyen "d'envoyer un signal fort" pour faire comprendre que "les équipes sont épuisées", explique Hugo Huon, infirmier dans ce même hôpital, et membre du collectif Inter-Urgences.
Un signal très peu apprécié par Agnès Buzyn. "C'est dévoyer ce qu'est un arrêt maladie. Je pense que ce n'est pas bien, ça entraîne une surcharge de travail pour les autres", a-t-elle réagi mardi.
"Plus de soupape de sécurité"
Dans la réalité des faits, la surcharge de travail est devenue la norme. Le nombre de patients pris en charge aux urgences est passé de 10 millions en 1996 à 21 millions en 2016, un record sans doute dépassé depuis.
"On a doublé notre activité, mais on n'a pas doublé nos moyens", observe Tarak Mokni, responsable du Samu de Bayonne (Pyrénées-Atlantiques).
Où qu’ils soient dans l'Hexagone, les urgentistes s'inquiètent du manque d'effectifs et des fermetures de lits "d'aval" pour transférer les malades dans les autres services hospitaliers. "Il n'y a plus de soupape de sécurité." confie Philippe Fradin, chef des urgences de La Roche-sur-Yon (Vendée).
François Braun, chef de service au CHR de Metz-Thionville et président de Samu-Urgences de France, évoque quant à lui un "malaise profond et général". Le congrès annuel de son association est d'ordinaire marqué par une intervention du ministre de la Santé. Cette année, celle-ci défend toute la semaine son projet de loi au Sénat, et n'a pas inscrit l'événement à son agenda.
Les personnels hospitaliers, eux, seront au rendez-vous. Ils ont prévu de se faire entendre sous les fenêtres du ministère à l’occasion d’une manifestation qui partira à 13 h de la gare Montparnasse, à l'appel du collectif Inter-Urgences, soutenu par les syndicats CGT, SUD et FO ainsi que par l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf). "On ne peut pas faire mieux avec moins", affirme l’emblématique président de l'Amuf, Patrick Pelloux, qui juge nécessaire "un débat au Parlement sur les urgences".
En proie aux critiques, l'exécutif peine à désamorcer la crise. "Nous entendons ce que nous disent les soignants", a assuré, mercredi, la secrétaire d'État Christelle Dubos à l'Assemblée nationale, ajoutant que la ministre de la Santé "recevra dans les prochains jours l'ensemble des organisations" d'urgentistes.
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