Désormais libre au lendemain de la grâce présidentielle, Jacqueline Sauvage a entamé jeudi sa nouvelle vie, hébergée par l'une de ses filles dans le Loiret. Sans encore de "projet concret" après quatre ans de prison, mais avec l'envie de "remercier la France et François Hollande".
"C'est que du bonheur, un rêve", a déclaré jeudi sur RTL Carole Marot, qui a accueilli mercredi 28 au soir sa mère dans sa maison de Chuelles, un village du Loiret. "C'était inattendu. Elle se demande si c'est réel", a ajouté Carole Marot, l'une des trois filles de Jacqueline Sauvage, disant avoir trouvé sa mère "fatiguée, affaiblie, vieillie" après ces années de détention.
Au lendemain de son 69e anniversaire, Jacqueline Sauvage est sortie mercredi de prison après la décision de François Hollande de lui accorder une grâce totale. Un dénouement après une intense mobilisation autour de cette femme condamnée pour le meurtre de son mari violent et devenue pour beaucoup un symbole des victimes de violences conjugales.
Et maintenant? Elle "n'a pas de projet concret" dans l'immédiat, sinon de "rester en famille" et de "se recueillir sur la tombe de son fils", a dit à l'AFP Me Nathalie Tomasini, l'une de ses avocates.
Ce fils, lui aussi victime comme ses sœurs des agissements de leur père, s'était suicidé la veille de ce 10 septembre 2012 où Jacqueline Sauvage, après 47 ans d'enfer conjugal, a tué son mari de trois balles dans le dos. Ce meurtre lui a valu d'être condamnée à dix ans de réclusion criminelle en 2014, une peine confirmée un an plus tard en appel. Jacqueline Sauvage devrait s'exprimer "dans les prochains jours" pour "remercier la France et François Hollande", a précisé Me Tomasini.
À une dizaine de kilomètres de Chuelles, à La Selle-sur-le-Bied (Loiret), commune d'un millier d'habitants où s'est noué le drame conjugal, de nombreux habitants ont accueilli "avec une grande satisfaction" la nouvelle de la grâce présidentielle.
"J'ai été très heureux", a déclaré le maire, Pascal Delion. "Cette affaire a beaucoup touché la population". Raymond, un voisin, a toutefois regretté que François Hollande ait "pris cette décision trop tard".
En revanche, pour Jacques, "le président n'aurait pas dû gracier Jacqueline Sauvage: elle a tout de même tiré dans le dos de son mari", a-t-il dit, refusant de voir en elle "le symbole des femmes battues".
Si la décision présidentielle a suscité un rare consensus dans la classe politique, l'Union syndicale des magistrats (USM), majoritaire dans la profession, a accusé le chef de l’État de "piétine(r) allègrement" sa promesse de respecter l'indépendance de la justice.
Les juges avaient par deux fois refusé une libération conditionnelle, après la grâce partielle accordée par François Hollande en janvier, au motif que Jacqueline Sauvage ne s'interrogeait "pas assez sur son acte" et se posait "en victime", confortée dans cette position par la mobilisation en sa faveur.
Jeudi 29, Laurence Blisson, secrétaire générale du Syndicat de la magistrature (SM, gauche), a mis en garde contre le risque d'en venir "à une justice d'opinion dans laquelle (...) ce soit l'opinion qui conduise le président de la République à prendre une décision à des fins politiques".
Toutefois, il n'y a pas lieu de crier au "scandale" dès lors que cette décision "aboutit à la libération d'une personne sur des motifs d'humanité" et non à "effacer la condamnation ou empêcher les parties civiles de recouvrir des dommages et intérêts", a-t-elle estimé.
Le comité de soutien de Jacqueline Sauvage, qui s'était activé sans relâche, "va se dissoudre aussi vite qu'il s'est formé", a annoncé à l'AFP Éva Darlan, sa présidente. Pour autant, le combat n'est pas terminé pour la comédienne, qui propose de faire "de la cause des violences faites aux femmes une grande cause nationale".
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