Le limogeage, en Guinée, de patrons de l’armée, n’a pas arrêté le mouvement de grogne des militaires qui ont pillé ce week-end, les magasins d’une société ravitaillant l’armée. On a dénombré, au moins, sept blessés parmi les civils dans un quartier populaire de Conakry.
CONAKRY - Des centaines de militaires ont attaqué les magasins de la Société de commerce et de financement (SCF), appartenant au milliardaire guinéen, El Hadj Alpha Amadou Diallo, situés à Matam, sur la corniche sud de Conakry. Environ dix d’entre eux "sont arrivés vers 18H00 (locales et GMT, samedi) en reconnaissance des magasins", ouvrant la voie une heure plus tard à des centaines d’autres venus en camions, a expliqué un des responsables du magasin, sous couvert d’anonymat. Ils ont défoncé des murs et emporté diverses marchandises, dont du savon, du riz, des véhicules, suivis dans leur pillage par des civils. "Ça a duré jusqu’à 02H00 du matin (dimanche)”. Selon des témoins, au moins sept civils ont été blessés, atteints par des coups de feu tirés en l’air par les militaires. Jusqu’à hier après-midi, aucun bilan n’avait pu être obtenu d’autre source. Le calme régnait à Matam où aucun élément des forces de sécurité n’était visible. Des soldats se sont désolidarisés du geste de leurs collègues, en rappelant que le pillage a eu lieu quelques heures après le limogeage de patrons de l’armée, perçu comme la satisfaction d’une partie de leurs revendications. Depuis le 2 mai, des militaires en grogne à travers le pays revendiquent notamment le paiement d’arriérés de soldes non perçus depuis 1996 et estimés à plus de 300 millions de francs guinéens (plus de 75.000 euros), ainsi qu’une augmentation de leurs soldes.
Le président Conté a limogé samedi huit hauts responsables de l’armée, dont certains étaient accusés par les militaires mécontents de corruption et de détournement de leurs arriérés de soldes. Parmi eux, figurent le général Arafan Camara, ex-ministre de la Défense et le général Kerfalla Camara, ex-chef de l’armée. Le général Mamadou Baïlo Diallo, officier supérieur à la retraite depuis 2005, a été nommé ministre de la Défense et le général de brigade Diarra Camara, précédemment commandant de la 3e région militaire de Kankan (est), chef d’état-major des armées.
Ces limogeages et nominations suscitaient, hier, des réactions mitigées au camp Alfa Yaya Diallo de Conakry, le plus grand du pays et l’épicentre de la protestation des soldats. Un des militaires, joint par l’AFP, a salué ces mesures. Il s’agit d’"un grand pas vers la satisfaction de nos revendications. (...) Le reste viendra si nous savons raison garder", a-t-il ajouté. Un autre, cité par Radio France Internationale (RFI), a ouvertement dénoncé le nouveau ministre de la Défense, l’accusant d’être impliqué dans le "détournement" de leurs arriérés de soldes.
"Nous avons exigé le départ de ceux qui sont impliqués dans ce détournement, et celui qu’on fait encore venir au ministère de la Défense était l’un des impliqués", a déclaré ce militaire, parlant de "provocation". Des militaires en colère ont par ailleurs dénoncé un "manque de respect" du président Conté, qui n’a pas honoré samedi, un rendez-vous qu’il avait pourtant lui-même fixé aux soldats pour des "discussions directes" sur leurs revendications au camp Alfa Yaya Diallo. Cette rencontre a été repoussée à aujourd’hui. Les violences et la confusion ayant marqué la grogne des militaires ont fait huit morts (bien huit) et plusieurs dizaines de blessés depuis le début du mouvement, selon diverses sources.
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