Avec les révolutions arabes, l'islam politique s'éloigne de la terreur. L'homme qui avait ait ait fait voeu de libérer le monde arabe a été relégué, à la suite de son décès au Pakistan le 2 mai, à l'arrière-plan des révolutions et soulèvements qui redessinent la région et que lui et ses troupes peinaient à comprendre. Comme on pouvait s'y attendre, les réactions à sa mort sont extrêmement variées. Mais le plus remarquable est peut-être le sentiment que, dans des pays comme l'Égypte, la Tunisie, la Libye et d'autres, Ben Laden n'était que l'écho d'un passé lointain caractérisé par une séparation marquée, confinant à la crispation, entre Orient et Occident, dictatures et peuples démunis. Dans un monde arabe où le tumulte commence à modifier cette donne politique, on a souvent eu l'impression dernièrement que les seuls à citer le terroriste étaient les porte-parole de despotes comme Mouammar Kadhafi ou Hosni Moubarak. Ils brandissaient sa menace pour tenter de continuer à s'accrocher au pouvoir. Certains disent que la mort d'un homme qui porte une part de responsabilité dans deux guerres et dans le renforcement de l'implication des États-Unis de l'Afrique du Nord au Yémen, en passant par l'Irak, servira d'épitaphe à une époque révolue. Pour beaucoup dans cette région où les trois cinquièmes de la population ont moins de 30 ans, les attentats du 11 Septembre sont, au mieux, un souvenir d'enfance.
«Le monde arabe est préoccupé par ses propres bouleversements, c'est la révolution généralisée», constate Diaa Rashwan, directeur adjoint de l'Ahram Center for Strategic and International Studies, un centre de recherche du Caire. «Sa mort aurait pu marquer les esprits avant la Tunisie, mais plus maintenant.» Farah Murad, 20 ans, étudiant de l'Université allemande du Caire, dit du 11 Septembre: «J'en ai un vague souvenir, mais c'était il y a si longtemps». Le timing de la mort du leader terroriste n'a pas été sans susciter d'interrogations. Des observateurs suggèrent que sa cachette était connue de longue date et que son assassinat sert certains intérêts, qu'il s'agisse de ceux de l'Administration Obama, du Pakistan ou d'autres. Bilal al-Baroudi, imam sunnite de la ville conservatrice de Tripoli, au Liban, a déclaré: «Nous n'apprécions pas les réactions de joie et de fête en Amérique. Ce n'est pas une si grande victoire. Qu'ontils réalisé de si grandiose? Ben Laden, ce n'est pas la fin et la porte reste fermée entre nous et les États-Unis». Marwan Shehadeh, activiste islamiste et chercheur en Jordanie, avance que les Arabes vont voir la mort de Ben Laden à travers le prisme de leur antipathie vis-à- vis des politiques américaines -interventions en Irak et en Afghanistan, soutien à Israël.
«Ils considèrent Ben Laden comme un modèle pour combattre l'hégémonie des États-Unis», dit-il. Dans le même temps, M. Shehadeh fait valoir que dans le monde musulman, le décès du terroriste le plus recherché pourrait symboliser le passage de la violence à d'autres formes d'engagement politique, encouragées par l'espoir de changement soulevé par le Printemps arabe. Comme pour souligner qu'une page se tourne, les Frères musulmans ont déclaré qu'avec la mort de Ben Laden, «les États-Unis devraient quitter l'Irak et l'Afghanistan».
Un tournant dans la relation entre l'islam politique et l'État arabe
En Libye, où le colonel Kadhafi traite inlassablement ses ennemis d'acolytes de Ben Laden, les éventuelles sympathies qui auraient pu exister semblent s'évaporer face aux tourments d'une révolte qui ne doit rien à l'extérieur. Eswahil Hassan, médecin à Darnah, l'une des villes les plus pieuses, dans l'Est du pays, dit que la nouvelle de l'assassinat est passée presque inaperçue.
Il raconte qu'en l'apprenant avec un collègue de l'hôpital, ils ont évoqué les problèmes que Ben Laden avait causés aux Libyens, soudain sommés de prouver leur non-appartenance à al-Qaida. Son ami s'est réjoui de la disparition du leader terroriste, s'exclamant: «Qu'il aille au diable!» Le décès de l'ennemi n°1 des États-Unis marquera inévitablement un autre tournant dans . En 2001, Ben Laden était considéré comme le symbole d'une religion attaquée de toutes parts, la personnification de la frustration des peuples face à une foi qui semblait submergée par une puissance occidentale. Son corollaire était la répression des islamistes dans les pays arabes. Beaucoup ont souligné qu'Ayman al-Zawahiri, son bras droit, s'était radicalisé dans les geôles égyptiennes. Une impression d'impuissance, que ce soit dans les quartiers les plus pauvres du Caire ou les plus traditionalistes de Riyad, semblait motiver ses partisans. «Après la fin de la guerre froide, quand l'Amérique est devenue l'unique superpuissance, il était le seul contrepoids», déclare Islam Lotfy, activiste et dirigeant du mouvement de la jeunesse des Frères musulmans égyptiens, principale force politique islamique légale.
Bien qu'ils n'aient pas encore tous atteint leurs objectifs, les soulèvements arabes, notamment en Égypte et en Tunisie, sont en train de redessiner l'échiquier. Les courants islamistes pourraient désormais avoir leur mot à dire et se départir du sentiment d'impuissance qui les a autrefois poussés dans les bras de Ben Laden. Si la colère subsiste face à la politique américaine et au traitement des Palestiniens par Israël, l'attention se tourne essentiellement vers la situation intérieure, les militants tentant de décider de la nouvelle forme que devra prendre l'État. Selon Radwan Sayyid, professeur d'études islamiques à l'Université libanaise de Beyrouth, «le problème n'est plus de savoir comment détruire quelque chose ou lui résister, mais comment construire quelque chose de nouveau -un nouvel État, une nouvelle autorité, une nouvelle relation entre la population et les dirigeants, une nouvelle société civile».
8 Commentaires
Truly
En Mai, 2011 (16:45 PM)Undefined
En Mai, 2011 (16:47 PM)Truly
En Mai, 2011 (16:50 PM)Lorrain
En Mai, 2011 (16:50 PM)euskeuy ndeketé mortell la sama soppé ba ben laden
Truly
En Mai, 2011 (16:54 PM)Repondez way gayi
Undefined
En Mai, 2011 (17:05 PM)50 Cent
En Mai, 2011 (17:18 PM)Undefined
En Mai, 2011 (15:57 PM)Participer à la Discussion