Deux points de vue opposés. Dimanche, Amnesty International a publié un communiqué faisant état de torture des détenus à la suite de la tentative de putsch en Turquie, le 15 juillet. Le gouvernement turc, lui par le biais de son consulat général à Strasbourg, assure que « l’Etat de droit est respecté ».
« Si la Turquie respecte l’Etat de droit, que le gouvernement autorise les observateurs indépendants du Comité européen pour la prévention de la torture à venir inspecter les centres de détentions où sont retenues plus de 10.000 personnes arrêtées après le putsch », annonce Sylvie Brigot-Vilain, directrice générale d' Amnesty International France.
Les hauts gradés de l’armée victimes des pires sévices
Consul général de Turquie à Strasbourg, Özgür Çinar annonce que « l’Etat de droit est toujours en cours en Turquie malgré l’état d’urgence de 3 mois décrété [le 22 juillet]. Il n’y a pas d’atteinte aux droits et aux libertés de nos concitoyens. » Ce que contredit Amnesty International dans son rapport paru dimanche.
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D’après des témoignages d’avocats, de médecins et d’un employé d’un centre de détention recueillis par l’organisation, « des détenus sont maintenus dans des positions très douloureuses pendant des périodes pouvant aller jusqu’à 48 heures […]. Les policiers ont privé des détenus de nourriture parfois pendant trois jours, et d’eau pendant deux jours. Ces actes de torture ont été accompagnés d’insultes et de menaces. Certains détenus ont subi des agressions sexuelles et même des viols. En général, ce sont les hauts gradés de l’armée qui sont victimes des pires sévices. » La majorité des détenus n’a pu prévenir sa famille ou un avocat.
« Lobbying dans les médias »
Le consul général turc à Strasbourg reconnaît « un nettoyage de ce groupe [les partisans de Fethullah Gülen accusés du putsch] qui a infiltré toutes les institutions de l’Etat au cours des dernières décennies » via 9.000 détentions, l’annulation de la licence d’enseigner de 20.000 fonctionnaires et le licenciement de 25.000 à 30.000 autres personnes travaillant dans la fonction publique.
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Les accusations contre la Turquie sont l’œuvre du « lobbying dans les médias » des partisans de Fethullah Gülen, selon Özgür Çinar. Mercredi matin, Amnesty International France a appris que « le ministre de la Justice accusait l’organisation de mentir sur les allégations de torture », indique Sylvie Brigot-Vilain. Celle-ci craint que son équipe en Turquie soit « ciblée, sous pression » après les dénonciations de dimanche.
Presse, justice, opposition muselées
Si Amnesty International entend que « la Turquie a besoin d’apporter une réponse après le putsch et de mettre un système de sécurité en place », annonce la directrice générale de l’organisation en France, elle dénonce « une chasse aux sorcières ». Car en plus des purges « disproportionnées » dans la fonction publique, « on bâillonne toute voix contestataire en Turquie ». Le 25 juillet,des mandats d’arrêt ont été délivrés contre 42 journalistes. Une enquête a été lancée contre les juges militaires et les procureurs. « La presse, la justice, l’opposition sont muselées. Ce qui ne correspond pas à l’Etat de droit », note Sylvie Brigot-Vilain.
Lundi, des chefs de l’opposition ont rencontré le président turc, Recep Tayyip Erdogan. « Lors de cette réunion, 90 % de la population turque était représentée », souligne Özgür Çinar, consul général de Turquie à Strasbourg. La question d’une réforme de la constitution – « surtout le système judiciaire », avance le diplomate – a été évoquée. La réouverture inquiète Amnesty International. « Comment avec une opposition muselée peut-il y avoir un débat démocratique ? », interroge Brigitte Brigot-Vilain.
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Senegal En Danger
En Juillet, 2016 (17:30 PM)Participer à la Discussion