Le parquet de Paris a requis lundi dix ans de prison, soit la peine maximale encourue, à l'encontre du frère aîné d'un des tueurs du Bataclan, jugé à Paris pour avoir reçu un entraînement militaire au sein d'un groupe islamiste en Syrie. Au premier jour des débats, Karim Mohamed Aggad avait demandé un "procès équitable", sans "amalgame". "On choisit ses amis, pas sa famille", avait-il dit. "On n'a aucune part de responsabilité dans ce qui s'est passé. Mon frère a fait ce qu'il a fait, ça n'engage que lui."
Sont jugés dans cette affaire sept Alsaciens, soupçonnés d'avoir participé en 2013 et 2014 à une filière d'acheminement de candidats au djihad vers la Syrie, et d'avoir reçu un entraînement militaire dans ce pays. Le procureur a requis dix ans de prison à l'encontre de trois autres prévenus, huit ans pour les trois derniers, et demandé que toutes les peines soient assorties d'une période de sûreté des deux tiers, avec un maintien en détention.
Une distinction faite en fonction du temps passé sur place : un mois de moins pour ceux envers lesquels il a été plus clément. "Ce sont des peines lourdes qui sont requises, j'en ai bien conscience", a déclaré le procureur Nicolas Le Bris. Mais "ce sont des faits extrêmement graves" qui sont jugés, a-t-il estimé. "On a des gens, et ça ressort des écoutes, qui ont été au front." Ce groupe d'Alsaciens, âgés de 24 à 27 ans, a rejoint la Syrie fin 2013 via la Turquie avec l'aide du "recruteur" présumé Mourad Fares, avant de rentrer en France en ordre dispersé début 2014.
"LE PROCÈS DE LA PEUR"
Tous reconnaissent s'être rendus en Syrie, mais contestent avoir voulu y mener le djihad armé, et disent avoir été piégés. Certains assurent que ce voyage avait "un but d'humanité", et visait à "aider leurs frères Syriens". D'autres, comme Karim Mohamed Aggad, disent avoir eu pour seule intention de combattre le régime de Bachar al Assad. Une ligne de défense qui n'a pas convaincu le procureur. "Ce départ, programmé, a bien une connotation religieuse", a-t-il estimé lundi, citant notamment des écoutes téléphoniques en ce sens et des documents "djihadistes" retrouvés dans les ordinateurs et téléphones des prévenus.
Pour lui, pas de doute, ces individus étaient "déterminés à partir rejoindre un groupe djihadiste", et sur place, ils se sont "parfaitement adaptés". Françoise Cotta, qui défend Karim Mohamed Aggad, a dit ne pas être surprise par les peines demandées. "Ce sont des garçons qui vont être condamnés pour la peur qu'ils inspirent, beaucoup plus que pour ce qu'ils ont fait matériellement", a-t-elle dit à la presse. "C'est le procès de la peur." Une analyse partagée par Me Martin Pradel.
"On est en train de réprimer des faits qui, en eux-mêmes, ne sont pas particulièrement graves, mais qui soulèvent des interrogations sur la capacité d'une personne à aller plus loin, et donc on est au-delà d'un phénomène de simple justice", a-t-il regretté. De cette petite bande d'amis - dix à l'origine, dont deux sont morts sur place -, seul Foued Mohamed Aggad, le plus jeune, est resté en Syrie. Avant de réapparaître, le 13 novembre, au sein de l'équipée sanglante qui fera 90 morts dans la salle de spectacle parisienne du Bataclan.
(Chine Labbé, édité par Yves Clarisse)
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Wali
En Juin, 2016 (14:06 PM)Wali
En Juin, 2016 (14:06 PM)Participer à la Discussion